Bureau du président/Photographe officiel/Kang Min Seok

Premier sommet Corée-Afrique : encore une occasion ratée pour l'Afrique

Les délégués africains sont arrivés à Séoul la semaine dernière sans stratégie commune, mais en avaient-ils besoin ?

Le président kenyan, William Ruto, essuie les critiques des médias. Il y a environ un an, il déplorait publiquement les déplacements en nombre des dirigeants africains aux sommets organisés avec l'Afrique. Il déclarait que les dirigeants de l'Union africaine (UA) et des communautés économiques régionales pouvaient à eux seuls y représenter le continent.

Cependant, c’est avec plaisir qu’il a semblé se rendre à Séoul la semaine dernière pour assister au premier sommet Corée du Sud-Afrique. Vingt-quatre autres chefs d'État et de gouvernement africains, les représentants de 23 autres nations africaines et le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, y ont participé. Au début de cette année, Ruto s’est aussi rendu en Italie, au premier sommet Italie-Afrique.

Hormis la surreprésentation de l’Afrique dénoncée par Ruto, le sommet de Séoul avait un air de déjà-vu. De toute évidence, la Corée du Sud avait pris l'initiative de l'événement et avait une stratégie bien pensée.

Le président Yoon Suk Yeol a promis 14 milliards de dollars US de crédits à l'exportation aux entreprises sud-coréennes pour qu'elles pénètrent les marchés africains et s'est engagé à verser 10 milliards de dollars d'aide publique au développement à l'Afrique d'ici 2030. Il a précisé qu’il attendait de cette relation une coopération sur le développement des minéraux essentiels de l'Afrique, nécessaires aux technologies de pointe coréennes, dont les véhicules électriques. Il souhaite également que l'Afrique soutienne les efforts de Séoul pour maîtriser l'agressivité de son voisin du nord, notamment en essayant de le persuader de réduire ses programmes de développement d'armes nucléaires et de missiles.

La Corée du Sud recherche la coopération de l'Afrique pour ses minéraux critiques

Yoon a exhorté les pays africains à prendre des mesures plus fermes dans le cadre d'une campagne de pression internationale contre Pyongyang. Les relations entre les deux pays se sont détériorées et ce dernier a récemment accéléré ses essais de systèmes d'armes à capacité nucléaire et a envoyé des centaines de ballons pour larguer des tonnes de déchets et de fumier sur la Corée du Sud.

En retour, son pays devrait continuer à œuvrer pour la paix et la sécurité en Afrique, suivant en cela les opérations de l'unité Cheonghae de la marine sud-coréenne dans les eaux somaliennes et l'aide à la reconstruction de l'unité Hanbit de la force de maintien de la paix des Nations unies au Sud-Soudan.

Ses appels ont manifestement été entendus puisque la Corée du Sud et les pays africains ont annoncé qu'ils allaient entamer des discussions de haut niveau visant à améliorer la coopération dans le domaine des minéraux. L'Afrique est une source importante de nickel, de cobalt, de graphite et de lithium, indispensables aux technologies telles que celles des semi-conducteurs, des batteries et des véhicules électriques, qui sont importantes pour les exportations de la Corée du Sud.

La déclaration commune entre la Corée du Sud et les nations africaines réaffirme leur engagement à mettre pleinement en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies à l'encontre de la Corée du Nord. Elle souligne « l'importance des efforts de la communauté internationale pour parvenir à une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la péninsule coréenne ».

L’intérêt des nouveaux pays industrialisés pour les sommets avec l'Afrique grandit

Pour Séoul, comme pour d'autres pays industrialisés, l'Afrique a clairement gagné en importance ces derniers temps avec l’augmentation évidente du besoin de minéraux critiques. Il ne s’agit pas seulement de répondre à la pression mondiale croissante pour accélérer la décarbonisation afin de freiner le réchauffement de la planète. Les relations internationales se sont tendues au cours des deux dernières années, et l'accès aux minéraux critiques et stratégiques est devenu un impératif. Jusqu'à présent, la Corée du Sud accédait à la plupart de ces minéraux par l'intermédiaire de la Chine, qui s’était efforcée d'accaparer le marché.

