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Fonds onusiens pour les opérations de paix de l’UA : l’exemple de la Somalie

L’UA doit-elle faire du cas par cas ou appliquer la résolution 2719 du Conseil de sécurité de l’ONU à plusieurs conflits ?

En décembre dernier, le Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) a unanimement  convenu d’examiner au cas par cas les demandes de l’Union africaine (UA) concernant le financement par les Nations Unies d’opérations de maintien de la paix sur le continent.

Après plusieurs décennies d’échanges entre les Nations Unies et l’UA quant au  financement des opérations de paix, la résolution 2719 marque une étape importante, même si des questions persistent sur sa mise en œuvre. Les fonds serviront-ils à compléter ceux des opérations de paix existantes ou l’UA devrait-elle profiter de l’occasion pour créer de nouvelles missions ?

La Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS) pourrait servir de test. L’ATMIS doit se retirer en décembre et l’UA pourrait demander des fonds au titre de la résolution 2719 pour une mission post-ATMIS. Selon des sources de l’Institut d’études de sécurité, se doter d’une nouvelle mission permettrait d’élargir le nombre et la portée des pays fournisseurs de contingents pour y inclure des contingents d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe.

La résolution 2719 pourrait-elle soutenir la mise en place d’un dispositif post-ATMIS ? S’agirait-il de l’application la plus utile de la résolution à la lumière de la pléthore de conflits sur le continent ? L’UA voudrait-elle créer une nouvelle mission de soutien à la paix ?

Peut-on élargir une mission post-ATMIS à des contingents d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe ?

Le 26 mars, la Somalie a présenté au Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA sa proposition de dispositif de sécurité post-ATMIS, prévu pour le 1er janvier 2025. La Somalie souhaite conserver ses acquis dans la lutte contre le groupe extrémiste violent Al-Chabab et a sollicité un renforcement des capacités de ses forces de sécurité afin d’éviter un vide sécuritaire après le départ de l’ATMIS.

Le CPS a souligné la nécessité d’un financement adéquat par le biais de la résolution 2719. Et ce, malgré sa décision antérieure de mettre fin à l’ATMIS en procédant à un troisième retrait de 4 000 personnes avant le 30 juin. Cette décision présente des contradictions : le CPS et le gouvernement fédéral somalien soutiennent la réduction des effectifs, mais une demande se fait jour pour une nouvelle opération de soutien de la paix.

Certains membres du CPS souhaitent que la Somalie soit le premier pays à utiliser les fonds des Nations Unies par le biais de la résolution 2719. Lors d’une récente mission sur le terrain, une délégation de haut niveau de la Commission de l’UA a assuré aux Somaliens qu’il n’y aurait pas de vide sécuritaire post-ATMIS.

Selon un représentant de l’UA, une force post-ATMIS sera établie pour protéger les centres de population stratégiques, les installations des Nations Unies et les installations gouvernementales clés. Cette mission bénéficierait d’un fort soutien régional, des pays qui fournissent actuellement des contingents et des forces de police, dont certains sont membres du CPS.

Malgré le retrait d’ATMIS soutenu par le CPS et la Somalie, une nouvelle mission de paix se profile

Le gouvernement fédéral somalien souhaite poursuivre une mission post-ATMIS par le biais de la résolution 2719. En mai, son ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a demandé au président du Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre fin à la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie (MANUSOM) – peut-être pour jeter les bases d’une mission post-ATMIS. Les États membres des Nations Unies ont exprimé leurs inquiétudes quant au financement de multiples initiatives dans le pays.

Le CPS et le Conseil de sécurité des Nations Unies doivent décider si les fonds des Nations Unies serviront à soutenir la MANUSOM, qui renforce les capacités des institutions étatiques, ou l’ATMIS, axée sur la sécurité. Il convient également d’examiner le calendrier et l’enchaînement de ces missions. La stabilisation par la sécurité doit-elle précéder le renforcement des capacités de l’État ou se dérouler simultanément ?

