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L’interdiction par l’UA de l’horrible commerce de peaux d’ânes

Garantir le respect de cette interdiction est crucial pour les communautés africaines où les ânes ont un rôle vital.

Les dirigeants africains ont pris une décision historique en février dernier en interdisant le commerce de peaux d’ânes à l’échelle du continent. Cette mesure vise à protéger les 33 millions d’ânes d’Afrique contre le vol, le trafic et l’abattage pour leur peau.

L’interdiction, adoptée lors du sommet de l’Union africaine (UA) du 18 février, cherche également à garantir le bien-être des communautés qui dépendent de ces animaux.

Elle est devenue un enjeu mondial face à l’augmentation de la demande chinoise pour la gélatine extraite de la peau d’âne. Connue sous le nom d’ejiao, c’est un « médicament » traditionnel chinois supposé guérir plusieurs maladies, mais dont l’efficacité reste à prouver. Environ 5,9 millions d’ânes sont abattus chaque année dans le monde pour satisfaire la demande d’ejiao, également utilisé dans l’alimentation et les cosmétiques.

Ce commerce cruel est préjudiciable aux 158 millions d’Africains pour lesquels les ânes représentent un atout important. Ces animaux paisibles, depuis longtemps appréciés en tant que compagnons fidèles, ont un rôle primordial dans le transport de marchandises, le labourage des terres et le puisage de l’eau des puits. La diminution de leur nombre contraint les femmes et les enfants des communautés rurales à assumer les tâches pénibles.

Chaque année, 5,9 millions d’ânes sont abattus pour satisfaire la demande chinoise

Eliot Nsega, du Bureau interafricain des ressources animales de l’UA, a expliqué au projet ENACT sur la criminalité organisée que les ânes sont victimes de terribles cruautés. Après avoir subi des violences lors de leur capture, ils sont entassés et transportés dans des conditions insalubres sur de longues distances, et laissés terrifiés et sans soin avant d’être abattus.

Avec une demande de peaux d’ânes estimée à 6,8 millions d’ici à 2027, Janneke Merkx, responsable de campagne au Sanctuaire des ânes, une organisation internationale qui s’efforce d’améliorer le bien-être des ânes, souligne l’urgence de l’application par l’UA de l’interdiction de ce commerce brutal et contraire à l’éthique.

Bien que le commerce des ânes soit interdit au Kenya, en Éthiopie, en Tanzanie et en Côte d’Ivoire, la porosité des frontières, la disparité entre les réglementations commerciales régionales et les capacités limitées de mise en œuvre ont entraîné une forte diminution de la population d’ânes.

Le moratoire de l’UA fait suite à des années d’activisme en Afrique et en Asie. Lors de la quatrième conférence sur le bien-être des animaux en Afrique, en 2020, un appel a été lancé aux gouvernements africains pour protéger les ânes à l’échelle du continent.

Le trafic de peaux d’ânes se mêle au commerce illicites d’espèces protégées et de drogues

En décembre 2022, lors d’une conférence panafricaine organisée par le Bureau interafricain des ressources animales de l’UA, les participants ont convenu qu’il était urgent d’agir. La déclaration de Dar Es Salam sur la préservation des ânes préconise une suspension de 15 ans de l’abattage commercial des ânes pour les peaux et autres produits dérivés, ainsi qu’une stratégie africaine contre l’exploitation des animaux. Ces mesures ont conduit à l’interdiction annoncée lors du sommet de l’UA cette année.

L’interdiction comprend un moratoire de 15 ans sur l’abattage commercial des ânes pour leur peau dans tous les États membres, ainsi que l’élaboration d’une stratégie globale en Afrique afin de relever les défis à long terme associés à ce commerce.

Bien que cette décision soit un progrès, son application sera difficile. Les pays doivent développer des réglementations, allouer des ressources à leur suivi et à leur application, notamment en utilisant des outils comme l’imagerie satellite et le suivi GPS pour collecter des données en temps réel sur les déplacements des ânes et les itinéraires du commerce illicite.

Selon Nsega, l’efficacité de l’interdiction ne nécessite pas le suivi de chaque animal. En se concentrant sur les zones à haut risque et en utilisant une combinaison de stratégies, l’application de la loi peut être ciblée et réalisée de façon économique. Plusieurs organisations internationales se sont engagées à aider les États membres de l’UA à faire respecter l’interdiction.

Plusieurs groupes internationaux se sont engagés à faire respecter l’interdiction

Solomon Onyango, directeur national de The Donkey Sanctuary au Kenya, a déclaré que l’étendue de ce commerce, qui implique de nombreux pays et des réseaux criminels sophistiqués, constitue le principal obstacle pour l’UA et les États membres. Les rapports montrent que le commerce illégal de peaux d’ânes converge avec le trafic d’espèces sauvages protégées et de drogues illicites. La limitation des ressources et la faiblesse des capacités entravent la détection et la répression de ces crimes.

Pour en contrer la dimension transfrontalière, les pays doivent coopérer et partager leurs informations, coordonner leurs opérations et renforcer les contrôles aux frontières. Les sociétés de transport maritime, de fret et de marchandises doivent s’impliquer dans la lutte contre ce trafic. Les autorités doivent anticiper les ajustements des criminels face à l’interdiction.

Onyango souligne l’importance de s’attaquer à la demande de peaux dans les pays de destination, en plus de contrôler l’offre en Afrique. Il estime que l’UA peut jouer un rôle crucial en encourageant le dialogue et la collaboration internationale à cet égard.

L’interdiction vise à donner du temps au Bureau interafricain des ressources animales de l’UA, en partenariat avec des groupes de protection des animaux, pour élaborer une stratégie globale pour l’élevage et la productivité des ânes en Afrique. De meilleures normes sur le bien-être animal et des pratiques responsables concernant la possession d’ânes peuvent également contribuer à leur bien-être.

L’interdiction de l’UA est une étape essentielle vers le démantèlement d’une entreprise criminelle complexe. Les quinze prochaines années mettront à l’épreuve la capacité de l’UA et de ses États membres à respecter leurs engagements.

Cet article a été publié pour la première fois par ENACT.

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