Le risque climatique dans un monde en guerre

Le changement climatique amplifie les menaces à la sécurité. Désormais les guerres et les conflits affectent les risques liés au climat.

Depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, la bande de Gaza subit l'une des pires crises humanitaires dont le monde a été témoin. Elle s’ajoute aux conflits en Ukraine et en Afrique qui se déroulent en parallèle — autant de marqueurs d’un monde en guerre. Trois des dix scénarios de risques mondiaux critiques de l'Economist Intelligence Unit pour 2024 sont liés à des conflits militaires.

Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine souligne qu’il est important d'analyser le lien entre climat, développement et sécurité. Au niveau mondial, il est davantage reconnu que le climat agit comme un multiplicateur de menaces, avec des événements météorologiques extrêmes et un réchauffement global accru qui favorisent les conflits potentiels. La Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique met en avant son impact sur les conflits.

Quels sont les effets des guerres et des conflits sur les risques liés au climat ? Ils détournent généralement l'attention politique et les investissements, comme nous l’avons vu avec la guerre en Ukraine et le verrons très probablement avec la guerre à Gaza, affectant ainsi l'accès aux produits de base.

Les guerres et les conflits détournent l'attention politique et l'intérêt des investisseurs

Le 30 octobre, la Banque mondiale a déclaré que le conflit au Moyen-Orient pourrait provoquer un « double choc » sur les marchés mondiaux des matières premières. En ce qui concerne les prix du pétrole, elle indique qu'une extension régionale des événements à Gaza pourrait produire un « scénario de perturbation moyenne » semblable à la guerre en Irak qui a commencé en 2003.

Il en résulterait un déficit de production de pétrole de trois à cinq millions de barils par jour, entraînant une hausse des prix de 21 % (initialement de 35 %). Un « scénario de perturbation majeure » avec un impact de l'ampleur de l'embargo pétrolier arabe des années 1970 entraînerait une réduction de l'offre de six à huit millions de barils par jour et une augmentation des prix de 56 %, après un choc initial de 75 %.

Bien que les réponses au changement climatique nous obligent à abandonner rapidement les combustibles fossiles, la dépendance actuelle de l'économie mondiale à l'égard du pétrole et du charbon entraînera une hausse des prix du pétrole, et notamment une inflation des prix des denrées alimentaires. Ces chaînes et dépendances sont bien décrites. L'impact sur les Objectifs de développement durable des Nations unies sera considérable, en particulier sur la pauvreté et la faim.

L'empreinte carbone des forces armées est supérieure à celle de toute l'Afrique

La tendance mondiale de politiques nationales axées sur la sécurité, en particulier dans les pays du Nord, s'intensifiera, entraînant un retour aux anciens piliers de la sécurité énergétique tels que le pétrole, le gaz et le charbon. On observe déjà une augmentation visible de la demande de combustibles fossiles et un changement significatif dans la stratégie des grandes compagnies pétrolières, avec soit l'annulation des engagements de neutralité carbone, soit des modifications dans le calendrier de décarbonisation.

En outre, en tant que contributeur direct au changement climatique, l'empreinte carbone des forces armées représente actuellement 5,5 % des émissions mondiales, dépassant celle de l'Afrique, qui se situe en dessous de 4 %. Cette situation est préoccupante, d'autant plus que le rythme, la fréquence et l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat augmentent dans le monde entier.

Le déplacement forcé des populations est un autre facteur de préoccupation. En juin 2022, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés a déclaré que la guerre et la violence étaient responsables du déplacement forcé de 110 millions de personnes en particulier en Ukraine, au Soudan, en République démocratique du Congo, au Myanmar, en Somalie et en Afghanistan. La durée et l’intensité de la Guerre de Gaza pourrait faire grimper ce nombre. Pour les régions et les pays qui les accueillent, les réfugiés accentuent davantage la pression sur des ressources qui auraient pu contribuer à la lutte contre le changement climatique.

La guerre, avec son lot de destructions, réduit considérablement la capacité de résilience climatique

On s'attend à ce que de nombreux pays développés du Nord respectent leurs engagements de 100 milliards de dollars US par an pour aider les pays du Sud à s'adapter et à atténuer les effets du changement climatique, puis contribuent à un fonds pour les pertes et les dommages.

Cependant, les coûts financiers de la guerre et du soutien à la guerre diminueront les ressources disponibles pour les actions en faveur du climat. Les efforts pour la science et l'innovation seront également réorientés vers l'entreprise de guerre, avec un coût d'opportunité pour notre capacité à faire face au changement climatique de manière innovante. En détruisant des vies, des capacités humaines et des infrastructures, la guerre réduit considérablement la capacité de résilience climatique.

Les guerres et les conflits entraînent inévitablement une redéfinition des priorités économiques et une diminution des ressources consacrées au développement, augmentant l'impact qui perturbe déjà la structure sociale, avec en prime l'augmentation du nombre de réfugiés.

L’aggravation des risques climatiques se présente sous de nombreux aspects. Les infrastructures vitales (comme les barrages, les routes et les ponts) sont détruites, soit directement, soit faute d'entretien et de capacité d'exploitation. Les actifs environnementaux qui servent de rempart contre les catastrophes climatiques se dégradent également, notamment la résilience aux conditions météorologiques extrêmes et la réduction des investissements essentiels à la décarbonisation. Il en résulte une augmentation des risques climatiques aux niveaux local, national et régional, ce qui accroît le potentiel d'escalade des conflits existants.

Le changement climatique menace la sécurité à tous les niveaux. En retour, les guerres et les conflits limitent notre capacité à répondre de manière adéquate aux catastrophes climatiques et à renforcer la résilience climatique.

Dhesigen Naidoo, chercheur associé, ISS Pretoria

Image : © DOD Photo / Alamy Stock Photo

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