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Les jeunes et la crise climatique dans les communautés côtières d’Afrique

La jeunesse africaine, en croissance rapide dans les populations côtières, doit être au centre des initiatives d'adaptation au climat et de développement de l'économie bleue.

L’Afrique est très dépendante de ses chaînes de valeur dans le domaine de la pêche, le poisson fournissant 30 % des protéines animales du régime alimentaire de ses populations. Les recherches de WorldFish indiquent que dans un scénario de croissance constante, le secteur emploiera 21,6 millions d’Africains et générera 3,3 milliards de dollars US de revenus d’ici à 2050. Dans un scénario plausible de forte croissance, les chiffres grimperaient à 50,8 millions d’emplois et à des revenus de 20,4 milliards de dollars.

Cependant, ces opportunités sont menacées par le changement climatique et ses effets dévastateurs sur le secteur de la pêche et les communautés côtières en Afrique. L’élévation du niveau de la mer et l’acidification des océans, entre autres, affectent la bonne santé des océans. Ces phénomènes remettent en cause les moyens de subsistance des communautés côtières.

Il faut rapidement adopter des mesures de réduction des risques de catastrophes afin d’atténuer ces impacts sur la sécurité humaine. À condition de mettre en œuvre ces mesures en se concentrant sur les jeunes en âge de travailler, une crise imminente pourrait se transformer en opportunité pour atténuer les catastrophes climatiques et générer un dividende démographique.

Le changement climatique oblige les communautés côtières à s’adapter à des océans plus chauds et à l’élévation du niveau de la mer, deux phénomènes qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques s’ils ne sont pas enrayés. La température des océans a augmenté de près de 1 oC par rapport à la moyenne constatée entre 1971 et 2000. Les effets du réchauffement des océans se manifestent par des tempêtes de forte intensité comme le cyclone Freddy, qui a dévasté l’Afrique australe, et la tempête Daniel, qui a ravagé la ville de Derna en Libye.

Le changement climatique dévaste le secteur de la pêche et les communautés côtières en Afrique

Le niveau des mers a augmenté globalement de 21 à 24 cm par rapport à 1880. Les scénarios les plus récents prévoient que l’élévation du niveau de la mer en 2100 sera de 28 à 55 cm si la hausse de la température se limite à 1,5 oC. Si l’on tarde encore à mettre fin à l’utilisation des combustibles fossiles, nous risquons d’avoir un monde en 2100 où la température aura augmenté de 4,4 oC, avec une hausse du niveau de la mer de 63 à 101 cm.

Ces situations pourraient mettre en péril la plupart des villes côtières d’Afrique et avoir des effets dévastateurs sur des États insulaires comme Maurice, les Comores et les Seychelles. Elles provoqueraient non seulement l’inondation des agglomérations et des aménagements côtiers, mais également une intrusion d’eau salée dans les eaux douces qui réduirait considérablement la sécurité de l’approvisionnement en eau et compromettrait les cultures côtières et l’élevage. C’est déjà le cas sur l’île de Nyangai, au large de la Sierra Leone. D’importantes infrastructures seraient également menacées dans les villes les plus développées, ce qui pourrait avoir de graves répercussions sur le développement.

La population africaine augmentera de 27 % au cours de cette décennie et plus encore dans les villes côtières en raison de leur importance économique. Le nombre d’habitants dans les sept plus grandes d’entre elles (Lagos, Luanda, Dar es-Salaam, Alexandrie, Abidjan, Le Cap et Casablanca) augmentera de 40 % au cours de la même période.

Dans le même temps, l’économie bleue du continent, dont les ports, la pêche, le tourisme et d’autres activités côtières, devrait connaître une croissance significative. Les estimations de la Banque mondiale révèlent une augmentation de 296 milliards de dollars en 2018 à 405 milliards de dollars d’ici 2030. Les gouvernements africains ont conscience de ce potentiel, comme en témoigne le renforcement de la stratégie continentale pour l’économie bleue et de l’Initiative de la Grande Muraille bleue lors d’une réunion de l’Union africaine en juin de l’année dernière.

Dans les sept plus grandes villes côtières d’Afrique, la population augmentera de 40 % d’ici 2030

La population de l’Afrique est jeune, avec 40 % de moins de 15 ans en 2022, et une moyenne d’âge de 20 ans. Cette tendance démographique est cruciale pour comprendre l’impact disproportionné du changement climatique sur les jeunes.

Alors que les villes côtières connaissent une croissance démographique rapide, la vulnérabilité des jeunes face au changement climatique s’intensifie, en particulier pour ceux qui dépendent de l’agriculture et de la pêche. Le changement climatique compromettra gravement leurs possibilités d’emploi, la perte de leurs moyens de subsistance entraînant une pauvreté multigénérationnelle.

Les taux de criminalité pourraient augmenter pour pallier au manque de revenus. En outre, les déplacements provoqués par le climat et les difficultés économiques créeront un terrain fertile pour la radicalisation et l’extrémisme violent, ajoutant à l’insécurité dans les communautés côtières.

La mobilité forcée est un autre problème potentiel. L’élévation du niveau des mers et la dégradation de l’environnement obligeront les jeunes à migrer davantage à l’intérieur et à l’extérieur du continent, souvent au prix de voyages périlleux et d’un avenir incertain.

Les ressources côtières de l’Afrique ont un énorme potentiel de développement grâce à sa population jeune

Des facteurs transversaux tels que l’âge, le sexe et le statut socioéconomique aggravent les risques pour les jeunes marginalisés. Les jeunes femmes du secteur de l’économie bleue rencontrent souvent des obstacles supplémentaires pour accéder à l’éducation ou à l’emploi, ce qui accroît leur vulnérabilité aux impacts du changement climatique et affaiblit leur capacité d’adaptation. Il est essentiel d’analyser ces défis croisés si l’on veut répondre aux besoins spécifiques des jeunes marginalisés des zones côtières africaines et pour développer des mesures d’adaptation indigènes et innovantes.

Les études montrent que l’émergence de la piraterie en Somalie a été multiforme, motivée non seulement par la pauvreté et l’attrait de l’argent facile, mais aussi par une résistance aux flottes étrangères qui exploitaient les ressources marines. Le changement climatique ne fera qu’exacerber ces pressions. L’économie des océans est essentielle à la stabilité de la Somalie. Cependant, les réductions significatives de la pêche dues au changement climatique et à la variabilité des écosystèmes naturels menacent la sécurité alimentaire et la génération de revenus dans une région déjà confrontée à l’insécurité.

Les ressources côtières de l’Afrique recèlent un énorme potentiel de développement durable, stimulé par la jeunesse de la population du continent. Mettre l’accent sur la lutte contre la crise climatique pourrait donner l’occasion aux jeunes de prendre l’initiative de renforcer des communautés côtières résilientes pour l’avenir.

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