Le sommet du G20 répond à la plupart des attentes de l’Union africaine
L’UA a sans doute bénéficié de la présidence du G20 assurée par Lula da Silva, dont les idéaux convergent.
Publié le 22 novembre 2024 dans
ISS Today
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L’Union africaine (UA) semble avoir réussi son entrée au G20 lors du sommet de Rio de Janeiro cette semaine. La déclaration finale en 86 points a abordé plusieurs priorités de l’organisation continentale.
En octobre, Albert Muchanga, commissaire de l’UA chargé du développement économique, du tourisme, du commerce, de l’industrie et des minéraux et sherpa de l’UA pour le G20, avait, lors de consultations avec l’Afrique du Sud, défini les priorités de l’Organisation.
Ces objectifs, alignés sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et l’Agenda 2063 de l’UA, incluent six domaines : croissance inclusive, réforme de l’architecture financière mondiale, sécurité alimentaire et adaptation au changement climatique, transition énergétique juste, promotion du commerce et des investissements, et amélioration des systèmes de santé.
Bien que la déclaration du sommet ne mentionne pas explicitement l’Agenda 2063, elle réaffirme l’Agenda 2030, plus universel, et couvre des enjeux similaires à ceux de l’UA.
Le thème général du sommet, « Bâtir un monde juste et une planète durable », et l’accent mis sur trois grandes priorités sont conformes aux priorités de l’UA. Il s’agit de l’inclusion sociale et de la lutte contre la faim et la pauvreté, du développement durable, des transitions énergétiques et de l’action climatique, ainsi que de la réforme des institutions de gouvernance mondiale.
Avant le sommet, des doutes subsistaient sur la capacité de l’UA à influencer une issue favorable
Le lancement, cette semaine, de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté s’inscrit également dans le droit fil des priorités de l’UA. Depuis la pandémie de COVID-19, les niveaux de faim dans le monde ont augmenté, « atteignant… environ 733 millions de personnes en 2023 ».
Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, représentant l’Union africaine (UA) au sommet du G20, a centré son discours sur l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté. Il a salué son lancement par le Brésil et affirmé le soutien de l’Afrique.
Il a déclaré que l’Afrique était le continent le plus touché par la pauvreté et la faim, un Africain sur cinq souffrant de malnutrition et plus de 300 millions risquant de souffrir de sous-alimentation chronique d’ici à 2030 sans intervention urgente.
Cette situation découle, selon lui, de déséquilibres économiques, de disparités sociales, de conflits armés, d’instabilité politique, de la croissance démographique rapide et des effets du changement climatique. Il a également présenté les initiatives de l’UA, notamment une stratégie agricole pour 2026-2035 et la Déclaration de Kampala, qui sera adoptée lors du sommet de janvier 2025.
Le sommet du G20 à Rio a présenté des engagements alignés sur les priorités africaines, notamment un financement à faible coût pour aider les pays en développement dans leur transition énergétique. Il a aussi approuvé des principes pour des transitions énergétiques justes et inclusives, élaborés par le groupe de travail sur l’énergie du G20.
Les résultats alignés sur les intérêts africains confirment l’efficacité des réunions préparatoires de l’UA
Les dirigeants ont par ailleurs appelé à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de donner davantage de poids aux régions « sous-représentées ou non représentées », comme l’Afrique, l’Asie-Pacifique, l’Amérique latine et les Caraïbes. Cependant, la déclaration finale n’a pas explicitement soutenu l’octroi de sièges permanents à ces régions.
En réponse à l’appel de l’Union africaine (UA) pour une réforme de l’architecture financière mondiale, la déclaration du sommet de Rio réaffirme l’engagement pris l’année dernière de « mobiliser davantage de financements concessionnels et d’accroître la marge de manœuvre pour renforcer la capacité de la Banque mondiale à soutenir les pays à revenu faible et intermédiaire face aux défis globaux ».
Les dirigeants ont mis en avant la nécessité d’améliorer la représentation des pays en développement dans les processus décisionnels des banques multilatérales de développement et des institutions économiques internationales. Ils ont salué l’élargissement du conseil d’administration du Fonds monétaire international désormais composé de 25 administrateurs, visant à renforcer la voix et la représentation de l’Afrique subsaharienne.
Ils ont également appelé à une revitalisation de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en insistant sur son rôle dans le développement et sur la relance de son mécanisme d’appel pour la résolution des différends, actuellement paralysé. Bien que la déclaration évoque la nécessité de mieux traiter les vulnérabilités liées à la dette dans les pays à faible et moyen revenu, cette problématique n’a pas été explicitement mentionnée parmi les priorités de l’UA.
La paix, absente des priorités énoncées par l’UA, a été abordée de manière tangente. Le texte du sommet souligne « qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix », reliant cette notion à la réforme de la gouvernance mondiale.
L’UA peut se réjouir du passage du G20 à un « consensus suffisant »
Les dirigeants se sont engagés à renforcer le rôle de la Commission de consolidation de la paix des Nations unies dans la lutte contre les causes et les moteurs des conflits, et à « mobiliser un soutien politique et financier » pour prévenir les rechutes dans les conflits.
Sanusha Naidu, chercheuse principale à l’Institute for Global Dialogue, a déclaré à ISS Today : « Il est impossible d’atteindre la stabilité, le développement économique et l’égalité sans que la paix, la sécurité et la stabilité soient au cœur des discussions». Pour elle, cela représentait l’une des « lacunes majeures » du sommet du G20. Naidu estime que l’Afrique du Sud, qui prendra la présidence du G20 le 1ᵉʳ décembre, devrait faire de la paix une priorité centrale de son agenda.
Avant le sommet, des doutes persistaient quant à la capacité des pays africains à s’entendre sur leurs priorités et à la faculté de l’UA d’influencer les conclusions.
Bien que Ghazouani et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, désignés par l’Assemblée de l’UA pour représenter le continent, aient eu une visibilité limitée, les résultats du sommet reflètent largement les intérêts africains. Les multiples réunions préparatoires de l’UA avec le Brésil et l’Afrique du Sud ont clairement porté leurs fruits.
L’UA a également bénéficié d’une conjoncture favorable. Son premier sommet du G20, depuis son admission l’année dernière, a été dirigé par le président brésilien Lula da Silva. La troïka organisatrice-le Brésil, l’Inde (présidence précédente) et l’Afrique du Sud (prochaine présidence) — partage des objectifs semblables axés sur le développement.
L’année prochaine en Afrique du Sud devrait être similaire. L’année suivante, la présidence du G20 assurée par Donald Trump, pourrait représenter un véritable test de l’efficacité de l’UA au sein de l’organisation.
L’Union africaine peut se réjouir, à l’instar de Cyril Ramaphosa, du passage apparent du G20 à un modèle de « consensus suffisant » lors de ce sommet. Cette évolution a été marquée par l’opposition du président argentin Javier Milei, populiste de droite et proche idéologique de Donald Trump, à des décisions clés, comme une taxe de 2 % sur les milliardaires pour financer les objectifs du Millénaire.
Malgré une remise en question temporaire des éléments progressistes de la déclaration, l’Argentine a finalement accepté de ne pas bloquer l’accord, se contentant d’exprimer son désaccord. La déclaration a ainsi été adoptée.
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