La montée des eaux menace les côtes ouest-africaines

Protéger et restaurer des écosystèmes côtiers réduit les risques pour le développement et la sécurité des communautés vulnérables.

Le niveau moyen mondial des océans devrait s’élever de 50 cm d’ici à 2050 et de 2 m d’ici à 2100. Ce phénomène est la conséquence de l’augmentation des températures, provoquée par le réchauffement climatique, et de la fonte des glaciers et de la calotte glaciaire qui couvrent 10 % des terres émergées de la planète.

Un grand nombre des villes d’Afrique parmi les plus grandes et les plus densément peuplées, notamment Lagos, Abidjan et Accra, se trouvent à faible altitude, le long de la côte ouest. Elles sont exposées aux effets du changement climatique tels que les inondations côtières et la pollution, qui coûtent au continent environ 4 milliards de dollars US de pertes économiques annuelles. Ces métropoles côtières en pleine expansion sont menacées par l’érosion de la masse terrestre, les inondations côtières et les ondes de tempête causées par l’élévation du niveau de la mer.

Afrique de l’Ouest

Afrique de l’Ouest

Source: ISS
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Ces villes contribuent de manière significative à l’économie de la région, générant 56 % de son produit intérieur brut, selon un rapport de la Banque mondiale de 2020. Elles offrent également de vastes zones humides, des ressources marines, des possibilités pour le tourisme et des réserves de pétrole et de gaz.

Les perspectives de développement durable le long de la côte ouest-africaine sont complexes. Selon les prévisions, sa trajectoire démographique devrait dépasser celle des autres régions d’Afrique. Elle s’accompagnera d’une urbanisation côtière rapide, d’une demande accrue en eau et en terres, et d’activités destructrices telles que l’extraction de sable, le tout dans un contexte d’élévation du niveau de la mer.

Le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que d’ici 2030 environ 116 millions d’Africains pourraient vivre dans des zones côtières de faible altitude à forte densité de population. Le GIEC avertit que, s’il est nécessaire d’agir de manière coordonnée pour faire face à l’élévation du niveau des mers, les mesures d’adaptation concrètes sont quant à elles insuffisantes.

D’ici à 2030, 116 millions d’Africains pourraient vivre dans des zones côtières basses et densément peuplées

L’Initiative pour la mobilité climatique en Afrique convertit les projections du niveau de la mer en estimations de l’exposition potentielle de la population afin d’orienter les interventions politiques. Ces projections doivent être intégrées aux différents niveaux d’élaboration des politiques pour être mises en œuvre. Sans mesures d’adaptation, les inondations pourraient entraîner en Afrique d’ici 2100 des dommages annuels de l’ordre de 10 milliards de dollars US.

Le littoral atlantique de l’Afrique de l’Ouest s’élève en moyenne à 300 m au-dessus du niveau de la mer, avec peu de montagnes, mettant ces pays en danger. Au Ghana, l’élévation du niveau de la mer menace les communautés côtières situées dans des zones de basse altitude telles que Accra, Keta et Takoradi. Les communautés côtières du Sénégal, comme à Saint-Louis, Dakar et Ziguinchor, sont également exposées.

L’élévation du niveau de la mer causera inondations et érosion entraînant le déplacement de communautés qui perdront ainsi leurs maisons, leurs terres agricoles et l’accès à des  infrastructures. Ce qui aggravera les inégalités socioéconomiques et les crises de santé publique liées  à la détérioration des systèmes d’évacuation des eaux. La mise en place de solutions à long terme, y compris un meilleur aménagement urbain, des infrastructures résilientes et une relocalisation planifiée lorsque l’adaptation n’est pas possible, est cruciale pour garantir la sécurité des zones touchées.

L’impact de l’élévation du niveau de la mer est un problème à la fois environnemental et économique. Les infrastructures côtières telles que les ports sont essentielles pour l’économie de la région, car elles soutiennent le tourisme, la pêche et le commerce. La Banque mondiale estime que la Côte d’Ivoire a perdu jusqu’à 2 milliards de dollars US, soit près de 5 % de son produit intérieur brut, en raison des dommages produits par l’élévation du niveau de la mer pour la seule année 2019.

La Côte d’Ivoire a perdu près de 5 % de son PIB en 2019 en raison de l’élévation du niveau de la mer

La modification des écosystèmes côtiers due à l’élévation du niveau de la mer affecte également les populations de poissons et diminue le potentiel de prises, compromettant la sécurité alimentaire et mettant en péril la stabilité socioéconomique des communautés côtières.

Ces effets s’aggraveront probablement au cours des prochaines décennies, et des stratégies d’adaptation doivent être mises en œuvre d’urgence pour aider les communautés à y faire face. Presque tous les pays africains disposent désormais de plans d’adaptation, qui doivent cependant être déployés de manière cohérente et inclure plusieurs secteurs et niveaux de gouvernance. Des infrastructures vertes durables devraient être développées afin de protéger les communautés côtières contre les effets de l’élévation du niveau de la mer, comme la construction de digues et la restauration des mangroves.

Il est nécessaire de protéger et de restaurer les écosystèmes côtiers. Des pratiques innovantes telles que le projet Green Ghana, appliquées à plus grande échelle, permettraient de faire revivre les forêts de mangroves dégradées, qui agissent comme des barrières naturelles contre l’érosion côtière et les ondes de tempête.

Les systèmes d’alerte précoce et l’implication des communautés peuvent également réduire leur vulnérabilité. On pourrait former les communautés locales et leur fournir les outils nécessaires pour se protéger et protéger leurs biens dans les situations d’urgence.

Les mangroves et les récifs coralliens freinent l’érosion côtière et les ondes de tempête

Il s’agit là de défis à relever collectivement. Des efforts régionaux pour inverser la dégradation des écosystèmes dans la région sont déjà en cours sur les voies navigables intérieures. L’initiative REWarD-Volta, qui vise à faire reculer la dégradation des écosystèmes et des eaux dans le bassin du fleuve Volta, en est un exemple. Cette initiative a pour but de gérer, de développer et de conserver les ressources naturelles du bassin dans six pays (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Togo) sur la base de données d’analyse transfrontalières.

Conformément à la Stratégie de l’Union africaine sur le changement climatique, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a lancé la Stratégie climatique 2050, accompagnée d’un premier plan d’action 2022-2030 pour lutter contre le changement climatique et ses effets. Ce plan nécessitera de renforcer les capacités des agences concernées, de mobiliser des ressources pour le financement du climat, de l’adaptation, des pertes et dommages, et d’effectuer régulièrement des exercices de suivi-évaluation.

Les effets du changement climatique et de l’élévation du niveau de la mer doivent être pris en compte dans les négociations sur la gouvernance internationale des océans. Les pays africains doivent soutenir la mise en œuvre du Traité visant à protéger la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, tout juste adopté par les Nations unies ce 19 juin.

Ce traité est essentiel pour préserver la santé des écosystèmes marins, qui jouent un rôle vital dans la régulation du climat mondial et contribuent à atténuer les effets de l’élévation du niveau des mers. Il concerne notamment les récifs coralliens, qui constituent des barrières naturelles contre les ondes de tempête.

En effectuant les changements nécessaires et en investissant dans des mesures de résilience et d’adaptation étayées par des données nationales et côtières, l’Afrique pourra s’adapter à l’impact de l’élévation du niveau de la mer.

Ilhan Dahir, chercheure senior, Risque climatique et Sécurité humaine, et David Willima, chargé de recherche, Projet maritime, ISS Pretoria

Image : © Adam Jones/Flickr

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