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L’Afrique du Sud peine à trouver sa place dans la « ruée vers l’or » en Afrique

Le pays perd des investissements miniers au profit de pays africains dont l’environnement opérationnel et réglementaire est plus favorable.

L’Afrique du Sud a bâti son économie sur l’exploitation de l’or et du diamant, en particulier au xxe siècle. Autrefois championne incontestée de l’exploitation minière sur le continent, elle en a depuis perdu le statut, comme on a pu le constater lors de l’African Mining Indaba au Cap, où plusieurs autres pays miniers africains se sont révélés plus attirants pour les investisseurs.

Comme l’écrit Tim Cohen, rédacteur en chef de Business Maverick : « La grande leçon à tirer de l’African Mining Indaba est extrêmement simple et évidente : l’Afrique est en train de s’arroger la part de l’Afrique du Sud ». Il ajoute que pendant des décennies, les sociétés minières ont préféré travailler en Afrique du Sud – et éventuellement au Botswana – plutôt que dans d’autres pays africains. Cependant, la situation évolue.

Il n’est pas facile de quantifier ce déclin, bien que dans l’Indice d’attractivité des investissements miniers de 2022 le laboratoire d’idées The Fraser Institute classe l’Afrique du Sud 57e sur 62 pays miniers dans le monde. Le Botswana est situé au 10rang, la Côte d’Ivoire au 30e, le Ghana au 33e, la Namibie au 38e et la Tanzanie au 53e. Seuls l’Angola et la Zambie sont moins bien classés que l’Afrique du Sud. Il est cependant évident que ces deux pays, ainsi que d’autres, progressent, alors que l’Afrique du Sud semble stagner.

Les statistiques publiées par le Conseil des minerais d’Afrique du Sud montrent que l’investissement fixe net dans le secteur minier était proche de zéro en 2021. Plusieurs entreprises présentes à l’indaba [grande conférence en xhosa] ont déclaré en privé que l’environnement opérationnel et réglementaire et les droits miniers dans d’autres pays africains étaient plus favorables aux investissements qu’en Afrique du Sud.

« L’Afrique du Sud avait largement disparu des radars dans le domaine de l’exploration, sa part dans les dépenses mondiales étant restée inférieure à 1 % ces trois dernières années ; il y a vingt ans, celle-ci dépassait largement les 5 % », indiquait une autre source.

Le système cadastral de l’Afrique du Sud est en retard comparé à ceux de ses pairs africains

Allan Seccombe, porte-parole du Conseil des minerais, a déclaré à ISS Today : « L’Afrique du Sud est à la traîne par rapport à ses pairs africains lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre un système cadastral moderne et transparent pour gérer efficacement les demandes et les enregistrements de droits miniers. Il en résulte un arriéré de milliers de demandes de droits d’exploitation et de prospection [et] de permis d’exploitation minière non traités.

» Il existe une pléthore de réglementations et de politiques à respecter pour lancer un projet d’exploration, construire et exploiter une mine en Afrique du Sud, ce qui rallonge les délais avant de pouvoir débuter les opérations. Si l’on ajoute à cela les graves contraintes liées à l’approvisionnement en électricité et à la logistique des transports, ainsi que la baisse des prix de certains produits de base, l’environnement opérationnel national est difficile, ce qui fait de l’Afrique du Sud une destination d’investissement minier difficile à envisager pour les investisseurs. »

Il a toutefois indiqué que le Conseil des minerais, ses membres et d’autres organisations professionnelles collaboraient avec le gouvernement pour remédier aux goulets d’étranglement logistiques, à la criminalité et à la corruption, afin d’améliorer la perception des investisseurs.

Duncan Wanblad, PDG d’Anglo American, entreprise phare de l’industrie minière sud-africaine, a déclaré à l’indaba que la Zambie et l’Angola étaient en train de créer un environnement favorable aux investisseurs, contrairement à l’Afrique du Sud où les réformes devaient s’accélérer. Il a indiqué qu’Anglo American avait récemment signé des contrats d’investissement avec l’Angola dans l’extraction de diamants, où elle dirige la prospection de cuivre et de nickel. Elle a commencé à prospecter en Zambie pour chercher des gisements de cuivre et de cobalt.

