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L’UA pourrait tirer des enseignements des processus de Djeddah et de Genève

Une analyse des faiblesses et des réussites des médiations antérieures pourrait permettre de mettre un terme au conflit au Soudan.

Les efforts internationaux et régionaux pour mettre fin à la guerre au Soudan sont au point mort depuis 19 mois. Les pourparlers de Genève, organisés par les États-Unis et la Suisse en août 2024, n’ont abouti à aucun résultat tangible, les Forces armées soudanaises (SAF) ayant refusé d’y prendre part. La réunion des chefs d’État du Comité des cinq (C5) de l’Union africaine (UA), prévue à Kampala en octobre, a été annulée pour une raison similaire. Ces efforts, bien que louables, révèlent une absence de stratégie pour faire le lien avec les efforts antérieurs de médiation, s’appuyer dessus et les approfondir.

Le positionnement des parties belligérantes sur le front a également été un obstacle. Toutefois, les récents gains territoriaux des SAF et le léger changement dans l’équilibre des forces en présence pourraient infléchir leur posture de « non-négociation ». Le choix des médiateurs, du lieu et du format des pourparlers de Djeddah et de Genève a-t-il pesé sur l’issue des négociations ? Comment exploiter ces éléments à l’avenir ?

Le choix des médiateurs

Le choix des médiateurs a été orienté par des partenariats bilatéraux plutôt que par des arbitres neutres et de confiance. Le processus de Genève a été piloté par l’Égypte et les Émirats arabes unis, tandis que la médiation du C5, au niveau des chefs d’État, regroupe l’Égypte, la Guinée équatoriale, l’Ouganda, l’Angola et le Nigeria. Les deux processus impliquent des pays ayant des intérêts particuliers et un parti pris présumé pour une partie belligérante. Le fait que les médiateurs aient été désignés à l’avance et imposés aux parties au conflit a posé la question notamment de la crédibilité et de la légitimité de l’ensemble du processus. Selon une source du Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité (CPS), un haut responsable des SAF aurait déclaré : « Nos ennemis ne devraient pas être désignés comme médiateurs. Ils devraient être aux côtés des Forces de soutien rapide (RSF) en tant qu’entité conjointe ».

Le choix des médiateurs a soulevé des questions sur le processus

Que des parties belligérantes fassent le même choix s’avérerait difficile étant donné le manque de confiance et la probabilité de rejet de médiateurs proposés par l’un ou l’autre des protagonistes. Néanmoins, les parties pourraient dresser ensemble une liste de médiateurs que des organisations telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement, l’UA et les Nations unies examineraient. Le mécanisme trilatéral mis en place pendant la transition au Soudan a eu du mal à combler le fossé entre civils et militaires, mais l’avantage comparatif de chaque organisation pourrait encore s’avérer extrêmement précieux dans le cadre d’une médiation trilatérale. Les experts qui ont participé au mécanisme possèdent les compétences et les connaissances techniques qui leur permettraient de fournir des informations contextuelles plus précises sur les efforts de médiation.

Quelle approche ?

L’une des principales failles du processus de Djeddah réside dans l’importance excessive accordée à la situation humanitaire au détriment des considérations politiques. L’approche adoptée s’est concentrée sur la réponse aux besoins humanitaires, célébrant la « Déclaration d’engagement pour la protection des civils du Soudan » quelques semaines seulement après le début de la guerre. Les médiateurs et les parties belligérantes ont convenu que les pourparlers ne seraient pas de « nature politique ». Ils ont insisté sur le fait que la signature de la déclaration n’affecterait en rien la situation juridique, sécuritaire ou politique des signataires, et qu’elle ne serait pas liée à un engagement dans un quelconque processus politique.

Le processus de Genève a suivi cet exemple et s’est concentré sur la garantie de l’accès à l’aide humanitaire. Toutefois, le choix de mettre l’accent sur la combinaison des objectifs humanitaires et du rétablissement de la paix a échoué, conduisant à la violation de sept cessez-le-feu à court terme et la pire crise de déplacement de population au monde.

