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37e sommet de l’UA : peu d’avancées sur beaucoup de dossiers

L’Union africaine a clarifié sa stratégie d’engagement au G20 sans pour autant apporter de solutions à de nombreux problèmes.

Le 37e sommet de l’Union africaine a eu lieu à Addis-Abeba les 18 et 19 février 2024. À la différence des sommets précédents, il s’est tenu dans un contexte de dynamiques régionales difficiles. Parmi celles-ci, la situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et les tensions interétatiques, l’aggravation de la crise au Soudan et les demandes de retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) déposées par trois pays.

Des appels à clarifications ont également été lancés à la suite de l’admission de l’UA au G20 et des discussions en cours sur l’issue de la résolution 2719 du Conseil de sécurité des Nations unies. Dix-huit priorités ont été inscrites à l’ordre du jour du conseil exécutif et 16 autres ont été examinées par la Conférence de l’UA.

Clarifier les engagements de l’UA au G20

Les débats relatifs à l’admission de l’UA au G20 ont d’abord porté sur la montée en puissance de l’UA en tant qu’acteur international indépendant. L’heure est désormais à un examen plus approfondi du rôle concret de l’UA au sein du G20, compte tenu du caractère bien spécifique de ce forum. Quels mécanismes d’engagement l’UA devait-elle adopter et comment pouvait-elle y promouvoir les intérêts de l’Afrique ?

Pour y répondre, le sommet a d’abord traité de la question de la représentation en créant des structures chargées d’organiser les positions africaines et les engagements techniques. Il a été décidé que le président de l’UA, assisté du président de la Commission de l’UA, représenterait l’UA au sommet des dirigeants. En outre, les membres du conseil exécutif responsables des portefeuilles techniques devront être accompagnés des commissaires idoines (voir figure 1).

Dix-huit priorités examinées au Conseil exécutif et 16 autres par la Conférence de l’UA

Ces structures de haut niveau seront assistées par un sherpa et un sous-sherpa qui auront pour tâche de coordonner les efforts des composantes techniques. Elles seront également secondées par la Commission de l’UA et le président de l’UA qui formuleront des positions africaines communes. Le sommet a fixé six priorités pour mettre en œuvre et financer les engagements de l’Afrique. Ces décisions clarifient et orientent les engagements des partenaires et établissent des points d’entrée clairs pour les acteurs impliqués dans la programmation relative à l’adhésion de l’UA au G20.




Sources : PSC Report

Figure 1 : Structures de l’UA relatives à la participation de l’organisation aux travaux du G20

Figure 2 : Domaines prioritaires pour l’engagement de l’UA au G20

(Cliquez sur l’image pour voir l'infographie en taille réelle)

Mettre de l’ordre dans les changements de leadership

Alors que le mandat du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki, touche à sa fin, la course à sa succession s’intensifie. Avant le sommet, une certaine incertitude régnait concernant la région d’où devait venir son successeur, même si les pronostics allaient dans le sens de l’Afrique de l’Est. Conformément à la décision de la Conférence de l’UA de 2018, le sommet a discuté du maintien du système actuel de rotation basé sur l’ordre alphabétique anglais concernant la représentation à l’intérieur et entre les régions. Les discussions ont également mis en évidence les implications de ce système lorsqu’il s’agit de déterminer quelles régions peuvent nommer des candidats à des postes spécifiques lors d’élections.

Toutefois, il n’est pas certain que cette rotation soit opérationnelle dans l’immédiat, compte tenu de son impact potentiel sur la prochaine structure dirigeante de la Commission. Parmi les questions clés non résolues, citons celles d’éventuelles candidatures à un second mandat de la part des commissaires actuels et la préséance des capacités techniques à des fins d’efficacité sur le respect du principe de rotation. Selon le format proposé, par exemple, l’Afrique de l’Ouest pourrait ne pas être en mesure de proposer un candidat pour le poste de commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité (APPS). Seule l’Afrique centrale pourrait le faire.

L’actuel commissaire étant originaire de l’Afrique de l’Ouest, comment les régions et les États membres pourraient-ils contourner sa demande d’un second mandat ? La même question se pose pour le poste de vice-président. Les délibérations du sommet ne sont que le fruit de premières discussions, aucun consensus continental n’a pour l’heure été trouvé.

Les nouveaux membres du Conseil de paix et de sécurité

Lors du sommet, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) a également accueilli de nouveaux membres. Le Ghana, le Sénégal, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, la Tunisie et la République du Congo ont quitté le Conseil, tandis que la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, l’Égypte, l’Angola, la RDC et le Botswana l’ont rejoint. Des doutes subsistent quant à la capacité de cette nouvelle composition à redonner de l’élan à un Conseil qui a été mis à rude épreuve ces dernières années par l’évolution de la nature des menaces qui pèsent sur le continent.

La sélection des commissaires sur la base d’une rotation régionale sapera l’efficacité de l’UA

Ainsi l’arrivée de la RDC au CPS pourrait être un obstacle si le Conseil voulait inscrire à son ordre du jour la crise dans l’est de la RDC, à moins que Kinshasa ne décide d’utiliser le CPS pour aborder la dimension internationale du conflit.

