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Les enjeux croissants des investissements étrangers en Afrique

Alors que la main d’œuvre contribue davantage à la croissance économique, l’Afrique doit attirer plus de flux financiers.

Lors des premières étapes du développement, la croissance économique repose en grande partie sur le travail, suivi du capital et de la technologie. Les Tigres asiatiques et la Chine ont adopté cette approche qui reflète l’évolution des moteurs de croissance à mesure que les pays se dirigent vers la prospérité.

Dans sa classification 2025-2026, la Banque mondiale considère que 22 pays africains sont à faible revenu, avec un produit national brut (PNB) par habitant égal ou inférieur à 1 145 dollars US. Leur croissance économique provient pour l’essentiel d’une main-d’œuvre mieux qualifiée, en meilleure santé et plus employée. 

Lorsque les pays atteignent le statut de pays à revenu intermédiaire, le capital devient nécessaire pour stimuler l’industrie manufacturière. Il est alors plus important pour la croissance que la main-d’œuvre ou la technologie. Ce qui est le cas pour les 23 pays africains à revenu intermédiaire de la tranche inférieure selon la classification de la Banque mondiale.

Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (l’Afrique en compte huit) s’efforcent de devenir des pays à revenu élevé. À ce stade, la technologie est cruciale pour des services à forte valeur ajoutée. 

Le manque de capitaux pour le développement de l’industrie manufacturière et des technologies explique l’incapacité des pays à revenu intermédiaire à sortir du piège du revenu intermédiaire. En Afrique, seules les Seychelles y ont échappé.

Il faut des capitaux pour développer les secteurs manufacturier et technologique en Afrique

Le capital, essentiel au développement, permet d’investir dans la santé, les infrastructures et l’éducation, de diversifier les économies et d’amorcer une croissance soutenue par l’industrie manufacturière.

Il est donc impératif d’attirer des investissements directs étrangers (IDE) à grande échelle. Pour cela, les gouvernements sortent le grand jeu en matière d’incitations fiscales et réglementaires, de zones économiques spéciales, de développement des infrastructures et de réformes de la gouvernance.

Avec des IDE supérieurs à la moyenne, des pays comme le Sénégal, l’Ouganda, le Rwanda, le Niger, Djibouti, le Togo, l’Éthiopie, le Bénin et la Côte d’Ivoire devraient connaître une croissance supérieure à 6 %, soit au-dessus de la moyenne mondiale. En 2025, ces pays comptent parmi les économies les plus dynamiques au monde.

Le Nigeria, première économie africaine, n’affichera qu’une croissance de 3,2 % en 2025. Avec une croissance démographique annuelle de 2,6 %, son revenu par habitant est stable. Outre la mauvaise gouvernance et l’insécurité, le faible niveau des IDE (environ 0,5 % du produit intérieur brut) contribue au ralentissement économique.

La Guinée équatoriale, l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Lesotho, le Gabon, l’Angola et la République centrafricaine sont aussi en difficulté. Leur croissance est lente et, à l’exception du Gabon, leurs flux d’IDE sont faibles ou négatifs. Le secteur pétrolier et gazier du Gabon attire des investissements modestes malgré le coup d’État de 2023. 

Le cas du Gabon reflète l’histoire des IDE dans le secteur pétrolier et gazier en Afrique, comme au Mozambique, en Tanzanie, en Ouganda et en Namibie. Ces flux ont des liens étroits en amont et en aval avec l’agriculture et l’industrie manufacturière. 

En dehors du domaine des combustibles fossiles, la plupart des IDE sont dirigés vers les pays africains à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, raison pour laquelle l’aide au développement est précieuse pour les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. L’USAID fournissait environ 26 % de l’aide à l’Afrique. Sa dissolution a amplifié l’importance des IDE, des envois de fonds et d’une meilleure mobilisation des recettes nationales. 

La technologie permettrait de générer plus de recettes nationales. Pourtant, le ratio moyen des recettes fiscales par rapport au PIB en Afrique n’est que de 16 % (avec des écarts importants entre les pays), contre 19,1 % en Asie-Pacifique, 21,5 % en Amérique latine et dans les Caraïbes, et 34 % dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Le thème flux financiers d’Afriques futures, actualisé par la plateforme de prévision International Futures, examine l’effet sur l’Afrique de l’augmentation des IDE, des envois de fonds et de l’aide dans un contexte post-Donald Trump, par rapport à une prévision de statu quo. 

