Lois contre les homosexuels : les droits humains régressent en Afrique
La multiplication des lois et des politiques contre l’homosexualité relègue au second plan le sort des victimes.
Publié le 27 septembre 2023 dans
ISS Today
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Dans 33 des 55 pays africains, l’homosexualité est un crime passible d’emprisonnement. Pour cette seule année, six États (le Kenya, le Ghana, la Namibie, le Niger, la Tanzanie et l’Ouganda) se sont engagés à renforcer leurs lois contre l’homosexualité et d’autres pourraient leur emboîter le pas.
C’est la première fois, au cours de ces dernières années, qu’autant de pays adoptent de telles lois, à l’inverse de l’Angola en 2021 et du Gabon en 2020 qui ont dépénalisé les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe. L’Afrique serait-elle en train de régresser ?
Criminalisation des actes sexuels consentis entre personnes de même sexe en AfriqueSource : Base de données mondiale de l'ILGA (cliquez sur la carte pour obtenir l'image en taille réelle)
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Plusieurs politiques internationales soulignent l’impact de la discrimination à l’encontre de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexuels, asexuels et autres (LGBTQIA+). La résolution 41/18 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la protection contre la violence et la discrimination liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre est l’une d’entre elles. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui est juridiquement contraignante en fait aussi partie. Son article 2 prévoit le droit à l’égalité pour tous et protège contre la discrimination liée au sexe, entre autres.
L’Union africaine (UA), toutefois, n’indique pas officiellement si cela inclut l’orientation sexuelle et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples n’a pas émis d’avis cohérent sur la question. La Commission a affirmé que l’article 2 incluait tout le monde et a accordé le statut d’observateur à la Coalition des lesbiennes africaines. Mais, par la suite, elle a rejeté les demandes des organisations reposant sur l’identité sexuelle et l’identité de genre. Pour les autres organes de l’UA et plusieurs États membres, l’article 2 exclut la communauté LGBTQIA+.
L’Ouganda a adopté la loi contre l’homosexualité en mai 2023. Celle-ci prévoit la peine de mort pour « homosexualité aggravée », notamment en cas de relations sexuelles avec des personnes de moins de 18 ans ou si une personne séropositive est impliquée. Elle sanctionne la « promotion de l’homosexualité » d’une peine d’emprisonnement de 20 ans ainsi que les activités telles que la persuasion, la publicité, le financement, la mise à disposition d’espaces et les organismes « militant pour la cause homosexuelle ».
Son article 14, sur le « devoir de dénoncer les actes d’homosexualité », est la disposition la plus ambitieuse. Il impose l’obligation de contacter la police en cas de « soupçon raisonnable indiquant qu’une personne a commis ou a l’intention de commettre » des actes d’homosexualité ou tout autre délit prévu par la loi.
Cette année, six pays africains ont pris des mesures pour renforcer leurs lois contre l’homosexualité
La nouvelle loi criminalise également les soins médicaux prodigués aux homosexuels, leur hébergement ou de leur représentation en justice. En outre, les médias qui diffusent des informations sur les questions LGBTQIA+ sont passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à un milliard de shillings ougandais (environ 250 000 dollars US) et d’un retrait de licence pour une période de 10 ans.
Parallèlement, en juillet, le Parlement ghanéen a approuvé à l’unanimité un projet de loi qui alourdit les peines et crée de nouvelles infractions criminelles concernant des personnes LGBTQIA+. Le même mois, le Conseil national de Namibie a adopté deux projets de loi qui définissent le conjoint comme « un homme et une femme » dans une union de deux personnes de sexe opposé. Le projet de loi vise à renverser un arrêt de la Cour suprême qui reconnaît comme légaux les mariages homosexuels célébrés à l’étranger entre un citoyen namibien et un conjoint étranger.
