Réduire le déficit commercial de l'Afrique du Sud avec la Chine
L'Afrique du Sud doit tirer davantage profit de son partenariat commercial avec la Chine, qui, bien que dynamique, reste très inégal.
Le total des échanges bilatéraux entre l'Afrique du Sud et la Chine est passé de 1,34 milliard de dollars US en 2000 à 34,18 milliards en 2023. Cependant, cette progression a été éclipsée par un déséquilibre commercial persistant en faveur de la Chine, les exportations sud-africaines concernant pour l’essentiel les matières premières et les importations les produits manufacturés.
L'essor des échanges commerciaux a été stimulé par des besoins économiques complémentaires, des partenariats stratégiques et des politiques entreprises dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), créé en 2000, et du groupe des BRICS lancé en 2009.
En 2008, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l'Afrique du Sud, devant les États-Unis, et l'Afrique du Sud le plus grand marché de la Chine en Afrique. Les BRICS ont renforcé leurs liens économiques en offrant un cadre pour des discussions et des accords commerciaux.
Les relations commerciales futures sont prometteuses. La Chine est prête à approfondir son intégration économique avec l'Afrique du Sud, profitant des tensions entre l'Afrique du Sud et les États-Unis dues à la position négative du président Donald Trump à l'égard de Pretoria et des BRICS.
Cependant, le déficit commercial de l'Afrique du Sud avec la Chine s'aggrave : estimé à moins d’un milliard de dollars US entre 1988 et 2000, il est monté à 9,71 milliards en 2023 (graphique 1). Depuis la création du FCSA, les importations de produits chinois ont coûté au total 114,83 milliards de dollars US à l’Afrique du Sud. Depuis 2014, elles représentent presque le double du montant des exportations sud-africaines.
Ce n'est qu'en 2024, lors de la neuvième réunion du FCSA, que l'Afrique du Sud s'en est inquiétée. Il est grand temps pour elle de prendre des mesures pour remédier au déséquilibre commercial et d’examiner les orientations qui garantiraient un résultat mutuellement bénéfique.
Si l’on examine les exportations sud-africaines vers la Chine, on constate qu’elles sont fortement dominées par les minerais, les scories et les cendres, dont la part est passée de 39 % à 64 % depuis le début du FCSA (graphique 2).
Avant le Forum, les véhicules occupaient le deuxième rang des exportations vers la Chine. Toutefois, ils ne représentaient plus que 0,4 % des exportations entre 2001 et 2023, cédant la place au fer et à l'acier dont l’exportation a presque doublé au cours de la même période. Avec le FCSA, les cinq principales exportations de l'Afrique du Sud vers la Chine étaient donc centrées sur les minéraux et les métaux.
Les machines électriques, l'équipement et l'électronique sont les principaux produits chinois importés par l’Afrique du Sud. Ils représentaient 13 % des importations avant le début du FCSA et ont atteint ensuite 25 % (graphique 3). Ils sont suivis par les réacteurs nucléaires, les chaudières, les machines et les appareils mécaniques, dont la part est passée de 11 % à 21 %.
Les importations de vêtements et de produits chimiques organiques ont diminué depuis la création du FCSA. Néanmoins, ils figurent toujours parmi les cinq premières importations de produits chinois en Afrique du Sud.
Alors que les exportations sud-africaines de véhicules vers la Chine ont chuté depuis le début du FCSA (graphique 2), le marché des véhicules chinois en Afrique du Sud a plus que doublé, passant de 1,6 % avant le FCSA à 3,3 % depuis sa création.
Cette analyse met en évidence les dépendances économiques et les défis structurels qui contribuent au déséquilibre commercial persistant entre l'Afrique du Sud et la Chine. Quatre aspects critiques ressortent.
Le premier est la composition des exportations et le rôle des investissements chinois. La Chine s'adresse principalement à l'Afrique du Sud pour les matières premières minérales et les métaux afin d'alimenter sa propre industrie manufacturière. La structure des exportations sud-africaines est de ce fait largement liée à la volatilité des prix et aux fluctuations de la production des matières premières minières, dont la croissance reflète des marges intensives plutôt qu'extensives (diversification) ou de sophistication (ajout de valeur).
Ces matières premières sont à forte intensité de capital et sont principalement contrôlées par des investisseurs étrangers, dont la Chine. Plusieurs entreprises chinoises détiennent des participations substantielles dans des exploitations minières sud-africaines, telles que Wesizwe Platinum, Shanduka Group et divers projets de chrome et de minerai de fer. Une grande partie des exportations de minéraux sud-africains vers la Chine provient probablement de ces investissements miniers chinois. De même, d'autres investisseurs miniers étrangers exportent sans doute des minerais vers leur pays d'origine ou des pays tiers pour leur transformation.