Le processus de Djeddah a accordé plus d’importance à la situation humanitaire qu’à la question politique

C’est peut-être sur ce plan que l’approche de l’UA pourrait s’avérer plus efficace, car les questions humanitaires ne doivent pas masquer la nécessité de discussions intrinsèquement politiques. Les dialogues intersoudanais menés par le Groupe de haut niveau de l’UA visaient à réunir les groupes armés, les acteurs politiques et les factions civiles pour discuter de la gouvernance post-conflit du Soudan. Les réunions de juin et d’août ont abordé le partage du pouvoir, les dispositions constitutionnelles, les élections, la réforme du secteur de la sécurité, la justice et l’obligation de rendre des comptes. Les délibérations ont été guidées par l’appropriation et le leadership soudanais, l’inclusivité et la neutralité, des principes mis en avant par les médiateurs. Bien que la portée et la participation des acteurs clés soient limitées, ce format et cette approche de médiation seraient plus adaptés.

Quel lieu et quel format ?

Les processus de Djeddah et de Genève se sont déroulés en dehors du continent, renforçant la conviction des parties belligérantes de l’existence d’une influence extérieure malveillante. Les efforts de médiation du Caire, de Kampala et d’Addis-Abeba ont été entachés par la perception d’un prétendu manque de neutralité de la part des États hôtes. Il conviendrait donc de rechercher des capitales africaines neutres, plutôt que de faire le choix de la proximité et de la subsidiarité. Par exemple, l’accord de paix sur le Darfour a été facilité et signé à Abuja, au Nigeria, tandis que l’accord de paix global a été signé à Machakos, au Kenya, des médiateurs neutres de ces conflits.

Les annonces publiques prématurées ont encore entravé les perspectives des médiations récentes. Alors que de tels processus se déroulent bien souvent dans l’ombre, les pourparlers de Genève ont été annoncés publiquement plusieurs semaines à l’avance, ce qui a suscité l’impatience, généré de la pression parmi les parties et nourri les attentes de la population. A contrario, les pourparlers secrets de Manama en janvier 2024 ont été parmi les plus aboutis. Des délégations de haut niveau des SAF et des Forces de sécurité soudanaises y ont participé et élaboré un projet d’accord politique qui ne s’est pas concrétisé, les pourparlers ayant finalement été interrompus. La nature et le format des pourparlers doivent donc être soigneusement étudiés afin de ne pas susciter trop d’espoir et de ne pas exposer au grand jour d’éventuels échecs.

Améliorer les futures discussions

La médiation d’un conflit aussi complexe que celui qui déchire le Soudan s’est avérée une tâche herculéenne et continuera de l’être. Elle nécessite principalement des processus d’édification de l’État et de construction de la nation, maintenant et lorsque le conflit aura pris fin. Cependant, les décideurs extérieurs et africains peuvent en tirer plusieurs leçons et recommandations.

L’UA devrait diriger le processus politique et inclure toutes les parties prenantes

Tout d’abord, les processus de Djeddah et de Genève se concentrent uniquement sur les questions humanitaires, en tirant parti de leurs avantages comparatifs. La prolongation de l’ouverture du poste-frontière d’Adre dans le cadre des pourparlers de Genève devrait permettre de maximiser les gains et d’accroître l’acheminement de l’aide humanitaire. La reprise éventuelle du processus de Djeddah devrait être axée sur la protection humanitaire des civils.

Dans le même temps, l’UA devrait diriger le processus politique et élargir le dialogue intersoudanais à toutes les parties prenantes. En élargissant la portée et le mandat des pourparlers et en les désignant comme la principale plateforme de médiation, l’UA se verrait confier un rôle clair dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la résolution du conflit au Soudan. Le groupe de haut niveau de l’UA bénéficierait d’un financement adéquat, de médiateurs experts et d’un secrétariat bien équipé.

Le comité présidentiel ad hoc doit voir son rôle clarifié et être relié au groupe d’experts de haut niveau. Si le CPS a créé le C5, les membres du comité ne devaient pas nécessairement provenir des États membres du CPS. Le CPS, avec la Commission de l’UA et le Groupe de haut niveau, pourrait s’appuyer sur les expériences passées au Soudan afin de mettre en place un comité neutre, mais efficace. L’intégration de ces leçons dans la conception des efforts de médiation actuels et futurs ainsi que dans l’approche adoptée pourrait finir par déboucher sur un cessez-le-feu durable.

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