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Il est temps que l'Afrique contribue au Sommet de l’avenir

L'Afrique ne peut pas continuer à être absente au remaniement fondamental de la gouvernance mondiale par les Nations unies.

Le Sommet de l'avenir des Nations unies qui se tiendra en septembre est présenté comme un moment crucial pour forger un nouveau pacte qui permettra de mieux relever les défis de la gouvernance mondiale. L'ONU qualifie cet événement « d’occasion unique de redynamiser l'action mondiale, de s’engager à nouveau à appliquer les principes fondamentaux et de développer les cadres du multilatéralisme pour qu'ils soient adaptés à l'avenir ».

Pourquoi ce sommet est-il important pour l'Afrique ?

Le nombre de conflits mondiaux a augmenté de plus de 40 % entre 2020 et 2023, et de 12 % en 2023 par rapport à 2022. Deux des 10 pays les plus violents du monde, le Nigeria et le Soudan, se trouvent en Afrique. L'insécurité y est en hausse tandis que la situation humanitaire se détériore comme dans d'autres foyers de conflit tels que l'est de la République démocratique du Congo, le Sahel et la Corne de l'Afrique.

Ces conflits mettent en évidence les lacunes des cadres mondiaux et régionaux de paix et de sécurité. Les divisions du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) ne lui ont pas permis de résoudre des crises telles que la guerre entre l'Ukraine et la Russie, par exemple par la médiation. Le Conseil n'a pas non plus autorisé de nouvelle mission de maintien de la paix depuis 2014. De nombreuses missions ont dû être reconfigurées en raison de l'affaiblissement du soutien politique du CSNU ou du pays hôte.

Les réponses collectives de l'Afrique aux conflits sont également mises à rude épreuve. Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a récemment déploré que les décisions récurrentes du Conseil de paix et de sécurité (CPS) soient ignorées et violées, et devenues sans importance et sans impact. Les interprétations divergentes du principe de subsidiarité qui régit les relations entre l'UA et les blocs régionaux continuent d'entraver la coordination de la gestion des crises régionales.

Le CSNU n'a pas autorisé de nouvelle mission de maintien de la paix depuis 2014

Le Sommet pourrait contribuer à relever ces défis. Depuis la publication, en janvier, de l’avant-projet du Pacte pour l'avenir, document préparatoire du Sommet, les négociations se sont accélérées à New York, les États membres des Nations unies s'engageant résolument sur les différentes versions.

L'Afrique est particulièrement concernée par ces discussions. Ses membres représentent 28 % des membres de l'ONU et les questions de sécurité du continent dominent généralement l'ordre du jour du Conseil de sécurité. Le Sommet pourrait être l’occasion de plaider pour des réformes qui tiennent compte de l'évolution des besoins de l'Afrique en matière de sécurité. Cependant, jusqu'à présent, le Sommet et le Pacte ont reçu un accueil mitigé en Afrique, y compris à Addis-Abeba, siège de l'UA.

Le projet de Pacte pour l'avenir souligne notamment la nécessité d'un financement adéquat, prévisible et durable des opérations de soutien à la paix de l'UA et de la sous-région. Il salue la résolution 2719 du CSNU sur le maintien de la paix et encourage une meilleure collaboration entre l'ONU et l'UA pour en assurer la mise en œuvre.

Ces discussions sont particulièrement pertinentes compte tenu des récents retraits des forces de maintien de la paix de l'ONU en Afrique et de la question pressante de trouver les moyens d’y pallier. Le Sommet pourrait même donner l'impulsion nécessaire à l’application de la décision de l'UA en juillet 2023 de restructurer l'architecture africaine de paix et de sécurité.

Les membres africains représentent 28 % des membres de l'ONU

C'est aussi l'occasion de discuter de la reconfiguration du CSNU et du renforcement du rôle de l'ONU dans la gestion des crises. Le projet de Pacte, en abordant la réforme du CSNU, pourrait remédier à la sous-représentation de l'Afrique au Conseil. Des négociations basées sur un texte permettrait de faire valoir la position de l'UA qui réclame pour l’Afrique deux sièges permanents avec droit de veto et cinq sièges non permanents, conformément au consensus d'Ezulwini et à la déclaration de Syrte de 2005.

L’avant-projet du Pacte parle également de la réforme des institutions financières internationales, une étape cruciale dans l'élaboration d'un système économique mondial qui réponde mieux aux besoins de développement de l'Afrique.

Le Pacte fait spécifiquement référence à l'Afrique et à l'UA, reconnaissant cette dernière et ses acteurs sous-régionaux comme des partenaires pour conduire une nouvelle génération de missions d'imposition de la paix et d'opérations de lutte contre le terrorisme.

Pourtant, l'UA et les États membres n'ont guère abordé le sujet. Bien que certains responsables de l'UA aient parlé des priorités de l'Afrique à discuter lors du Sommet de l'avenir, le dernier sommet de l'UA n'a pas discuté de l'événement ni de son processus préparatoire.

Le Sommet de l’avenir reçoit un accueil mitigé en Afrique, y compris à Addis-Abeba, siège de l'UA

Un co-facilitateur du Pacte a déclaré que peu d'États africains contribuaient à définir la position de l'Afrique. L'engagement le plus visible est celui du Conseil économique, social et culturel de l'UA, qui a sensibilisé l'opinion et organisé des consultations sur les contributions au Pacte.

L'intérêt de l'UA pour le G20 depuis son admission en septembre 2023 a peut-être éclipsé les travaux préparatoires au Sommet de l’avenir. L'intérêt limité des pays africains peut également refléter leur scepticisme quant à la capacité de l'événement à apporter des changements concrets face à des divisions mondiales sans précédent. Quoi qu'il en soit, l'absence d'engagement risque d’éliminer les priorités africaines dans la version finale du Pacte et, en fin de compte, du Sommet.

Le Sommet sert également de tremplin pour l'examen de la consolidation de la paix des Nations unies à l'horizon 2025. L'Afrique pourrait en profiter pour élaborer des mécanismes de suivi qui reflètent ses besoins.

Les États membres de l'UA et les autres parties prenantes africaines pourraient contribuer au Sommet de plusieurs manières. Tout d'abord, le CPS pourrait y consacrer une session ouverte et définir une position commune de l'Afrique sur les cinq chapitres du Pacte.

En tant que co-facilitateur du Sommet et membre du CPS, la Namibie pourrait partager les questions clés et les moyens d'obtenir des contributions des États africains avec le CPS. Elle pourrait également assurer la coordination entre sa mission à New York et à Addis-Abeba afin d'informer le CPS de l'évolution de la situation.

Le rôle du groupe africain des Nations unies à New York dans les négociations devrait être prioritaire. Obtenir des positions continentales fortes nécessite une coordination entre le CPS d'Addis-Abeba et le groupe. Les trois membres africains non permanents du CSNU (l’Algérie, le Mozambique et la Sierra Leone) pourraient également informer le groupe africain sur le Sommet et ses résultats potentiels.

Les organisations de la société civile peuvent contribuer à élargir la coalition en faveur du pacte lors de la conférence de la société civile des Nations unies qui se tiendra les 9 et 10 mai à Nairobi et qui sera axée sur le Sommet de l’avenir. Les groupes de réflexion et les réseaux africains peuvent partager leur analyse et un plaidoyer via, entre autres, le Réseau de l'UA des groupes de réflexion pour la paix, qui favorise les alliances stratégiques entre L’UA et les chercheurs.

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