Avec l’Afrique dans ses rangs, le G20 gagne en maturité

Le directeur exécutif de l’ISS, le Dr Fonteh Akum, expose au Rapport sur le CPS les implications de l’adhésion de l’Union africaine au G20.

Quelle est l’importance de l’adhésion de l’UA au G20 ?

Ce forum, que l’on peut désormais appeler le « G21 » constitue un outil précieux pour coordonner les réponses politiques mondiales aux défis économiques contemporains, de plus en plus interconnectés, pluricausaux et complexes. Ces défis concernent notamment le commerce, le climat, les pandémies et l’inflation. Le G21, qui est désormais plus inclusif, est composé de pays ayant des capacités, des niveaux et des rythmes de croissance économique différents. Il pourrait apporter des solutions équitables à des problèmes mondiaux dont les manifestations et les implications sont différentes aux niveaux régional, national et local. Cela est d’autant plus important que la création du G20 a elle-même résulté de la crise financière asiatique de la fin des années 1980.

L’UA, qui représente 55 pays (l’Afrique du Sud étant déjà membre du forum), rejoint le G21 forte d’un produit intérieur brut combiné de 3,2 billions de dollars US. Elle est la troisième région la plus peuplée après la Chine et l’Inde. L’Afrique est le continent le plus jeune et le plus dynamique au monde et présente un fort potentiel de croissance économique.

Le G21, plus inclusif, pourrait apporter des solutions équitables à certains problèmes mondiaux

Selon le programme Futurs africains et Innovation de l’ISS, sur la base de leur trajectoire actuelle, les économies africaines connaîtront une croissance moyenne de 4,5 % entre 2023 et 2043, contre 2,3 % pour le reste du monde.

Au-delà de cette adhésion, comment l’UA entend-elle contribuer à la résolution des problèmes auxquels sont confrontés le monde et le multilatéralisme ? Quels sont les éventuels risques et bénéfices pour l’UA ?

L’Afrique est fortement attachée au multilatéralisme, même si les limites inhérentes à l’actuel système de gouvernance mondiale sont reconnues et rendent nécessaire sa réforme. Les principaux avantages découleront d’une participation pleine et entière et de la capacité de l’Afrique à contribuer aux débats politiques afin de les influencer et de promouvoir les intérêts communs et diversifiés de l’Afrique.

L’UA doit faire face à des dynamiques de pouvoir complexes, à des liens historiques et à des penchants protectionnistes qui mettent en évidence les défis économiques de l’Afrique. En parallèle, elle investit dans des modèles extractifs de ressources humaines et matérielles qui perpétuent les inégalités à l’échelle mondiale.

Par conséquent, l’organisation devra adopter une approche globale pour contribuer au G20 de manière significative. Depuis 2002, l’UA a développé un socle normatif et une organisation structurelle (comprenant une commission et un réseau d’agences) aptes à soutenir la mise en œuvre de l’Agenda 2063 tout en appuyant l’innovation multilatérale.

L’UA pourrait jouer un rôle majeur en reliant des priorités et des intérêts fondamentalement divergents

Les capacités combinées du département du Développement économique, du Tourisme, du Commerce, de l’Industrie et des Mines et du secrétariat de la zone de libre-échange continentale africaine forment l’accord de libre-échange le plus important au monde. Il en va de même pour les questions climatiques et macroéconomiques.

L’UA portera-t-elle la parole du Sud global et assurera-t-elle la coordination de ses positions ?

Le concept de Sud global reste controversé, six des pays constituant ce vaste ensemble étant déjà membres du G21. Leur expérience, ainsi que celle de l’Union européenne en tant qu’organisation internationale membre du G21, peut être utile à l’UA. Cette dernière gagnerait à fonder sa participation sur son Acte constitutif, à la fois dans la lettre et dans l’esprit du document. La diversité de l’Afrique et les capacités différenciées des pays de l’hémisphère Sud devraient favoriser une approche plus inclusive face aux problèmes mondiaux.

Étant donné que la mise en œuvre des solutions à ces problèmes est susceptible d’être prise en otage dans des dynamiques de smart power, l’UA gagnerait à mieux appréhender et à développer le smart power de l’Afrique afin de favoriser la coopération et l’obtention de résultats bénéfiques pour tous au sein du G21. Compte tenu de l’importance croissante de l’Afrique en tant que partenaire commercial, maillon de chaîne d’approvisionnement et réservoir de ressources humaines, et de la dépendance grandissante de ses partenaires à son égard, l’UA pourrait jouer un rôle majeur en jetant des ponts entre des priorités et des intérêts fondamentalement divergents.

Étant donné qu’elle représente 55 États, comment l’UA parviendra-t-elle à formuler une position commune et dans quels domaines clés ?

La définition de positions communes est essentielle pour promouvoir les intérêts de l’Afrique. Mais il n’est pas rare de voir les États membres choisir pour le continent une posture différente sur les grandes questions mondiales, les enjeux économiques étant souvent un peu moins controversés que les enjeux sécuritaires et politiques. Par conséquent, la formulation d’une position commune est souvent le fruit d’un processus consultatif et coordonné, nécessitant des négociations minutieuses, autant d’efforts que l’UA a déjà déployés par le passé. Toutefois, ce type de démarche requiert de la part de la Commission de l’UA des ressources humaines et matérielles considérables.

La définition d’une position commune est essentielle pour promouvoir les intérêts de l’Afrique

L’adhésion au G20 permettra-t-elle à l’Afrique de devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ?

Rien n’indique que ce sera le cas, bien que cette attente se base sur une approche somme toute rationnelle de la représentation multilatérale et de la prise de décision dans un contexte mondial en mutation. Le G20 et les Nations unies sont des entités différentes, nées à des époques différentes et pour des impératifs différents.

Pensez-vous que le G21 modifiera ses positions sur certaines questions essentielles telles que la viabilité de la dette et le financement du développement ?

Vingt et un pays africains à faible revenu sont actuellement en situation de surendettement, selon l’organisation de campagne ONE. Le service de la dette, nonobstant la pandémie de COVID-19, pose des défis fondamentaux aux États et aux sociétés africaines, notamment en ce qui concerne la réalisation des objectifs de développement durable. Outre le G21, il est nécessaire de réformer entièrement l’architecture financière mondiale afin de promouvoir des approches crédibles et durables du financement du développement pour les populations et pour la planète.

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