Avec ces nouveaux membres, le CPS est désormais dominé par les « petits États ». Il reste à voir si cela l’affaiblira. Cependant, il est fort à parier que son efficacité dépendra des priorités de ses nouveaux membres. Il est clair, cependant qu’il sera difficile d’aborder la situation interne des pays élus au Conseil en proie à des difficultés, à moins que d’autres États n’osent mener de telles discussions, au risque de tensions bilatérales.

Une réforme ratée ou une opportunité ?

Lors du sommet, le président Paul Kagame a cédé la place au président William Ruto en tant que responsable de la réforme de l’UA. Si l’on ne sait toujours pas comment le successeur de Kagame a été choisi, les critiques virulentes de Ruto sur l’incapacité de l’UA à s’autofinancer plusieurs décennies après l’ère des indépendances laissent à penser qu’il pourrait avoir de nouvelles idées sur la question. Dans son rapport final à la Conférence de l’UA, Kagame a souligné la nécessité pour les États membres de faire preuve de volonté politique pour faire progresser l’UA.

Ruto a donc du pain sur la planche. La réforme de l’UA dépend en grande partie de la volonté politique de ses pairs. Le processus se heurte à des obstacles considérables, notamment la résistance des États membres. Si l’arrivée de Ruto devrait apporter de nouvelles perspectives, il est loin d’être acquis qu’elle entraînera de nouveaux résultats.

Tant de crises à aborder, mais si peu d’avancées

Malgré les nombreux défis à la paix et à la sécurité, seule la situation en Libye a été inscrite à l’ordre du jour. De nombreuses autres crises ont été regroupées dans le rapport statutaire annuel sur l’état de la paix et de la sécurité en Afrique. L’attention portée au conflit du Soudan et d’autres contextes similaires n’a pas répondu aux nombreuses préoccupations et n’a pas été à la hauteur de l’ampleur des menaces. Les discussions les plus significatives ont concerné la guerre à Gaza et la RDC, avec l’organisation d’un mini-sommet sur la situation dans l’est du pays en marge de la réunion.

Le taux d’absentéisme des chefs d’État interpelle sur leur engagement face aux nombreux défis africains

Kagame et le président Félix Tshisekedi se sont contentés de camper sur leurs positions, d’échanger des propos musclés et de se rejeter mutuellement la responsabilité de la gravité de la situation. Le mini-sommet a toutefois permis de mettre à nu les tensions entre Kinshasa et Kigali. En l’absence d’une action régionale rapide, la sécurité risque de se détériorer encore plus avec des conséquences majeures pour la région et l’est de la RDC.

Renforcer l’efficacité des sommets

Le sommet n’est pas parvenu à donner une orientation décisive à la gestion des crises. L’Afrique se demande donc quand la RDC, le Soudan et le Sahel seront enfin pris en considération par des chefs d’État et de gouvernement africains et sur quels enjeux l’attention de la Conférence de l’UA devrait porter, alors que les intérêts diffèrent. Pour beaucoup d’Africains, l’absence de plus en plus patente d’un leadership fort dans la gestion des crises semble indiquer une certaine lassitude ou un fléchissement dans la quête de stabilité au regard de l’idéal de « L’Afrique que nous voulons ».

La diminution du nombre de chefs d’État présents constitue une autre réalité à laquelle il convient de remédier pour garantir l’efficacité des sommets. Vingt-six chefs d’État, six Premiers ministres, sept vice-présidents, sept ministres des affaires étrangères, cinq délégations non africaines et 14 organisations internationales ont participé au 37e sommet de l’UA.

Au vu du taux d’absentéisme des chefs d’État, l’on peut se demander si les dirigeants africains accordent toute l’attention requise aux nombreux défis africains. La lassitude se ferait-elle sentir même chez les chefs d’État, alors que ces derniers assistent régulièrement à des réunions organisées par d’autres partenaires ?

En outre, la plupart des chefs d’État rejoignent leurs capitales dès la fin de la première journée du sommet. Les membres de l’organe décisionnel suprême de l’Afrique, la Conférence de l’UA, devraient, a minima, participer à une réunion annuelle de prise de décision de deux jours. Au lieu de cela, il est devenu normal que les sessions du sommet, qui se prolongent souvent tard dans la nuit, soient suivies par des ambassadeurs plutôt que par des chefs d’État. Cette situation retarde la prise de décision et a pour effet de différer la finalisation des résultats des sommets.

Nombreux sont ceux qui affirment que le remplacement d’un chef d’État par un ambassadeur ou un ministre des affaires étrangères ne constitue pas un manque d’implication. Toutefois, l’Afrique a désespérément besoin de gérer plusieurs problématiques relatives à la paix, à la sécurité et à la gouvernance. Une plus grande assiduité des chefs d’État serait un gage de sérieux et d’engagement dans la résolution des problèmes qui préoccupent le plus les citoyens africains.

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