Le CPS doit également examiner les avantages et les inconvénients du recours à la résolution 2719 pour une mission post-ATMIS. Il est légitime de craindre que le retrait de l’ATMIS ne crée un vide sécuritaire sur lequel Al-Chabab pourrait capitaliser. Malgré la création de nouvelles unités de l’armée et le transfert réussi de sept bases de sécurité aux forces somaliennes, les attaques d’Al-Chabab se poursuivent. Les récents progrès réalisés par le gouvernement dans le centre de la Somalie, avec l’aide de l’ATMIS, pourraient être réduits à néant.

Toutefois, étant donné que ces récents succès sont le fruit d’une campagne conjointe avec des milices claniques, la Somalie doit d’urgence mettre en place des forces de maintien, œuvrer à la réconciliation communautaire et répondre aux attentes locales en matière de prestation de services.

Les fonds de la résolution 2719 pourraient renforcer la mission de la SADC dans l’est de la RDC

Un comité composé du gouvernement fédéral, de l’UA et du Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie assure le transfert sans heurts des responsabilités de l’ATMIS aux forces de sécurité somaliennes. Les trois parties prenantes doivent faire la distinction entre les mandats des missions de paix actuelles et futures de la Somalie.

La Commission de l’UA doit également évaluer les besoins des composantes militaire, policière et civile, le concept des opérations, les implications budgétaires et les stratégies de sortie pour une mission post-ATMIS. Le Comité d’état-major de l’UA devrait entreprendre son propre examen et conseiller le CPS et la Commission de l’UA.

Le déploiement d’une nouvelle mission en Somalie doit également être envisagé dans le contexte des crises prolongées et émergentes en Afrique (voir diagramme).

Le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a atteint son point de rupture avec les récentes avancées du groupe rebelle M23 à l’origine du déplacement de 250 000 personnes. La mission de stabilisation de l’Organisation des Nations Unies en RDC, privée du soutien des communautés locales et des élites politiques, devrait se terminer en décembre. La résolution 2719 permettrait d’obtenir des fonds pour renforcer la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe dans l’est de la RDC, dont les  ressources sont insuffisantes.

L’UA pourrait également utiliser la résolution 2719 pour soutenir une intervention dans la guerre civile au Soudan. Ce conflit a entraîné l’effondrement des institutions de l’État, des morts innombrables et une catastrophe humanitaire, ainsi que le déplacement d’environ huit millions de personnes. Une mission mandatée par l’UA pourrait faire pencher la balance de manière significative, apporter une stabilisation à court terme et donner l’impulsion nécessaire à un cessez-le-feu.

Le CPS devrait discuter de l’utilisation de la résolution 2719 pour la stabilisation des pays en conflit. Les débats seront fonction de la volonté de l’UA de se concentrer sur un cas unique ou d’appliquer cette résolution à différents contextes. La prise de décision nécessite une analyse approfondie des avantages et des défis de chaque conflit.

En Somalie, la résolution 2719 offre l’occasion d’appliquer le partenariat de sécurité entre les Nations Unies et l’UA. C’est aussi une occasion unique pour la Commission de l’UA et le CPS de rendre pleinement opérationnelle la Force africaine en attente telle qu’initialement conçue et de déployer en Somalie une mission dirigée par l’UA et composée de contingents provenant de pays d’Afrique de l’Est.

Des discussions prolongées visant à aplanir les difficultés liées à la résolution 2719 sont en cours, et une action concrète pourrait être impossible avant la fin 2024. Dans l’intervalle, les responsables de l’UA devraient minutieusement évaluer l’avenir de l’ATMIS et déterminer si une nouvelle opération de soutien à la paix ferait pencher la balance en faveur d’une paix et d’une stabilité durables en Somalie.

Cet article a été publié pour la première fois dans le Rapport de l’ISS sur le CPS.

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