L'enrichissement des minerais, ou la transformation locale des matières premières, est essentiel pour assurer la croissance des exportations grâce à la diversification et à la valeur ajoutée. Cela stimulerait le secteur manufacturier sud-africain et créerait des opportunités d'emploi.
Les importations sud-africaines des produits chinois totalisent 114,83 milliards de dollars depuis 2000
Le deuxième aspect notable des relations entre l'Afrique du Sud et la Chine est la diversification des exportations et les produits agricoles. En 2024, les présidents Cyril Ramaphosa et Xi Jinping ont reconnu la nécessité de diversifier le panier d'exportation de l'Afrique du Sud pour y inclure davantage de produits agricoles afin d'atténuer le déficit commercial. Cependant, les modalités de cette diversification n'ont pas été clairement définies.
L'Afrique du Sud pourrait exploiter la demande croissante de la Chine pour les fruits et les noix tout en explorant d'autres tendances émergentes de la demande. Cela nécessitera des stratégies claires, des investissements dans le secteur agricole et le développement d'industries agroalimentaires à valeur ajoutée.
Troisièmement, l'importation de produits manufacturés chinois, en particulier de vêtements, de produits électroniques, évince les industries sud-africaines. De nombreuses petites et moyennes entreprises ont du mal à rivaliser avec les importations chinoises qui sont relativement moins chères.
Il est nécessaire d’adopter des mesures protectionnistes en jouant sur les tarifs douaniers ou en fixant des quotas sur les importations chinoises qui concurrencent directement les produits locaux, et en adoptant des politiques de substitution des importations. On pourrait inciter les investisseurs et soutenir les entrepreneurs locaux pour qu'ils produisent les biens actuellement importés de Chine.
Toutefois, ces initiatives, ainsi que l'enrichissement des minerais au niveau national, doivent être encouragées par des mesures anti-corruption rigoureuses. Ces mesures garantiraient que les produits tarifés entrent sur le marché sud-africain par des voies légitimes et que les produits miniers à l’état brut ne sont pas exportés.
Le quatrième aspect est le déséquilibre structurel du commerce bilatéral et du panafricanisme. Les relations commerciales de la Chine avec l'Afrique du Sud, et de manière plus générale son engagement en Afrique, sont principalement motivées par ses besoins en matières premières et la nécessité de garantir des marchés pour ses produits manufacturés.
Bien que cet arrangement puisse être mutuellement bénéfique, les pays africains sont souvent désavantagés par leur pouvoir de négociation inégal et leur approche fragmentée des accords commerciaux et d'investissement avec la Chine et d'autres acteurs mondiaux.
Aucun pays africain ne peut lutter seul contre les déséquilibres commerciaux structurels
La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) pourrait favoriser l'unité dans les négociations commerciales et renforcer les chaînes de valeur intra-africaines ainsi que le commerce des produits intermédiaires et finis. Cela aiderait les pays africains à réduire leur dépendance à l'égard des relations économiques et des politiques extérieures, tout en favorisant la diversification économique et une croissance durable.
Le déficit commercial de l'Afrique du Sud vis-à-vis de la Chine n'est pas seulement une question bilatérale. C’est une leçon pour l'engagement de l'ensemble de l’Afrique dans le commerce mondial.
Premièrement, les partenariats économiques doivent aller au-delà des exportations de matières premières pour garantir des avantages à long terme. Les déséquilibres commerciaux demeureront en l'absence de diversification et de valeur ajoutée locale, ce qui limitera la croissance industrielle et la création d'emplois.
Deuxièmement, si les investissements étrangers sont essentiels, les nations africaines doivent négocier en position de force, en veillant à ce que ces investissements s'alignent sur les priorités de développement nationales et régionales plutôt que d’accroître leur dépendance.
Troisièmement, la résilience dans le commerce mondial exige des stratégies d'adaptation. Les pays doivent anticiper l'évolution de la demande, développer des secteurs à forte valeur ajoutée et construire des industries compétitives capables de résister aux chocs extérieurs.
Enfin, aucun pays africain ne peut à lui seul lutter efficacement contre les déséquilibres commerciaux structurels. Le renforcement de la coopération régionale par le biais de cadres tels que la ZLECAF offre un pouvoir de négociation collectif, de meilleures conditions commerciales et des relations mutuellement bénéfiques avec les partenaires économiques mondiaux, y compris la Chine.
Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Tomorrow, le blog du programme africain d'avenir et d’innovation de l'ISS.
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