Au Niger, le Bureau présidentiel de la communication a annoncé que le nouveau code pénal prévoyait des sanctions pour les actes sexuels consentis entre personnes de même sexe. Cette décision faisait suite à une déclaration présidentielle annonçant que les organisations qui réunissent, accueillent ou financent des « clubs d’homosexuels » ou qui défendent les droits des personnes LGBTQIA+ seraient poursuivies. Le Parlement tanzanien envisage de réprimer davantage les actes sexuels consentis entre personnes de même sexe, bien que le code pénal prévoie déjà une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Au Kenya, deux procédures de l’Assemblée nationale ont pour objectif de renforcer les lois homophobes. Le projet de loi sur la protection de la famille de 2023 entend modifier la définition du terme « famille » dans la Constitution et d’imposer des peines plus sévères pour les actes sexuels consentis entre personnes de même sexe. Le dépôt d’une motion vise à interdire la discussion, la publication et la diffusion d’informations sur les LGBTQ+, et ce même si la Cour suprême a réaffirmé les droits des lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transsexuels et queers de se constituer en associations et en organisations non gouvernementales.
La nouvelle loi ougandaise sanctionne les soins médicaux aux homosexuels ou leur hébergement
Bon nombre de ces lois datent de l’époque coloniale. Cependant, les dirigeants politiques, religieux et traditionnels instaurent des systèmes qui excluent les minorités sexuelles et de genre, arguant que l’homosexualité n’est pas une réalité africaine. Ce qui va à l’encontre des recherches et des récits historiques qui font état de comportements homosexuels dans les sociétés africaines précoloniales.
Depuis au moins le début des années 2000, dans toute l’Afrique, certaines organisations évangéliques américaines enveniment la situation. Selon openDemocracy, près de 50 millions de dollars US ont été versés à des gouvernements africains pour qu’ils mettent en place des lois et des politiques contre les droits sexuels et reproductifs. Près de 20 millions de dollars US ont été alloués au gouvernement ougandais, notamment pour qu’il promulgue la loi contre l’homosexualité.
Dans la majeure partie de l’Afrique, les sentiments homophobes sont très répandus et, certains politiques s’en servent pour rallier les populations. Au Burundi, le président Évariste Ndayishimiye a enjoint les citoyens à « maudire ceux qui se livrent à l’homosexualité ». Des points de vue similaires ont été exprimés au Kenya où les dirigeants sont particulièrement virulents sur la question.
Bien que certains pays, comme l’Angola et l’Afrique du Sud, aient dépénalisé l’homosexualité, sans lois complémentaires contre la discrimination, les préjugés sociaux restent omniprésents. En Ouganda, par exemple, un militant des droits de l’homme a dénoncé l’utilisation de la loi à des fins d’extorsion.
Les traumatismes, l’anxiété, la dépression et l’isolement social sont très fréquents chez les LGBTQIA+
Les personnes LGBTQIA+ bénéficient rarement des soins de santé sexuelle et reproductive dont elles ont besoin, en partie à cause des lois homophobes, car elles craignent d’être pointées du doigt et de faire l’objet de discriminations. Cela peut toucher leur santé mentale : les traumatismes, l’anxiété et la dépression sont plus fréquents dans les communautés LGBTQIA+ que dans le reste de la population. L’isolement social et le manque d’estime de soi sont répandus et le risque de suicide est plus important chez les personnes LGBTQIA+ qui vivent souvent seules.
Abandonnées à elles-mêmes dans ce climat d’insécurité, les personnes LGBTQIA+ sont exposées à la violence de leur communauté. Les politiques, lois et pratiques anti-LGBTQIA+ augmentent également le risque de crimes de haine violents.
Cependant, il existe quelques raisons d’espérer dans certains pays d’Afrique. Au Cap-Vert, une loi anti-discrimination assortie de protections supplémentaires pour la communauté LGBTQIA+ est à l’étude. Les personnes menacées de persécution en raison de leur orientation sexuelle peuvent toujours demander l’asile en Afrique du Sud.
Les Seychelles, le Lesotho, le Botswana et, plus récemment, l’Angola ont dépénalisé les relations entre personnes de même sexe. D’autres pays africains devraient s’en inspirer et choisir l’inclusion et le respect des droits de l’homme pour éviter de jeter en pâture les personnes vulnérables.
Ottilia Anna Maunganidze, responsable des projets spéciaux et Chelsea Cohen, chercheuse, ISS Pretoria
Image : © Michele Spatari / AFP
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