La diplomatie climatique de l'Afrique doit passer à la vitesse supérieure
Le continent se montre avant-gardiste à l’échelle mondiale, mais la « transition juste » suppose une coordination et des positions communes.
Publié le 26 janvier 2022 dans
ISS Today
Par
Dhesigen Naidoo
chercheur principale associé, Risque climatique, ISS Pretoria
Une fois retombée l’effervescence de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de 2021 (COP26), le monde a commencé à réaliser qu’elle n’avait pas tenu sa promesse de parvenir à un nouvel accord mondial pour un avenir faible en carbone. Néanmoins, l’Afrique a fait preuve d’un leadership climatique mondial, ce qui est encourageant.
Les membres africains du Conseil de sécurité de l’ONU (le Niger, la Tunisie et le Kenya) et l’Irlande ont proposé l’adoption d’une résolution sur le changement climatique et la sécurité en décembre 2021. Il s’agissait de fusionner sécurité climatique et stratégies de prévention des conflits. Cette résolution n’a toutefois pas été adoptée, la Chine s’étant abstenue et la Russie ayant exercé son droit de veto.
Cela fait suite à une réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), tenue le 26 novembre 2021, sur le lien existant entre les problématiques relatives au changement climatique et celles relatives à la paix et à la sécurité. À cette occasion, les participants ont clairement reconnu que le changement climatique pouvait avoir un effet multiplicateur sur les menaces. Ils ont appelé à une plus grande coordination et invité l’Afrique à parler d’une seule voix dans les négociations internationales. Le CPS a également réitéré son soutien à la création d’un fonds pour le changement climatique pour l’Afrique.
La prochaine Conférence mondiale sur le changement climatique, la COP27, se tiendra en Égypte au mois de novembre 2022. L’Union africaine et ses États membres doivent y présenter une position forte et unifiée, qui montre que le continent s’engage à affronter les enjeux relevant de la sécurité et d’autres menaces liées au changement climatique, et à accélérer la « transition juste » de l’Afrique.
Le changement climatique est un risque de premier ordre en Afrique, au niveau environnemental, économique, sociétal et sécuritaire
Le rapport sur les risques mondiaux 2022 du Forum économique mondial a révélé l’importance des liens entre le changement climatique et les risques en matière de sécurité. Selon ce rapport, les trois menaces mondiales les plus graves pour les dix prochaines années relèvent toutes du changement climatique. La plus importante d’entre elles consiste dans l’échec des mesures en faveur du climat, suivi par les phénomènes météorologiques extrêmes et enfin la perte de biodiversité. Les dommages causés à l’environnement et les crises liées aux ressources naturelles apparaissent dans la suite de ce classement, respectivement en septième et huitième positions.
La cartographie des effets mondiaux présentée dans le rapport confirme la position du CPS selon laquelle le changement climatique est un énorme « accélérateur de menaces ». Cette analyse est étayée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) dans le rapport 2022 sur le changement climatique et les risques pour la sécurité.
Il est de plus en plus évident que le changement climatique constitue un risque de premier ordre, sur le plan environnemental, économique, social et en termes de sécurité. Lorsqu’il ne représente pas un risque, il constitue un important multiplicateur de menaces.
Dans l’analyse des impacts du changement climatique au Sahel réalisée par le PNUE en 2011, la rareté des ressources, en particulier de l’eau, constituait l’un des principaux facteurs de risque. Le rapport mettait en avant trois menaces pour la région : des moyens de subsistance moindres, des pressions migratoires connexes (notamment dans les communautés agricoles), et l’augmentation des tensions autour des ressources rares. Le PNUE a identifié le Sahel comme étant l’épicentre du changement climatique, et des études plus récentes sont venues confirmer cette analyse.
Pour une transition africaine réussie, le moteur du développement du continent devra fonctionner de manière économe en carbone
Le rapport du Groupe de travail 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié en 2021, est explicite quant à la gravité de l’impact climatique déjà ressenti dans le monde. Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a qualifié ce rapport « d’alerte rouge » pour l’humanité. Les catastrophes naturelles et les phénomènes météorologiques extrêmes se sont étendus au-delà de l’épicentre sahélien, avec des points chauds importants dans toute l’Afrique.
En Afrique australe, les chutes Victoria du Zimbabwe ont été réduites à un simple filet d’eau. L’Afrique du Sud a connu une sécheresse dévastatrice durant quatre ans, ce qui a amené Le Cap au bord du gouffre ; cette grande métropole mondiale a évité de peu le « jour zéro ». Le Mozambique a subi le cataclysme du cyclone Idai. En Afrique de l’Ouest, le coût de la dégradation de l’environnement au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo a été évalué à 3,8 milliards de dollars, soit 5,3 % de leur PIB combiné en 2017.
Dans le même temps, l’électrification représente une priorité de l’ambition de développement de l’Afrique, telle qu’exprimée dans l’Agenda 2063 de l’UA. La Banque africaine de développement et l’Agence internationale pour les énergies renouvelables ont présenté des perspectives prometteuses pour les énergies renouvelables en Afrique. Mais la perte potentielle d’investissements directs étrangers liée à un actif de plus de 10 000 milliards de dollars de combustibles fossiles sur le continent, sous forme de charbon, de pétrole et de gaz naturel, pose un réel problème.
L’Afrique renforce de plus en plus son leadership diplomatique en matière de changement climatique. Si l’on ajoute à cela le débat au Conseil de sécurité des Nations Unies et les récentes délibérations du CPS, il apparaît que l’Afrique, sous l’impulsion du Groupe des négociateurs africains, a eu une présence puissante lors de la COP26. Bien que les accords conclus dans le cadre des négociations officielles aient été peu ambitieux, les accords à la marge, comme la promesse de 8,5 milliards de dollars américains pour soutenir le partenariat de l’Afrique du Sud pour une transition énergétique juste, étaient encourageants.
À la COP27, l’Afrique doit être un leader mondial visible en matière de changement climatique, capable d’accélérer la « transition juste »
En outre, le changement climatique a figuré à l’ordre du jour de forums diplomatiques de haut-niveau portant sur les relations de l’Afrique avec ses principaux partenaires. Le Forum sur la coopération sino-africaine de décembre 2021 a notamment émis une déclaration sur le changement climatique. De grands projets climatiques africains, tels que la Grande muraille verte et l’Initiative africaine d’adaptation, se sont également vus promettre des soutiens.
Pour une transition africaine réussie, le moteur de développement du continent devra fonctionner de manière sobre en carbone. Cela lui permettra d’être compétitif au niveau international, dans un contexte commercial de plus en plus caractérisé par une vague verte de sensibilisation des consommateurs et par d’éventuelles nouvelles conditions commerciales vertes.
Des signes prometteurs montrent que la machine diplomatique de l’Afrique fonctionne et se dirige dans la bonne direction. Lors de la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh, nous devons être visibles en tant que leader mondial du changement climatique capable d’accélérer la « transition juste » de l’Afrique vers une société continentale résiliente et équitable.
Dhesigen Naidoo, chercheur principal associé, Futurs africains et Innovation, Institut d’études de sécurité, Pretoria
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Image : Adapté par Amelia Broodryk/ISS
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