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La stabilité au Mali passe par un dialogue national plus inclusif

Un large consensus politique est nécessaire pour que le pays puisse bénéficier des décisions prometteuses du récent dialogue.

La plupart des partis politiques maliens ont boycotté le dialogue national organisé par les autorités de transition du 13 avril au 10 mai. Le Dialogue inter-malien pour la paix et la réconciliation nationale (DIM) avait été présenté comme une initiative visant à rétablir la paix et la cohésion sociale à travers des « solutions consensuelles ».

Le boycott faisait suite à la suspension par le gouvernement de toutes les activités politiques à la veille du dialogue. Cette suspension vient d’être levée, ce 10 juillet. Pour rester conforme à l'esprit du DIM, le gouvernement devrait maintenant entamer des pourparlers avec les groupes qui n'ont pas participé au dialogue national, afin d'unir tous les Maliens autour de la résolution des défis du pays.

Selon le Comité de pilotage du dialogue, 3 000 Maliens ont participé au DIM. La phase finale, qui a vu l'adoption de 300 recommandations, a réuni des représentants des institutions de l’État, 160 délégués régionaux, 26 délégués de la diaspora, trois représentants des réfugiés et huit délégués universitaires.

Deux recommandations ont particulièrement retenu l’attention. L'une propose de prolonger la transition en cours de trois à cinq ans. L'autre suggère de modifier l'article 9 de la charte de transition, ce qui permettrait au président Assimi Goïta de se présenter à la prochaine élection présidentielle.

Le dialogue national a recommandé de discuter avec les djihadistes et tous les mouvements armés maliens

Goïta a pris le pouvoir après avoir mené un second coup d'État au Mali en mai 2021. Le pays est en transition depuis août 2020, suite au premier coup d’État qui a renversé le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta. La transition qui devait prendre fin en février 2022, a été prolongée jusqu'au 24 mars 2024.

Le dialogue national intervient quelques mois seulement après la décision des autorités militaires maliennes, avec celles du Burkina Faso et du Niger, de former l'Alliance des États du Sahel (AES) et de se retirer de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Les trois pays dissidents accusent la CEDEAO d'être influencée par des « puissances étrangères ». Ils ont également dénoncé les sanctions prises par l'institution à leur encontre et son manque de soutien dans leur lutte contre le terrorisme.

Même si le retrait n'entrera en vigueur qu'en janvier 2025, les autorités de transition des trois pays se sont apparemment absoutes de tout engagement envers la CEDEAO, y compris du respect des délais de transition convenus avec le bloc régional. Le 6 juillet, à la veille du 65e sommet de la CEDEAO, elles ont signé un traité de confédération réaffirmant leur retrait.

Si les craintes que suscite le prolongement de la transition sont légitimes, d’autres recommandations du DIM méritent d'être prises en compte. L'une d'elles propose d'ouvrir un « dialogue doctrinal avec les groupes armés djihadistes ». Cette recommandation n'est pas nouvelle. Cette mesure avait déjà été proposée lors de la Conférence d'entente nationale de 2017 et du Dialogue national inclusif de 2019 sous la présidence d’IBK. Elle est alors restée lettre morte du fait de l’opposition de l'allié stratégique du Mali de l'époque, la France.

Des liens historiques, stratégiques et communautaires étroits existent entre les rebelles et les djihadistes

La détermination des autorités de donner la primauté à une gestion des crises du pays par les Maliens eux-mêmes, sans influence étrangère, offre l’opportunité d’ouvrir le dialogue avec les groupes extrémistes. Ces pourparlers peuvent être menés en synergie avec les interventions militaires, qui ont jusqu'à présent été l'approche antiterroriste privilégiée par le Mali.

Pour poursuivre l'élan du Dialogue inter-malien, le gouvernement doit créer des conditions favorisant le désengagement des combattants des groupes extrémistes, notamment du Jama'a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) et de l'État islamique – Province du Sahel, ainsi que des personnes associées. Ces conditions doivent être renseignées par une bonne compréhension des raisons qui poussent les gens à rejoindre ces groupes.

Le dialogue est nécessaire non seulement avec les groupes djihadistes, mais aussi avec « tous les mouvements armés maliens », comme préconisé par le DIM qui n'a toutefois pas réussi à impliquer tous les groupes rebelles du nord du pays dans le processus.

Après avoir repris en janvier les villes du nord, notamment Kidal, sous contrôle des groupes armés depuis 2012, le gouvernement a dissous l'Accord de paix d' Alger signé en 2015 sous médiation internationale. L'accord avait permis de maintenir un cessez-le-feu et préconisait un processus de réunification pacifique du pays.

Les autorités doivent rouvrir le dialogue politique et rassembler autour de la gestion des multiples défis du pays

La plupart des groupes armés du nord – rassemblés au sein de la plate-forme politique appelée Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP) – ont refusé de participer au DIM. Ils ont dénoncé une initiative qui excluait les débats sur « l'unicité, la laïcité de l'État et l'intégrité du territoire ».

La reprise des pourparlers avec les groupes du nord et du centre du Mali est essentielle pour résoudre durablement l'insurrection récurrente depuis l'indépendance du pays en 1960. Cela nécessitera une approche soigneusement coordonnée impliquant à la fois les rebelles armés et les djihadistes, liés par des relations historiques, stratégiques et communautaires profondes. En 2012, l'occupation du nord avait été conjointement menée par la rébellion touarègue et les militants islamistes, et en mars dernier, un ancien commandant des CSP a rejoint le JNIM.

Alors que les trois pays de l'Alliance des États du Sahel renforcent leur intégration politique, les autorités maliennes devraient également, de concert avec le Niger et le Burkina Faso, coordonner le dialogue avec les groupes djihadistes, compte tenu de la nature transfrontalière de leurs activités.

Pour diligenter les recommandations du DIM, les autorités doivent désamorcer les tensions politiques. Toutefois, l’absence d'un large consensus sur la prolongation de la transition risque d'accentuer la crise de légitimité du gouvernement, surtout qu’elle intervient dans un contexte socio-économique particulièrement difficile contrairement à l’extension de 2022.

Le gouvernement peine à surmonter une crise d’approvisionnement en électricité qui affecte considérablement l’économie nationale, les revenus et le bien-être des populations. Une tendance qui pourrait éroder le soutien populaire au gouvernement Goïta.

Le DIM a recommandé de « consolider les acquis démocratiques et assurer le respect des principes et des règles du jeu démocratique ». Les autorités doivent renouer le dialogue avec tous les groupes politiques et trouver des consensus sur la gestion des multiples défis du pays. Le cadre politique de consultation suggéré par le DIM pourrait faciliter cette démarche. Dans un premier temps, ce cadre pourrait initier des discussions sur un programme électoral pour mettre fin à la transition. La décision du gouvernement de lever la mesure de suspension des activités des partis politiques est un premier pas encourageant en ce sens.

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Cet article a été publié avec le soutien du Projet d'architecture et d'opérations de paix et de sécurité de la CEDEAO (EPSAO), cofinancé par l'Union européenne (UE) et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), mis en œuvre par la GIZ. Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'UE, du BMZ ou de la GIZ. L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
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