L’Afrique va-t-elle vers une participation active des jeunes pour la paix ?

L’Union africaine et ses États membres doivent passer d’une représentation symbolique à une véritable participation des jeunes.

Malgré diverses initiatives de l’Union africaine (UA), la participation effective des jeunes à la paix et à la sécurité reste un défi. Ces initiatives ne sont pas toujours intégrées aux politiques nationales, et les approches centrées sur la jeunesse sont plus souvent symboliques qu'inclusives.

Cette semaine marque la troisième édition de la Semaine de sensibilisation à la reconstruction et au développement post-conflit (RDPC) en Afrique. La jeunesse est l’un des deux nouveaux piliers de la dernière révision de la politique de RDPC, le deuxième étant la sécurité environnementale. Toutefois, la nouvelle politique, prévue pour 2024, peut-elle attribuer aux jeunes un rôle actif dans la consolidation de la paix ?

La consolidation de la paix traverse actuellement une période cruciale, marquée par la COVID-19 et les conflits géopolitiques. Initialement axée sur les activités post-conflit, la nouvelle politique aborde désormais les étapes avant ou pendant le conflit. Elle reflète ainsi le changement de paradigme promu par le nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, qui préconise la prévention et l’intégration comme stratégie pour de la paix.

Bien que l’inclusion des jeunes soit déjà effective dans les activités de RDPC, la politique doit aller au-delà d’un simple engagement descendant. Pour qu’il y ait un impact significatif, il est impératif d’autonomiser les jeunes et de les placer au cœur des efforts de paix.

Les initiatives de l’UA pour inclure les jeunes ne se traduisent pas dans les politiques nationales africaines

Les initiatives de l’UA telles que le Cadre continental pour la jeunesse, la paix et la sécurité adoptent une approche plus globale en traitant des questions comme les droits des jeunes et l’accès aux services essentiels. En revanche, la politique RDPC révisée se concentre sur quatre objectifs concrets pour accroître le rôle des jeunes dans la consolidation de la paix : la protection, la prévention, la coopération et les partenariats.

La politique reconnaît l’importance d‘armer intellectuellement les jeunes Africains face aux nouveaux défis du continent. Cela inclut des programmes éducatifs adaptés, du primaire au supérieur, ainsi que des initiatives de mentorat. Elle devrait également mettre l’accent sur l’intégration de l’éducation à la paix dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge.

Elle pourrait aussi déterminer des objectifs nationaux spécifiques de développement des compétences, comme l’économie bleue pour les jeunes des villes côtières. Des leçons pourraient être tirées d’initiatives telles que le Forum des jeunes rwandais dans l’agrobusiness, qui a permis aux jeunes d’acquérir des compétences agricoles et entrepreneuriales utiles pour la croissance économique et à la stabilité de leurs communautés.

La politique RDPC encourage également l’entrepreneuriat des jeunes dans les zones post-conflit en soutenant les initiatives commerciales. Celles-ci peuvent exploiter les technologies et les plateformes numériques, offrant de nouvelles opportunités pour les startups dirigées par des jeunes. Par exemple, le programme « Girls in ICT » en Ouganda propose aux jeunes femmes une alphabétisation numérique et des compétences en codage, renforçant leur employabilité et favorisant l’égalité dans le secteur technologique.

Des objectifs nationaux spécifiques pour les jeunes pourraient être fixés

Pour dépasser la représentation symbolique, les jeunes doivent également être intégrés aux équipes de négociation et aux comités thématiques, et être des témoins et observateurs des accords de paix. Les jeunes délégués pourraient jouer un rôle crucial, directement ou indirectement, dans les processus de paix.

En août, la Division de la médiation et du dialogue de l’UA a impliqué les jeunes dans des prises de décisions de haut niveau lors de la réunion consultative sur la mise en place du réseau WiseYouth. Le processus a été utile, cependant, en s’inspirant de la politique RDPC révisée, WiseYouth peut donner plus de poids aux jeunes dans la médiation en augmentant leur influence et leurs contributions.

Comme pour toutes les politiques de l’UA, l’efficacité de la politique RDPC dépendra de sa mise en œuvre au niveau national.

Le 3 novembre, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a souligné l’importance de la collaboration dans la mise en œuvre du Cadre continental pour les jeunes, la paix et la sécurité. À l’approche de 2024, alors que le cadre sera à mi-parcours de sa réalisation, le CPS a fixé des objectifs ambitieux pour les États membres : 25 % des plans d’action nationaux menés par des jeunes d’ici 2024 et 50 % d’ici 2029 au niveau régional. Mais jusqu’à présent, seuls quelques pays ont suivi le mouvement.

Les jeunes devraient participer comme témoins et observateurs aux négociations d’accords de paix

Une table ronde organisée en avril 2023 pour promouvoir les plans d’action nationaux pour la jeunesse a réuni des pays qui les ont adoptés, comme la République démocratique du Congo et le Nigeria. Des États où les plans sont en cours d’élaboration, tels que le Cameroun, la Tunisie et le Zimbabwe, ont également participé. Le Burundi, le Kenya, la Namibie, la Gambie et l’Ouganda ont exprimé un vif intérêt.

Pour parvenir à une participation significative des jeunes à la consolidation de la paix, les nations africaines et l’UA doivent donner la priorité à la mise en œuvre de politiques et d’initiatives axées sur la jeunesse, conformément à la politique RDPC révisée.

Emmaculate A. Liaga, chercheuse, Formation pour la paix, ISS Addis-Abeba

Image : © Paul Kagame / Flickr

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