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Le Gabon se tourne vers l’avenir

Les électeurs espèrent que le président Oligui Nguema rompra avec le passé et saura impulser un renouveau économique et politique.

Dix-neuf mois après le coup d’État qui a évincé Ali Bongo et mis fin au règne de la famille Bongo, qui a duré 56 ans, le Gabon a tourné la page avec une élection présidentielle historique.

Brice Clotaire Oligui Nguema, auteur du coup d’État de 2023, et grand favori des élections d’avril 2025, a été élu haut la main avec 90,35 % des suffrages. Malgré les critiques des candidats de l’opposition, les observateurs internationaux ont jugé le scrutin crédible.

Cette élection, qui marque la fin de la période de transition qui a suivi le coup d’État, est l’occasion d’insuffler un renouveau sociopolitique et économique.

L’élection de 2025, avec un taux de participation nettement supérieur à celui des élections précédentes (70,11 %) a aussi été moins contestée que celles-ci. Ceci témoigne d’un regain de confiance dans le processus électoral et reflète le désir de changement de la population qui a été observé au lendemain du coup d’État. Elle traduit également des attentes élevées pour l’avenir.

Si le coup d’État a conduit à l’éviction de la famille Bongo, l’environnement politique et socioéconomique conserve l’empreinte du passé. Le rôle de plusieurs acteurs, y compris Oligui Nguema, originaire du même fief que les Bongo et collaborateur de l’ancien régime, suscite des inquiétudes quant à la transformation politique. Des personnalités du gouvernement de transition font partie du nouveau cabinet.

Oligui Nguema doit montrer qu’il insuffle une dynamique inédite et qu’il s’agit d’un nouveau départ qui s’accompagnera de réformes juridiques, structurelles et de gouvernance. L’enthousiasme politique qui a suivi le coup d’État doit céder la place à la consolidation démocratique. Pour la première fois depuis des décennies, les Gabonais sont optimistes quant à leur avenir. Pour garder cet élan, il faut instaurer des institutions représentatives et proactives.

Le taux de participation de 70 % reflète la confiance dans les élections et des attentes élevées

Oligui Nguema a fait des défis que doit surmonter le Gabon, gouvernance, diversification économique, réduction du chômage et amélioration de l’accès aux services de base,  les thèmes clés de sa campagne. Un véritable renouveau nécessite une approche audacieuse fondée sur l’inclusion, la transparence, la responsabilité et une concurrence politique ouverte.

La Constitution de novembre 2024, adoptée par référendum, prévoit deux mandats présidentiels consécutifs et maintient une élection au suffrage universel direct. Ce système permet de se prémunir contre l’ingérence constitutionnelle des autorités, qui est une pratique courante en Afrique. Le passage d’un système présidentiel fort à un système semi-présidentiel, avec un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif, le parlement et le judiciaire, protège également des mandats présidentiels excessifs.

Cependant, la capacité de l’exécutif de préserver la Constitution est cruciale pour le renouveau démocratique. Les élections législatives étant prévues pour le mois d’août, la future composition de l’Assemblée nationale et du Sénat sera également un facteur déterminant. Toutefois, le raz-de-marée électoral dont a bénéficié Oligui Nguema pourrait marginaliser les voix de l’opposition à l’Assemblée nationale et au Sénat en raison du soutien écrasant accordé à son mouvement politique.

Pour rétablir la confiance, il faut endiguer la corruption, surtout au sein du gouvernement. Durant la campagne électorale, Oligui Nguema s’est attiré les faveurs de l’opinion publique grâce à la médiatisation des campagnes anti-corruption et à l’arrestation d’anciens alliés de Bongo.

Ces pratiques doivent être encadrées par des processus judiciaires transparents, équitables et rigoureux. Il est également essentiel de renforcer les organes qui détiennent les pouvoirs de poursuite et de maintenir l’indépendance judiciaire.

Le paysage politique et socioéconomique reste marqué par le passé

La réforme économique est tout aussi importante pour que le Gabon puisse tourner le dos au passé. Il est l’une des principales économies d’Afrique centrale et l’une des cinq plus grandes économies parmi les huit pays africains à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Cependant, il dépend fortement de son secteur extractif, surtout du pétrole, ce qui le rend vulnérable aux chocs extérieurs.

Pour diversifier l’économie et créer des emplois, d’importants investissements dans les infrastructures sont nécessaires, notamment dans l’agriculture, la sylviculture, les transports, le tourisme et les technologies numériques.

Un accord récent de 350 millions d’euros entre Innovo et le gouvernement gabonais doit permettre la réalisation d’un réseau d’eaux pluviales, d’une usine de traitement des eaux usées à Port-Gentil et l’éclairage de la route menant à Omboué. Par ailleurs, le barrage hydroélectrique de Booué, d’une capacité de 600 mégawatts et d’une valeur de 2,5 milliards de dollars US, devra répondre à la demande croissante d’énergie et promouvoir une croissance durable.

Ces projets s’inscrivent dans le plan de modernisation des transports, de la gestion de l’eau et de l'énergie, et ouvrent la voie à la transformation économique.

Depuis le coup d’État de 2023, le Gabon a entrepris des efforts de nationalisation dans les secteurs des transports, du bois et du pétrole. Le secteur pétrolier représentait 25,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023. Le bois, qui ne constituait que 3,2 % du PIB cette année-là, contribue à la création d'emplois et à la diversification économique.

Pour rétablir la confiance, il faut endiguer la corruption, surtout au sein du gouvernement

De fait, une nationalisation suffisamment encadrée pour éviter la corruption et la mauvaise gestion devrait permettre à l’État d’engranger des revenus supplémentaires. Il est également essentiel de développer les partenariats public-privé et d’attirer les investissements étrangers.

La réduction du taux élevé de chômage des jeunes (35,99 % en 2024) doit s’inscrire dans cette dynamique économique. Le chômage participe au désenchantement politique des jeunes et à leur sentiment d’exclusion.

Il est tout aussi urgent d’endiguer la pauvreté. En 2023, 31,3 % des Gabonais vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Selon les prévisions du programme Afriques futures de l’Institut d’études de sécurité, la création d’emplois dans les secteurs clés permettrait de réduire le chômage, et de « rapprocher le Gabon de la réalisation de l’objectif de développement durable sur l’éradication de la pauvreté » d’ici 2043.

Cela dépend clairement de la capacité du gouvernement à améliorer la gouvernance, à relancer l’économie et à instaurer des programmes socioéconomiques inclusifs.

Deux étapes sont essentielles pour un « nouveau » Gabon qui place sa population au premier plan. Premièrement, les promesses électorales doivent être honorées en rompant avec l’héritage Bongo par des nominations fondées sur le mérite, une gestion transparente des ressources, des systèmes réglementaires solides, ainsi que l’indépendance et le contrôle des institutions.

Deuxièmement, le gouvernement doit diversifier l’économie pour freiner la pauvreté et le chômage via des investissements dans les infrastructures sans augmenter la dette publique et la dépendance à l’aide étrangère.

La nouvelle administration devra redynamiser la gouvernance, mais aussi bâtir la nation afin que le Gabon tranche avec son passé politique pour construire un avenir plus juste, plus inclusif et plus résilient.

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