En 2023, les flux d’IDE représentaient 3 % du produit intérieur brut (PIB). Les prévisions de statu quo indiquent une légère augmentation atteignant 3,6 % du PIB d’ici 2043, la croissance démographique et le marché africain attirant davantage d’investissements. Dans le scénario des flux financiers, les entrées d’IDE entrants devraient représenter jusqu’à 5,3 % du PIB (351 milliards de dollars US contre 230 milliards). 

Quoique les entrées dans ce scénario soient beaucoup plus importantes, le stock d’IDE de l’Afrique en 2043 reste inférieur à celui d’Amérique du Sud en termes absolus, et légèrement inférieur de moitié lorsqu’il est exprimé en pourcentage du PIB. 

Dans ce scénario, le PIB de l’Afrique serait supérieur de 243,5 milliards de dollars US en 2043 par rapport aux prévisions du scénario de statu quo. Le PIB moyen par habitant augmenterait de 160 dollars US, les Seychelles et plusieurs pays à revenu intermédiaire afficheraient des résultats exceptionnels.

Parmi les flux financiers entrants modélisés, les IDE surpassent l’aide et les envois de fonds en termes d’amélioration de la productivité, surtout dans les pays disposant d’une main-d’œuvre qualifiée, d’institutions solides et de marchés financiers profonds. Étant donné que les IDE favorisent la main-d’œuvre qualifiée, leur impact sur l’extrême pauvreté dans le scénario des flux financiers se limite à une baisse d’un point de pourcentage par rapport aux prévisions de statu quo.

Les IDE surpassent l’aide et les envois de fonds en termes d’amélioration de la productivité

Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure bénéficient davantage des IDE que les pays africains plus pauvres. La plupart des IDE en Afrique sont consacrés aux industries extractives comme les minéraux, le gaz et le pétrole. 

Cependant, la mise en œuvre complète de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) fournit de meilleurs résultats comparée aux différents secteurs modélisés sur le site Internet d’Afriques futures. À l’exception de l’aide, les indicateurs positifs concernant l’augmentation des flux financiers entrants abondent.

Les investissements intra-africains du Kenya, du Nigeria et de l’Afrique du Sud sont en hausse dans les domaines des technologies de l’information, de la finance et de l’industrie manufacturière. Cette tendance devrait s’accélérer avec la concrétisation de la ZLECAf, qui, selon la Banque mondiale, pourrait stimuler jusqu’à 120 % de hausse des IDE, les investissements intra-africains augmentant également d’environ 85 %.

La Chine, les États du Golfe et l’Inde renforcent leurs investissements dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures et de la logistique en Afrique, redessinant ainsi le paysage économique et géopolitique du continent. 

À mesure que la concurrence mondiale s’intensifie, les pays africains peuvent négocier des conditions d’investissement à long terme bénéfiques. Les investissements dans la transformation agricole, les énergies renouvelables, l’industrie manufacturière et les infrastructures numériques favorisent les transferts de technologie, la création d’emplois et la résilience économique. 

L’Afrique doit offrir un climat d’investissement propice, une stabilité politique et une facilité à faire des affaires afin de retenir les capitaux. Les investissements doivent s’aligner sur les priorités et les objectifs de transformation structurelle, comme en Asie de l’Est où les IDE ont servi à moderniser les technologies et industrialiser l’économie. L’Égypte, le Sénégal, le Maroc, l'Éthiopie et la Zambie obtiennent de bons résultats, mais d’autres pays peinent à progresser.

Les IDE sont un instrument puissant lorsqu’ils sont associés à des réformes nationales solides.

La trajectoire de développement de l’Afrique est autant prometteuse que précaire. La main d’œuvre soutient la croissance économique, mais les Africains devraient attirer davantage de flux financiers, en particulier les IDE. En parallèle, ils devraient réduire les coûts des transferts de fonds et militer pour que l’aide soit accordée aux pays pauvres, qui peinent à attirer les IDE.

Cet article a été publié pour la première fois dans Africa Tomorrow, le blog du programme Afriques futures et Innovation de l’ISS.

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