WiseYouth : l’Afrique et ses jeunes ont-ils besoin d’un énième projet de l’UA ?

Les efforts visant à impliquer les jeunes dans la prévention des conflits doivent recevoir l’appui financier et politique nécessaire.

L’Union africaine (UA) a lancé une initiative de plus en faveur de la jeunesse pour faire progresser la paix. Approuvé en février par les chefs d’État, le projet WiseYouth aura pour objet de créer un réseau de professionnels âgés de moins de 35 ans qui rejoindront les processus de prévention des conflits et de médiation de l’UA.

À première vue, WiseYouth montre l’engagement de l’UA à répondre aux revendications des jeunes concernant leur exclusion des processus de consolidation de la paix. Bien mené, ce projet pourrait attirer davantage de jeunes dans l’observation des élections, la médiation des conflits et le dialogue. Mais sera-t-il doté de toutes les ressources nécessaires ? Sera-t-il mis en œuvre ? Et pourra-t-il contribuer à résoudre les conflits violents en Afrique ?

Cette initiative devrait permettre de renforcer l’inclusion et la participation au niveau continental, mais rien ne garantit que ce sera également le cas au niveau national. Par le passé, des projets similaires tels que FemWise-Africa n’ont guère suscité d’action de la part des États africains. En outre, ce type de projet se heurte souvent à des problèmes de financement et à une faible participation de l’UA.

Néanmoins, WiseYouth pourrait trouver sa place en se distinguant d’autres initiatives similaires de l’UA en faveur de la jeunesse. Ses membres seront des jeunes compétents et expérimentés, capables d’initier et de faire évoluer le travail sur la paix et la sécurité. WiseYouth pourrait attirer des jeunes dans les plans de l’UA visant à préserver les valeurs démocratiques, notamment face à l’augmentation du nombre de coups d’État et de changements anticonstitutionnels de gouvernement.

Des projets similaires, tels que FemWise-Africa, n’ont guère suscité la moindre initiative de la part des États africains

Il s’agira de travailler non seulement avec l’UA mais aussi au niveau régional. Les communautés économiques régionales d’Afrique doivent étendre l’initiative WiseYouth à leurs pays membres. Il faudra pour cela allouer davantage de ressources et de capacités aux questions relatives à la jeunesse. Certains blocs régionaux, tels que la Communauté de développement de l’Afrique australe, n’ont pas encore mis en place de projets plus ambitieux qu’un simple bureau dédié à la jeunesse au sein de leur secrétariat.

WiseYouth devrait tirer les leçons des précédentes tentatives de l’UA pour intégrer les jeunes dans les processus de gouvernance et de sécurité. Le réseau des jeunes du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) existe depuis 2019 et a réussi à collecter les contributions des jeunes avant les examens par pays. Le MAEP a également consulté et documenté les questions vitales liées à la jeunesse. L’Architecture africaine de gouvernance de la Commission de l’UA a fait de même par le biais de ses rassemblements annuels de jeunes.

L’UA doit apprendre des expériences de ces initiatives pour établir une feuille de route pour WiseYouth. En particulier, ce dernier projet en date doit faire bien davantage – tant pour les jeunes que pour la stabilité en Afrique – que d’organiser des réunions et de rédiger des documents.

Les enseignements tirés d’autres initiatives de la Commission de l’UA, telles que le Groupe des Sages et son corollaire, FemWise-Africa, méritent également d’être pris en considération. Elles sont toutes deux composées d’experts en prévention des conflits déployés par l’UA pour soutenir les efforts de paix sur le continent. Bien qu’approuvées par l’UA, ces deux initiatives luttent toujours pour une représentation égale et une plus grande efficacité.

Il faut tirer les leçons des précédentes tentatives de l’UA pour intégrer les jeunes dans les processus de gouvernance

WiseYouth se veut un mécanisme à l’échelle du continent dont les membres représentent les cinq régions géographiques de l’UA. Les jeunes leaders de la Commission de l’UA ont des contrats à court terme afin de garantir des opportunités à autant de jeunes leaders que possible. Ce système devrait être adapté afin de permettre une rotation régionale et ainsi retenir les jeunes artisans de la paix qualifiés.

Il y a quatre étapes qui peuvent garantir la réalisation de l’objectif de WiseYouth, à savoir une participation durable et inclusive des jeunes aux efforts de paix et de gouvernance de l’UA.

Tout d’abord, lorsque WiseYouth sera opérationnel, la Commission de l’UA devrait débloquer des fonds afin de garantir la présence de ses membres quand des questions de paix et de sécurité seront traitées. Les nouvelles initiatives de l’UA sont toujours insuffisamment financées. Exemple récent, celui du Bureau de l’Envoyé de la jeunesse qui, malgré la mise en place d’un deuxième envoyé, manque de financement et de soutien technique pour représenter efficacement les jeunes.

Deuxièmement, WiseYouth pourrait rassembler les meilleurs éléments du réseau Youth 4 Peace Africa, en pleine expansion, de la Commission de l’UA. Ce réseau de jeunes artisans de la paix s’est constitué au cours des quatre dernières années et compte des jeunes déjà actifs dans leurs communautés. Il faut leur donner la chance de faire partie de cette nouvelle initiative. La première cohorte de Jeunes ambassadeurs africains pour la paix a terminé son mandat en février, et l’UA devrait également se reposer sur leurs compétences.

WiseYouth doit faire plus qu’organiser des réunions et rédiger des documents

Troisièmement, l’UA doit exhorter les États africains à accroître la participation des jeunes à la prévention des conflits. Cela permettra à WiseYouth de s’enraciner profondément dans le continent et de tirer profit du vaste potentiel que représentent les jeunes.

Enfin, WiseYouth arrive au moment opportun. En effet, les jeunes jouent un rôle de plus en plus important au sein du système de l’UA : ils disposent d’un Envoyé de la jeunesse et de toute une série de postes d’ambassadeurs occupés à tour de rôle par de jeunes leaders.

Il ne faut donc pas considérer WiseYouth comme une initiative supplémentaire symbolique. Cependant, il faudra une campagne bien huilée pour démontrer aux pays tout l’intérêt que pourra avoir WiseYouth pour la stabilité de l’Afrique. Si l’impact des conflits reste dévastateur, le fait d’exclure les jeunes aggrave encore les conséquences des crises.

Muneinazvo Kujeke, chargée de recherche, Formation pour la paix, ISS Pretoria

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