Promouvoir les investissements pour stimuler le marché unique africain

Des initiatives régionales d’investissement existent déjà en Afrique : elles fournissent des enseignements précieux pour la ZLECAf.

La mise en place historique de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a pour objectif d’accroître la prospérité des Africains en augmentant le volume des échanges intra-africains grâce à l’élimination des barrières tarifaires et non tarifaires. Toutefois se pose la question de la production des biens et des services qui feront l’objet de ces échanges.

Pour produire à plus grande échelle, il faudra injecter des investissements locaux et étrangers dans les différents secteurs de l’économie africaine. L’étape suivante dans le processus de mise en œuvre de la ZLECAf consiste donc logiquement à mettre l’accent sur l’investissement.

En février, un projet de protocole de la ZLECAf sur l’investissement a été présenté au sommet des chefs d’État de l’Union africaine. Ce protocole entre dans le cadre de la deuxième phase des négociations sur la zone de libre-échange. Il vise non seulement à faciliter et protéger les investissements intra-africains, mais aussi à améliorer l’attractivité du marché unique pour les investissements directs étrangers.

Il prévoit notamment la création d’une agence panafricaine d’investissement chargée de coordonner la promotion des investissements par les États membres de la ZLECAf. Pour garantir son succès, il convient de tirer parti des enseignements des tentatives précédentes.

Il faut des investissements transfrontaliers pour les chaînes de valeur régionales, d’où une approche coordonnée

L’objectif de développement des industries africaines va de pair avec la reconnaissance du rôle des chaînes de valeur régionales dans une zone de libre-échange. Ainsi, le secrétariat de la ZLECAf a identifié certaines chaînes de valeur clés auxquelles il convient d’accorder la priorité en raison de leur potentiel en termes d’exportation. Il s’agit notamment des secteurs de l’automobile, du textile et de l’habillement, des produits pharmaceutiques et du cacao.

Ces réseaux régionaux constituent l’une des solutions à la concurrence qui ne manquera pas de se développer entre les États membres de la ZLECAf dans certains secteurs spécifiques. En effet, les contradictions constatées entre les politiques industrielles nationales et les aspirations de la ZLECAf posent déjà  des problèmes dans les négociations.

Étant donné que les chaînes de valeur régionales peuvent nécessiter des investissements transfrontaliers, il faudrait dans l’idéal adopter une approche coordonnée. Ces activités de promotion des investissements régionaux sont souvent menées par des agences d’investissement qui opèrent depuis un moment en Afrique. Certaines initiatives ont été lancées par des blocs régionaux et des États, d’autres par des organisations internationales. Elles ont pris la forme de politiques, de réseaux, de forums ou de véritables agences.

Le Marché commun de l’Afrique de l’Est et australe (COMESA) a créé l’Agence régionale d’investissement du COMESA en 2006. Au-delà de la promotion de la région, l’agence devait renforcer les capacités des agences nationales de promotion des investissements relevant de sa compétence. Cependant, elle a été confrontée à plusieurs problèmes, dont un déficit de crédibilité politique et de ressources.

Les principaux défis des initiatives d’investissement sont la durabilité et la mesure de leur impact

Au niveau national, la Commission nigériane de promotion des investissements a lancé en 2016 le Programme national de certification des investissements destiné aux États. Afin de s’assurer que les différents États du Nigeria soient prêts en matière d’investissements, le projet a renforcé leurs capacités pour leur permettre de certifier leurs structures de promotion de l’investissement. L’un des défis réside dans les différences de niveau de capacités et de types de mécanismes de promotion de l’investissement entre les États. Ce programme a fait l’objet de tentatives récentes de relance.

Le Réseau des agences de promotion des investissements en Afrique (AfrIPANet) est une troisième initiative, lancée par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) en 2001. L’AfrIPANet a été conçu comme une « plateforme commune pour discuter et concevoir des stratégies de promotion des investissements » ; il a connu plusieurs succès. Bien qu’AfrIPANet semble aujourd’hui être en suspens, l’ONUDI continue de soutenir les agences africaines de promotion des investissements par le biais de son initiative Invest in ACP, une plateforme numérique de données stockées dans le nuage.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a mis en place un Cadre de politique régionale d’investissement en 2007, dont il est difficile d’évaluer les résultats à ce jour. La Communauté de l’Afrique de l’Est dispose quant à elle d’un Forum des affaires et de l’investissement, et la Banque africaine de développement s’est dotée d’un Forum de l’investissement en Afrique, qui se tient chaque année.

Les principaux défis auxquels sont confrontées toutes ces initiatives concernent leur viabilité et la difficulté de mesurer leur impact. La mobilisation de ressources pour maintenir leur efficacité devient plus complexe au fil du temps, en particulier pour des projets spécifiques de bailleurs dont les cycles de financement sont limités.

L’agence panafricaine d’investissement se heurtera à des obstacles bureaucratiques, politiques et financiers

Outre les capacités variables des agences de promotion des investissements, la volonté politique de mettre en œuvre les réformes nécessaires varie d’un bloc régional à l’autre. L’agence panafricaine d’investissement proposée sera établie dans le même écosystème délicat, semé d’embûches bureaucratiques, empreint d’une volonté politique insuffisante et de contraintes de financement.

Pour optimiser le potentiel de l’agence, celle-ci doit être créée de manière à pouvoir coopérer avec les agences régionales et nationales de promotion des investissements existantes afin d’éviter les doubles emplois et d’exploiter les ressources de manière plus efficace. Il sera nécessaire de la doter d’un cadre de suivi et d’évaluation pour suivre les progrès et identifier les domaines à améliorer.

Il faudrait également envisager d’adopter une approche progressive, avec la création d’un service de promotion des investissements au sein du secrétariat de la ZLECAf avant de mettre sur pied une agence à part entière. Cela pourrait permettre d’avoir plus de souplesse et d’adopter une approche itérative de la coordination des efforts de promotion des investissements.

Les plateformes numériques sont essentielles pour rationaliser l’accès aux informations relatives à l’investissement et promouvoir la transparence. En développant une plateforme numérique, l’agence panafricaine d’investissement pourra centraliser les données et faciliter le partage d’informations entre les parties prenantes. Cela pourra également permettre une collaboration transnationale entre les agences nationales de promotion des investissements en désignant des points focaux dans chaque État membre de la ZLECAf.

Il ne sera pas facile de coordonner la promotion des investissements entre les 54 États membres de la ZLECAf. Mais il est essentiel de le faire pour résoudre les contradictions entre les aspirations continentales de l’accord de libre-échange et les politiques et réalités nationales des États membres. Les connaissances accumulées dans le cadre d’initiatives menées à l’intérieur et à l’extérieur du continent doivent être examinées afin d’améliorer les chances de réussite.

Teniola Tayo, consultante de l’ISS et conseillère principale, cabinet Aloinett Advisors

Image : © Florian Plaucheur / AFP

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