Le bilan mitigé de la COP27 balaie les grandes espérances

Malgré des reculs dans le monde, l’Afrique fait montre d’un leadership favorable à une économie sobre en émission de carbone.

Charm el-Cheikh est réputée pour les accords qui s’y sont conclus et est parfois dénommée la « ville de la paix » en raison des nombreux sommets Palestine-Israël qu’elle a abrités. Ces accords de paix étaient certes temporaires et n’ont donné lieu qu’à des avancées minimes. La Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27) de novembre 2022 prendra-t-elle le même chemin ?

La préparation de la « COP Afrique » promettait de meilleurs accords pour le monde en développement. Son président, M. Sameh Hassan Choukry, avait de la COP27 la vision d’un « moment de transformation de l’action climatique ».

À l’heure où la poussière du désert retombe, les résultats sont mitigés. L’évolution positive sur la question des pertes et dommages a été un résultat important. Mais aucun progrès n’a été fait quant aux objectifs d’atténuation et, malgré les promesses autour de l’adaptation climatique, la réalité reste incertaine.

Le point culminant de la COP27 a été l’accord sur le fonds pour les pertes et dommages, pour compenser les dégâts causés par les sécheresses, les inondations, les tempêtes, les incendies de forêt et les vagues de chaleur, ainsi que les impacts négatifs de l’élévation du niveau de la mer. L’inscription de ce point à l’ordre du jour de la COP27 a été le fruit d’une lutte intense, mais le groupe des pays en développement, notamment le Groupe africain des négociateurs, a gagné cette bataille. Espérons que cette réussite ne sera pas altérée lors des négociations sur les modalités du fonds et que les grands émetteurs historiques respecteront leurs engagements.

La préparation de la « COP Afrique » promettait de meilleurs accords pour le monde en développement

Cette conférence devait permettre d’avancer sur des objectifs d’atténuation essentiels, notamment celui de limiter le réchauffement climatique à 1,5o C d’ici 2100. Cela devrait être possible grâce à un nouvel accord mondial et en visant zéro émission nette pour tous les pays. Mais la réunion s’est mal terminée, la délégation de l’Union européenne menaçant de quitter la salle en raison de l’absence de progrès.

Selon des plateformes d’analyse telles que Climate Action Tracker, il faut nous attendre à un parcours difficile qui nous mènera à un monde où la température aura augmenté de 2,7o C. On pourrait même dire que nous avons fait un pas en arrière en approuvant l’inscription des carburants à faible taux d’émission dans le plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh.

Autre point dont le résultat a été décevant est l’engagement de la COP27 d’accroître les financements et les ressources pour l’adaptation au changement climatique. La promesse de 100 milliards de dollars par an n’est toujours pas tenue, et l’idée même que ce montant puisse être relevé à un niveau beaucoup plus élevé reste illusoire.

Les habitués des négociations sur le climat ont exprimé divers points de vue, les visions ambitieuses dominant les points de vue pragmatiques. Les premiers, qui espéraient que la COP27 épouserait davantage les préoccupations scientifiques et aurait une meilleure compréhension de l’impact dévastateur du changement climatique, ont été bien déçus.

Le simple fait d’inscrire le fonds pour pertes et dommages à l’ordre du jour est le fruit d’un long combat

En amont de la COP27, les trois premières parties du 6e rapport d’évaluation du GIEC ont défini les fondements du changement climatique, de l’adaptation et de la vulnérabilité, ainsi que de l’atténuation. Ces rapports ont permis de dégager un consensus scientifique clair sur le fait que le réchauffement climatique était dû aux émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine, que nous sommes déjà à 1,2o C au-dessus des niveaux préindustriels, et que la fenêtre d’actions pour l’atténuation se referme rapidement.

Il est également clair que l’Afrique contribue peu aux émissions de gaz à effet de serre, alors que le continent est le plus vulnérable face au changement climatique. Le rapport Groundswell de la Banque mondiale estime que les migrations intra-africaines concerneront plus de 86 millions d’Africains d’ici 2050. L’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies a noté que pour la seule année 2021, les catastrophes ont entraîné le déplacement interne de 23,7 millions de personnes.

Les dommages environnementaux causés par le changement climatique entraînent une insécurité hydrique, ce qui a des répercussions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire. La hausse des températures fait grimper les indices de vulnérabilité face aux maladies infectieuses. Tous ces facteurs restreignent les possibilités de développement et aggravent la concurrence pour les ressources naturelles, ce qui conduit, dans certains cas, à des conflits comme ceux qui opposent les éleveurs aux cultivateurs.

Une telle escalade des conflits ne peut qu’attirer les extrémistes violents et les groupes armés, ce qui a incité le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à tenir une séance spéciale en 2021 sur le lien entre climat, développement et sécurité. Pour l’Afrique, le changement climatique est un problème qui relève à la fois du développement et de la sécurité.

Plus de résilience face au changement climatique pourrait mettre l’Afrique sur la voie du développement durable et de la relance économique

Les optimistes du camp des aspirations ambitieuses espéraient que ces facteurs seraient bien mieux pris en compte par les négociateurs de la COP27. Le Secrétaire général des Nations unies, M. António Guterres, a proposé aux délégués un choix brutal lors de l’ouverture de la conférence : nous pouvions prendre des décisions et des engagements courageux dans le cadre d’un pacte mondial de solidarité climatique ou nous pouvions poursuivre la voie de la léthargie et de l’indifférence dans un pacte de suicide collectif. Ceux qui étaient venus à la COP27 avec de grands espoirs ont considéré que la conférence avait penché pour la seconde voie, estimant qu’elle n’avait pas été à la hauteur des enjeux.

Les pragmatiques sont repartis avec un point de vue plus positif. Ils ont fait valoir que l’accord arraché était le meilleur que l’on pouvait obtenir, compte tenu des répercussions mondiales de la guerre menée par la Russie en Ukraine. En effet, le conflit a entraîné un déclin rapide de la sécurité énergétique européenne et une augmentation des coûts énergétiques dans le monde entier. De nombreuses économies avancées sont confrontées à une crise financière qui mine leur capacité à honorer leurs engagements, sans parler des accords visant à aider les pays du Sud global à faire face aux effets du changement climatique.

Bien que la transition verte mondiale ait connu quelques revers, l’Afrique a fait preuve d’un leadership émergent dans le mouvement vers une économie à faible émission de carbone. Le partenariat sud-africain pour une transition énergétique juste, qui débloque près de 150 milliards de rands sous forme de subventions, de prêts concessionnels et d’autres formes d’accès à l’investissement, constitue une impulsion majeure. Les progrès réalisés dans le domaine de l’hydrogène vert en Namibie, les parcs solaires au Maroc et les grands parcs éoliens prévus au Kenya sont autant d’exemples d’un continent en mouvement.

Une meilleure résilience aux changements climatiques pourrait placer le continent sur la voie du développement durable et de la reprise économique grâce à la compétitivité verte mondiale. À défaut, l’Afrique s’enfoncera davantage dans les sables mouvants d’une sécurité énergétique moindre, d’un accès réduit aux marchés mondiaux pour nos produits et de difficultés d’un monde de plus en plus hostile, affecté par les changements climatiques.

Dhesigen Naidoo, associé de recherche principal, ISS Pretoria

Cet article est un extrait de la version longue publiée initialement dans le magazine Leadership.

Image : Oliver Kornblihtt / Mídia NINJA

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