Vers une UA plus performante ?
Malgré la décision de rationaliser les activités de l'organisation, le dernier sommet de Niamey revêtait toutes les caractéristiques d'un sommet régulier.
Cette année, pour la première fois depuis 2004, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine ne s’est pas réunie pour son habituel sommet semestriel. En lieu et place, une réunion plus restreinte a été organisée en juillet à Niamey, au Niger, entre l’UA et les Communautés économiques régionales (CER).
Il s’agit là de l’une des décisions entrant dans le cadre des réformes de l’UA, adoptées en janvier 2017, visant à améliorer et rationaliser l’organisation de l’institution. Cette décision montre que certaines des réformes de l’UA portées par le président rwandais Paul Kagame sont effectivement mises en œuvre, lentement, mais sûrement.
La réunion UA-CER de Niamey a cependant été supplantée par une session extraordinaire de lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), à laquelle ont répondu présent plus d’une trentaine de chefs d’État. La ZLECAf est certes déterminante pour le continent, mais lui accorder priorité a eu pour résultat de reléguer au second plan l’idée d’alléger les sommets de l’UA.
Le 8 juillet, la première réunion mi-année de coordination entre l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les mécanismes régionaux, censée se substituer à la Conférence de l’UA, s’est vue réduite à un court évènement parallèle. Le sommet de Niamey est finalement tombé dans tous les travers d’un sommet onéreux, dans un pays qui ne peut se permettre d’organiser ce type de grand-messe.
D’aucuns ont évoqué le don de 15 millions de dollars de l’Inde au gouvernement du Niger pour l’organisation du sommet, et les organisations de la société civile ont critiqué la décision de dépenser les fonds des bailleurs à des fins d’organisation d’un évènement aussi onéreux dans un pays en crise. L’un des principaux objectifs des réformes de l’UA est de rapprocher l’institution des citoyens, dont les préoccupations doivent être prises en compte dans un contexte de décentralisation des activités de l’Union.
Une des pierres angulaires des réformes de l’UA consiste à renforcer la Commission de l’UA et rationaliser les activités relatives aux sommets. Les autres points essentiels comprennent notamment une recentralisation de l’UA sur ses principales priorités au niveau continental, ainsi qu’un réalignement des institutions de l’UA sur ces objectifs afin qu’elles parviennent à des résultats concernant lesdites priorités. Figuraient également parmi les priorités, la gestion efficace et effective des affaires de l’UA tant au niveau politique qu’au niveau opérationnel, et le financement durable et souverain de l’UA par ses États membres.
La réunion de Niamey a été supplantée par une session extraordinaire de lancement de la ZLECAf
Certaines des décisions relatives à des changements au niveau institutionnel, discutées lors du dernier sommet à Addis-Abeba, devaient être adoptées à Niamey par les ministres, mais l’examen de ce point à l’ordre du jour a été reporté au prochain sommet, qui se tiendra début 2020. Il s’agissait notamment d’une décision quant à la future structure de la Commission de l’UA.
Il a d’ores et déjà été décidé que certains départements de l’UA seront regroupés, réduisant le nombre de départements et de commissaires de huit à six. Les précisions quant à cette restructuration doivent faire l’objet de décisions sous peu, afin que le processus de sélection de la commission de 2021 puisse débuter l’année prochaine.
Derechef, les États membres se sont montrés divisés sur la question des partenariats. À l’origine, les réformes visaient à parvenir à un accord par lequel « l’Afrique parlerait d’une seule voix ». Le but recherché était que la troïka de l’UA représente le continent lors de certaines réunions avec des partenaires extérieurs, surtout lorsque l’Afrique est appelée à rencontrer un seul pays. La troïka est composée du président de l’UA en fonction, de son prédécesseur et de son successeur, ainsi que du président de la Commission de l’UA.
Un consensus s’est dégagé, permettant à tous les pays de participer aux réunions qui se tiendraient avec de grands groupements de même nature, tels que l’Union européenne ou la Ligue des États arabes. D’aucuns ont également convenu que les partenariats existants, tels que ceux avec la Chine et le Japon, doivent rester inchangés.