Dans son discours, le président Cyril Ramaphosa a promis de résoudre les nombreux problèmes qui freinaient les investissements, tels que les pénuries d’électricité, les goulets d’étranglement dans les transports ferroviaires et les ports, ainsi que l’absence d’un système cadastral adapté. Tandis que le président zambien Hakainde Hichilema dressait la liste de huit nouveaux investissements miniers majeurs, pour un total d’environ 7 milliards de dollars US, réalisés depuis son accession à la présidence en 2021.

Pendant que Ramaphosa faisait des promesses, Hichilema lançait 8 investissements miniers pour 7 milliards USD

La Tanzanie, la République démocratique du Congo (RDC), le Ghana, l’Angola, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mozambique et la Namibie ont tous fait valoir leurs attraits miniers aux investisseurs lors de l’indaba.

La Tanzanie s’est distinguée. À l’instar de la Zambie, elle est sortie d’une période de relations tendues avec les sociétés minières étrangères. Sous la présidence de Samia Suluhu Hassan, « un ambitieux projet visant à faire de la Tanzanie la première destination de choix pour l’exploitation minière en Afrique » a été lancé. Le Secrétaire permanent du ministère des Minerais, Kheri Mahimbali, a déclaré qu’en 2023 le secteur minier contribuerait à environ 10 % du PIB, générant près de 60 % des devises étrangères du pays et attirant quelque 2 milliards de dollars d’investissements.

L’indaba a permis de souligner l’existence d’une nouvelle « ruée vers l’or » en Afrique, alimentée principalement par la demande en minerais essentiels tels que le lithium, le coltan, et en terres rares, indispensables aux batteries des véhicules électriques et à d’autres technologies d’énergie renouvelable.

En outre, il ressort clairement que les pays miniers africains adoptent des politiques visant à leur assurer les bénéfices des investissements miniers. Il s’agit par exemple d’exiger que les minerais soient valorisés en partie sur leur territoire, de sorte que la valeur supplémentaire leur revienne, et n’aille pas à des pays étrangers.

Le ministre ghanéen des Mines, Samuel Jinapor, a déclaré que les relations entre les pays africains et les pays industrialisés étaient fondamentalement différentes de ce qu’elles étaient il y a 50 ans, lorsque l’approche de l’exploitation minière consistait à « creuser puis à envoyer à l’étranger ». Aujourd’hui, les pays africains exigent deux choses : la création de valeur ajoutée et la participation des populations locales. Le Ghana a mis en place des politiques qui garantissent que le lithium, par exemple, ne puisse pas être exporté à l’état brut, et que la participation ghanéenne s’élève à au moins 30 %. Il sera intéressant de voir si ce type de politique peut être maintenu.

Les pays africains adoptent des politiques pour ne pas perdre les bénéfices des investissements miniers

L’an dernier, la Zambie et la RDC ont signé un accord pour la création d’une coentreprise pour développer des batteries pour véhicules électriques sur leurs territoires. Cet accord a été fortement soutenu par les États-Unis, qui y voient un moyen de contrecarrer les efforts apparents de la Chine pour s’accaparer le marché des minerais essentiels.

Jinapor a fait preuve d’une attitude rafraîchissante à l’égard des investisseurs. Il a déclaré que les pays africains devaient créer des environnements propices aux investissements miniers, notamment des transports adéquats, des régimes fiscaux et des prix de l’énergie équitables, ainsi qu’une réglementation stable : « ne pas changer les règles du jeu en pleine partie ».

Plus généralement, l’exploitation minière doit garantir le caractère sacré des contrats, la démocratie, l’état de droit et l’indépendance de la justice. Une fois ces conditions remplies, les pays africains pourraient insister pour que la partie la plus importante de la chaîne de valeur soit conservée dans le pays.

Correctement gérée, la nouvelle « ruée vers l’or » pourrait se révéler très bénéfique pour l’ensemble du continent. Cependant, si l’Afrique du Sud veut conserver sa part du gâteau, elle doit accélérer les réformes. Le pays est un pôle économique majeur et un point d’ancrage en Afrique australe et au-delà ; son succès ou son échec se répercutera bien au-delà de ses frontières.

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