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Donner un sens au 20e anniversaire du Conseil de paix et de sécurité

Vingt ans de progrès comme gage d'avenir, même si des résultats positifs impliquent des efforts conscients.

Cette année marque une étape importante dans les efforts déployés par l'Afrique pour répondre à ses préoccupations en matière de paix et de sécurité, puisque le Conseil de paix et de sécurité (CPS) souffle sa 20e bougie. Créé en 2002 en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de l'Acte constitutif de l'Union africaine (UA), le CPS, organe décisionnel statutaire et permanent de l'UA, joue les premiers rôles dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits à l'échelle du continent. Au cours des vingt dernières années, le CPS a accordé une attention particulière à la gestion des crises et des enjeux sécuritaires à l'échelle du continent, ce qui s'est traduit par de nombreuses décisions dans de nombreux domaines d'intérêt.

En mai 2024, 1 213 rencontres ont réuni des ambassadeurs, des ministres ou des chefs d'État et de gouvernement. Elles ont porté sur les cinq régions du continent et ont accéléré la mise en œuvre de l'alerte précoce et de la diplomatie préventive à l'échelle de l'Afrique. Cela s'est notamment avéré utile lors de crises comme celles du Mali en 2012, du Burkina Faso en 2015 et de la Côte d'Ivoire en 2010-2011.

Le Conseil a organisé 1 213 réunions de haut niveau qui ont été bénéfiques pour l'Afrique

Afin de célébrer ses avancées, le CPS a concocté un programme ambitieux. Les célébrations prennent en compte le fonctionnement de l'infrastructure décisionnelle continentale et visent à encourager les échanges constructifs autour de l'utilisation des enseignements tirés de l'expérience pour améliorer les performances futures.

Le programme des festivités

Au total, pas moins de dix-huit séances sont au programme. Celles-ci aborderont des thèmes variés et des dossiers d'actualité épineux tels que l'implication des femmes dans les processus de paix, de médiation et de dialogue, les opérations de paix, l'évaluation de la mise en œuvre du protocole du CPS et l'examen de l'efficacité et de l'impact du Conseil.

Les thématiques abordées lors du 20e anniversaire du CPS

Les thématiques abordées lors du 20e anniversaire du CPS

Les célébrations organisées dans dix des États membres du CPS comporteront des journées de lancement et des cérémonies du drapeau, des petits-déjeuners avec les médias et des colloques. Le Conseil a d'ores et déjà programmé 27 événements autour des 18 domaines thématiques sur une période de 10 mois en 2024, à raison de deux événements par mois en moyenne.

Il y aura des séances publiques (10), des discussions thématiques hebdomadaires (5), des sessions de haut niveau, principalement ministérielles, et un débat d'orientation. Deux visites de terrain seront par ailleurs effectuées dans la région éthiopienne du Tigré et au Sahel, ce qui permettra au CPS de recueillir des informations de première main essentielles à la formulation de réponses adaptées.

Un rôle à ne pas prendre à la légère

Compte tenu des thèmes abordés, des discussions politiques envisagées et des séances publiques prévues, le CPS vise à dresser un bilan complet, sans exclusive, participatif et constructif de ses réalisations. La diversité des points de l'ordre du jour témoigne de l'intensification de ses efforts pour relever les défis à la paix et à la sécurité de l'Afrique, en dépit de leur nombre et de leur complexité. Cela démontre que le Conseil attache une grande importance à son rôle d'organe central du mécanisme de rétablissement de la paix de l'Afrique.

Le 20e anniversaire du CPS dressera un bilan exhaustif, inclusif, participatif et constructif de ses réalisations

Des réunions ouvertes permettront de rassembler les différentes instances de l'UA, les communautés économiques régionales et mécanismes régionaux, les organisations de la société civile, les partenaires de développement et les groupes de réflexion. Cette approche renforce la volonté du Conseil d'associer diverses parties prenantes à la recherche d'options novatrices, à la formulation d'enseignements et à l'établissement de meilleures pratiques futures. Elle met en évidence la volonté de bénéficier de l'expertise et de l'expérience d'autres acteurs en vue de rendre le CPS plus efficace.

Les réunions de haut niveau et les visites de terrain illustrent quant à elles la détermination du Conseil à dresser le bilan de ses efforts et à apporter un soutien résolu à des réponses adaptées et durables aux crises prolongées sur l'ensemble du continent. Une attention particulière est donnée aux crises qui déchirent le Tigré et le Sahel. 

Donner de l'importance à cet anniversaire

Les festivités du CPS pourraient apporter un plus, en permettant d'exploiter des idées nouvelles en vue de relever les défis liés à la paix et à la sécurité. Plus important encore, elles donneront aux décideurs politiques l'occasion de déterminer si les cadres et les approches en matière de rétablissement de la paix adoptés il y a vingt ans sont toujours adaptés aux objectifs recherchés. Dans la mesure où les événements prévus encouragent l'examen des actions passées et l'émergence d'idées novatrices, les attentes sont naturellement élevées en ce qui concerne leur impact potentiel sur le CPS et sur l'ensemble de l'architecture africaine de paix et de sécurité.

La mise en œuvre des décisions du CPS renforcera son efficacité et son impact

Toutefois, compte tenu de la difficulté du CPS à changer de cap, il est fort probable que les festivités ne produisent que peu d'effets. Les réunions publiques seront forcément participatives, inclusives et riches en suggestions et en partages d'expériences. Cependant, il est fort à parier que les mêmes discours et les mêmes discussions se succéderont. En outre, le temps alloué aux séances de même que leur format — calqué sur le forum de Davos — ne font pas toujours honneur à la gravité des questions abordées et ne permettent pas aux experts de contribuer de manière exhaustive et approfondie aux débats.

Le CPS devrait envisager d’organiser des ateliers d'un format différent auxquels participeraient des experts afin de susciter des réflexions plus poussées sur certains thèmes majeurs. Cela impliquerait néanmoins de revoir les cadres et d'évaluer en profondeur les organes existants, de manière à permettre une contribution plus substantielle des experts et à mener une réflexion plus approfondie sur les sujets les plus importants inscrits à l'ordre du jour des festivités.

Si l'on considère que les activités prévues s'ajoutent aux nombreuses questions qui requièrent l'attention du CPS, leur nombre et leur fréquence suggèrent un ordre du jour trop ambitieux. Il est probable que les crises en cours, telles que celles au Soudan et en République démocratique du Congo, ne reçoivent pas toute l'attention qu'elles méritent. De plus, l'ordre du jour est rempli de sessions thématiques qui ne permettront pas d'aborder les crises de manière immédiate ou directe.

Le taux de mise en œuvre des décisions du CPS doit être au centre des préoccupations. Compte tenu de son impact sur les événements des deux dernières décennies, il devrait faire l'objet d'un examen approfondi dans le cadre des discussions, car l'amélioration de la mise en œuvre renforcera considérablement l'efficacité et l'impact du CPS.

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