Journée mondiale de la mer: une chance à saisir pour le Sénégal
La Journée mondiale du Marché est une opportunité cruciale pour le Sénégal de passer en revue les principaux enjeux et défis liés à l'éducation maritime.
Publié le 24 septembre 2015 dans
ISS Today
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Si le Sénégal veut devenir un hub maritime international, « il doit relever le défi de la formation des gens de mer ». Cette déclaration de Oumar Guèye, ministre sénégalais de la pêche et de l’économie maritime, lors d’une cérémonie officielle le 6 août dernier à Dakar, montre toute l’importance que les autorités de ce pays accordent à l’enseignement maritime.
Aujourd’hui 24 septembre où le monde célèbre la Journée mondiale de la mer, la déclaration de Guèye reste d’actualité et en phase avec le thème de cette journée qui est « l’éducation et la formation maritimes ».
L’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM) du Sénégal commémorera la journée mondiale de la mer le 30 septembre, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) offrant une telle flexibilité aux Etats membres. L’ANAM marquera la journée par l’organisation d'un symposium au cours duquel les professionnels de l’enseignement confronteront leurs programmes aux attentes de l’industrie maritime. Le symposium sera organisé en trois sous-thèmes à savoir la qualité de l’enseignement; le renforcement des capacités des pêcheurs artisans; et la formation aux métiers portuaires.
Si le Sénégal veut devenir un hub maritime international, il doit relever le défi de la formation des gens de mer
Environ 80% des accidents dans la navigation maritime sont attribués à une erreur humaine. Par conséquent, l’enseignement maritime est d’une importance primordiale et l’OMI édicte des normes pour garantir le contenu et la qualité de la formation des marins. Afin d’aider à prévenir de tels accidents, fut adoptée en 1978 la convention sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (connue sous l’acronyme anglais STCW) ; convention qui a subi plusieurs amendements dont le dernier remonte à 2010. Son but principal est d’éviter de confier la navigation à des personnels non qualifiés. Elle impose à chaque Etat membre de mettre en place un dispositif de contrôle de la qualité de la formation et de la délivrance des brevets.
Un navire ayant par exemple à son bord des membres d’équipage issus d’une école dont l’enseignement ne respecterait pas les exigences de cette convention serait classé comme un navire sous norme. Il pourrait être, de ce fait, détenu à l’occasion de contrôles au port. En plus des règles de navigation, le marin doit maîtriser les mesures de sécurité et de sûreté prescrites par la convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS). Il doit en particulier être familiarisé au code international de gestion de la sécurité (ISM) et au code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS) – deux instruments de démarche qualité issus de la convention SOLAS.
Environ 80% des accidents dans la navigation maritime sont attribués à une erreur humaine
Le deuxième sous-thème traitant du renforcement des capacités des pêcheurs artisans sera aussi d’un grand intérêt car le pays compte une forte proportion de pêcheurs qui n’ont pas bénéficié d’une formation formelle. Dans la plupart des cas le métier de pêcheur se transmet de père en fils. C’est ce qui motive l’administration maritime sénégalaise à saisir l’opportunité offerte par le symposium pour promouvoir son projet de professionnalisation des pêcheurs artisans.
Ce projet entend doter les pêcheurs artisans de connaissances de base relatives aux normes internationales qui gouvernent les activités halieutiques. Les apprenants obtiendront une carte professionnelle pouvant leur permettre de commander des embarcations non pontées. Ils pourront par la suite obtenir le titre de marin pêcheur professionnel après avoir accumulé un temps donné de navigation ; toute chose qui leur permettra d’exercer à bord de navires de pêche industrielle.
Le troisième et dernier sous-thème concernant les professions portuaires sera l’occasion pour les institutions de formation de faire la promotion de leurs nouvelles filières. Le symposium va probablement débattre de la formation des maîtres de port qui fut initiée au Sénégal il y a seulement trois ans pour permettre aux officiers de port – chargés à titre principal des mouvements des navires et de la sécurité maritime – de disposer d’un personnel de soutien.
L’événement sera également l'occasion pour soulever des questions clés ; notamment celles relatives aux opportunités d’emploi et à la mutualisation des ressources (consistant en l’utilisation commune des écoles maritimes régionales).
Par exemple, les participants au symposium pourraient se demander sur quels navires de pêche industrielle les pêcheurs professionnels nationaux trouveraient de l’emploi. En effet 38 navires de pêche industrielle de pays de l'Union européenne (UE) sont actuellement autorisés dans les eaux sénégalaises en vertu d'un accord de pêche signé l'an dernier. Cet accord ne prévoit pas de disposition claire exigeant l’embauche de pêcheurs sénégalais sur ces navires étrangers. Il stipule au contraire que ces navires emploient 20% de marins sénégalais ou originaires des pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) (Il y a 79 pays ACP).
Le Sénégal compte une forte proportion de pêcheurs qui n’ont pas bénéficié d’une formation formelle
Il est cependant obligatoire qu’un observateur sénégalais, rémunéré par le Sénégal, soit embarqué sur chacun de ces navires.
L’absorption des personnes formées aux métiers portuaires pourrait être également problématique puisque les besoins de formation ne sont pas toujours exprimés par l’industrie maritime. Des écoles de formation agissent souvent comme des entreprises à la recherche de profits. De ce fait, elles pourraient recevoir plus d'étudiants que cela n’est nécessaire et augmenter ainsi le nombre des demandeurs d’emploi.
Le Gouvernement du Sénégal saura probablement trouver des postes de travail aux 14 maîtres de port qui ont été formés à sa demande. Le port de Dakar et les quatre ports secondaires du pays que sont Ziguinchor, Kaolack, Saint-Louis et Foundiougne-Ndakhonga pourraient être leurs destinations. Cependant, de nouvelles promotions de maîtres de port pourraient ne pas bénéficier d’une telle chance, la demande pour cette profession étant très limitée.
La question de la mutualisation des moyens au niveau régional ou international pourrait également être un sujet de discussion. En effet, l’Organisation maritime de l’Afrique de l’Ouest et du centre (OMAOC), qui regroupe 25 Etats dont le Sénégal, dispose de deux centres d’excellence à Abidjan, Côte d’Ivoire et à Accra, Ghana. Le Sénégal n’affecte plus depuis plusieurs années d’élèves dans ces centres malgré les recommandations de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
La Journée mondiale de la mer offrira ainsi aux autorités maritimes sénégalaises, l’occasion de passer en revue les principaux problèmes et défis de l'enseignement maritime dans leur pays. Elles devraient aussi considérer cette journée comme une opportunité pour prendre en compte les critiques constructives de la part des acteurs concernés ; ce qui est primordial pour stimuler l'économie bleue du pays.
Barthélemy Blédé, chercheur principal et André Diouf, stagiaire, Division Gestion des conflits et consolidation de la paix, ISS-Dakar