En revanche, aucun consensus ne s’est dégagé quant à l’entité qui devra représenter le continent lors de sommets avec des pays spécifiques, tels que la Russie, la Turquie, les États-Unis ou même la France, qui organise depuis de nombreuses années des sommets Afrique-France. Nombreux sont les chefs d’État qui ne veulent pas être mis sur la touche en faveur d’une structure plus restreinte qui ne représentera pas nécessairement leurs intérêts.
Le nombre de départements et de commissaires de l’UA passera de huit à six
Le Conseil exécutif (constitué de ministres des Affaires étrangères) a pris la décision de diminuer de nouveau le budget de la Commission de l’UA, passant de 681 millions de dollars à 647 millions par rapport à l’année précédente. Cette coupe budgétaire est le fruit de la suppression de doublons et d’une meilleure gestion de la Commission.
Le Comité des Représentants permanents (composé d’ambassadeurs) a présenté un rapport, réalisé par des auditeurs externes, qui a révélé de graves défaillances dans les pratiques comptables de la Commission de l’UA et de ses divers organes. Manifestement, l’appel à l’autofinancement de l’UA va de pair avec davantage de responsabilisation et de transparence.
Le président de la CUA, Moussa Faki Mahamat, a déclaré aux membres du Conseil exécutif présents à Niamey que la Commission avait bien pris note des conclusions des auditeurs externes et qu’elle mettait en place des mesures en vue d’améliorer la situation et de sanctionner les auteurs de ces irrégularités.
Bien que le prélèvement de 0,2 % sur les importations prévu pour financer l’UA – l’une des premières pierres angulaires des réformes – n’a pas été universellement mis en œuvre, ces réformes ont créé une certaine dynamique garantissant une augmentation constante du paiement par les membres de leurs contributions non acquittées.
Il a également été annoncé à Niamey que le Fonds pour la paix de l’UA avait pris beaucoup d’ampleur et s’élevait à 120,7 millions de dollars. Selon M. Mahamat, ce fonds représente un « instrument de souveraineté » qui permettrait à l’Afrique de garantir sa présence active dans les zones de conflit et de poursuivre des efforts de prévention des conflits.
Le Fonds pour la paix permet à l’UA d’agir comme médiateur en cas de crise, sur financement des États membres
Bien que les modalités d'accès et de gestion du fonds demeurent à déterminer, ceci pourrait donner un sérieux élan à la médiation et à d’autres efforts de l’UA en matière de prévention des conflits. Grâce au Fonds pour la paix, l’UA pourra par exemple servir de médiateur dans des crises, notamment au Soudan du Sud ou en République centrafricaine, sans avoir à solliciter de financement auprès de ses partenaires.
Lors du sommet, il a été décidé que le thème pour l’année 2020 serait : « Faire taire les armes : prendre des décisions propices au développement de l’Afrique », conformément aux objectifs de l’Agenda 2063 qui visaient à faire taire les armes à l’horizon 2020. Il est évident que cette importante étape est hors d’atteinte ; cependant, il s’agit de faire le bilan des progrès réalisés par l’UA et de mettre au point de nouvelles stratégies pour instaurer la paix sur le continent.
À l’avenir, le défi pour l’UA consistera à poursuivre la mise en œuvre des réformes et à sanctionner les États membres qui ne respectent pas les accords continentaux, tels que l’autofinancement de l’UA. Les conclusions du sommet de Niamey montrent que les difficultés à parvenir à un consensus sur des problématiques clés demeurent un obstacle vers une UA plus performante.
Liesl Louw-Vaudran, Consultante ISS
Une première version de cet article est parue dans le Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité de l’ISS.
En Afrique du Sud, le quotidien Daily Maverick jouit des droits exclusifs de publication des articles ISS Today. Pour les médias hors d’Afrique du Sud et pour toute demande concernant notre politique de publication, veuillez nous envoyer un e-mail.