Cependant, comme la Chine s'éloigne du camp occidental et se rapproche de la Russie, qui se procure des armes et des munitions auprès de la Corée du Nord pour attaquer l'Ukraine, Séoul cherche clairement à obtenir un accès plus direct et plus sûr aux minéraux critiques.

Le ministère coréen de l'Industrie a donc passé des accords spécifiques dans ce sens avec la Tanzanie et Madagascar, parmi les 47 accords signés en marge du sommet avec 23 pays africains. En échange, Séoul a accordé des prêts concessionnels d'un montant total de 2,5 milliards de dollars US à la Tanzanie sur une période de cinq ans. D’autre part, l'Éthiopie a convenu d’un accord de financement d'un milliard de dollar US avec Séoul sur une période de quatre ans pour les infrastructures, la science et la technologie, la santé et le développement urbain.

Toutefois, si plusieurs de ces pays ont préparé leur venue au sommet, certains commentateurs ont déploré que l'Afrique dans son ensemble ne l'ait pas fait. Il s'agit là toujours du même refrain concernant ces sommets. Quelle opportunité l’Afrique a-t-elle ratée ? Ensemble, les Africains auraient pu adopter au moins une position exigeant de la Corée du Sud qu'elle s'engage à respecter les principes de la vision minière de l'UA. La vision se concentre sur des stratégies qui doivent garantir que l'exploitation des minéraux en Afrique apporte davantage aux pays africains, dont leur valorisation (plus-value) et celle des minéraux critiques parmi d'autres retombées comme la création d’emplois locaux.

L’Afrique ne parle pas d'une seule voix sur toutes les questions, ni même sur beaucoup de questions

De plus, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina a déclaré : « Je souhaite demander à la Corée du Sud de consolider ce sommet Corée du Sud-Afrique en acceptant de réorienter les DTS [Droits de tirage spéciaux] vers la Banque africaine de développement ». Les DTS constituent « un nouveau moyen d'accroître le financement du développement ».

Cependant, cela n'a pas été présenté explicitement comme une demande des pays africains ou de l'UA.

Outre les partenaires plus traditionnels, de nouveaux pays industriels ou en voie d'industrialisation tels que l'Arabie saoudite, la Turquie et maintenant la Corée du Sud manifestent un intérêt croissant pour les sommets avec l'Afrique. En réponse, l'UA a rédigé en 2023 une stratégie de partenariat africain et un cadre politique stipulant comment le continent devrait gérer ses relations extérieures et avec les organismes multinationaux.

Dans le cas d'un sommet de continent à pays (par exemple avec la Corée du Sud), le document propose que l'Afrique soit représentée par l'UA. Il déplore l'absence de formulation des « positions et attentes de l'Afrique à l'égard des sommets de partenariat » et propose que l'UA prépare un plan d'action pour chaque sommet. Ce cadre n'a pas encore été adopté, mais il sera examiné par le Conseil exécutif de l'UA les 17 et 18 juillet au Ghana.

On peut toutefois espérer qu'il sera débattu dans son sens le plus large, car les principes sous-jacents ne sont pas axiomatiques. Le continent ne parle pas d'une seule voix sur toutes les questions, ni même sur un grand nombre d’entre elles. On pourrait perdre beaucoup en essayant de l'enfermer dans des politiques collectives vis-à-vis de tous les partenaires ou même en refusant aux États la possibilité de conclure des accords en dehors du continent en rencontrant des personnalités comme Yoon.

Ce n'est pas une indignité si les dirigeants choisissent de le faire, comme Ruto l'a démontré de manière ironique par sa présence à Séoul la semaine dernière.

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigéria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigéria qui souhaitent republier des articles ou faire une demande concernant notre politique de publication sont invités à nous écrire.

Partenaires de développement
L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié