Économie circulaire : faire progresser l’Afrique vers la durabilité environnementale

Le continent est confronté à des risques économiques et climatiques ; l’économie circulaire permet de les réduire.

Subissant de plein fouet les effets de la COVID-19, l’Afrique doit plus que jamais penser à son avenir. L’équipe du programme Futurs africains et Innovation de l’Institut d’études de sécurité prévoit, dans l’une de ses dernières analyses, que la pandémie aura probablement pour effet de réduire à néant plusieurs années de progrès sur le plan du développement en Afrique. La pandémie de COVID-19 soulève également des interrogations sur notre degré de préparation aux futures catastrophes, et plus particulièrement celles liées au changement climatique.

Sans pour autant prédire l’avenir, nous pouvons nous baser sur les tendances sociétales, environnementales et économiques actuelles pour anticiper certains scénarios et décider dès aujourd’hui des mesures à prendre pour atteindre les résultats souhaités. Pour l’Afrique, la question importante est de savoir comment se remettre des effets de la COVID-19 tout en améliorant la durabilité environnementale.

Le concept d’économie circulaire est un bon point de départ. Il se départit des systèmes d’extraction linéaires actuels qui consistent à « extraire-fabriquer-consommer-jeter », en retirant la production de déchets de l’équation. Produits et matériaux sont recyclés, contribuant ainsi à préservation de l’environnement et des ressources de la planète, qui ne sont pas infinies.

L’économie circulaire se départit de nos systèmes linéaires actuels consistant à « extraire-fabriquer-jeter »

L’évolution vers une économie plus durable et circulaire peut passer par plusieurs voies. L’électricité, l’agriculture, les infrastructures urbaines, ainsi que les transports, le plastique, les industries manufacturière et textile sont autant de secteurs qui offrent des opportunités économiques dans une économie circulaire.

Un grand nombre d’initiatives visent la mise en place d’une économie circulaire en Afrique. Par exemple, le programme SWITCH Africa Green encourage l’utilisation du biogaz, la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques, l’agriculture biologique, la fabrication écologique et la création de parcs éco-industriels. Les pays partenaires de ce programme sont l’Afrique du Sud, le Burkina, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, Maurice et l’Ouganda.

Au Ghana, une plateforme de valorisation des déchets met en relation les parties prenantes et encourage la création de partenariats destinés à gérer les données relatives à la gestion des déchets et à combler les lacunes dans l’application des politiques. À titre d’exemple d’initiatives en matière de financement, la Banque africaine de développement met en place l’Africa Circular Economy Facility afin de soutenir les pratiques d’économie circulaire dans ses États membres.

Le recours plus large aux énergies renouvelables peut permettre de diminuer l’utilisation de combustibles fossiles pour créer des économies plus sobres en carbone. Selon les prévisions de BP, la demande africaine en électricité devrait plus que tripler d’ici 2050, et les énergies renouvelables constitueront probablement la part la plus importante du mix de production, soit 67 %.

La BAD met en place l’Africa Circular Economy Facility afin de soutenir les pratiques d’économie circulaire

L’association de l’agriculture et de la production d’énergie solaire pourrait stimuler le développement durable. Par exemple, on peut installer des panneaux solaires photovoltaïques en hauteur pour protéger des cultures plantées en dessous. C’est ce qu’on appelle des projets agrivoltaïques. Ils offrent l’avantage d’accroître les rendements tout en évitant d’utiliser des surfaces foncières pour mettre des panneaux solaires dans des espaces urbains restreints.

Les petits exploitants agricoles pourraient adopter ces systèmes, qui permettraient également aux communautés rurales de bénéficier d’un raccordement à des mini-réseaux électriques. Dans l’ensemble, l’adoption de pratiques agricoles plus durables associée à la réduction des déchets alimentaires pourrait non seulement contribuer à économiser les ressources en eau, mais également à améliorer la productivité des terres agricoles.

Compte tenu de la croissance démographique et de l’urbanisation rapide de l’Afrique, les urbanistes doivent concevoir des systèmes permettant aux villes de devenir résilientes et économes en ressources. Les systèmes circulaires peuvent contribuer à réduire les volumes croissants de déchets dans les villes, l’amélioration de la gestion des déchets ayant des effets positifs sur l’environnement, sur la santé et sur l’économie urbaine. Notamment, la mise en place d’activités économiques de récupération des ressources, de réutilisation et de recyclage pourrait contribuer à créer des emplois pour les populations urbaines en pleine croissance.

L’association de l’agriculture et de la production d’énergie solaire pourrait stimuler le développement durable

Selon l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel , l’économie circulaire présente à la fois des opportunités et des défis. Pour l’Afrique, le risque est que la demande d’importations en ressources naturelles diminue si les pays à revenu élevé adoptent les pratiques de l’économie circulaire. L’application de normes relatives à l’économie circulaire pourrait également rendre plus complexe la réglementation des importations.

Pourtant, il y aura bien une augmentation de la demande en denrées alimentaires, en produits de base, en eau et en énergie, et ce en raison de la croissance démographique dans une grande partie de l’Asie, à défaut de l’Europe et de l’Amérique du Nord. En planifiant dès à présent des systèmes d’économie circulaire, et en leur consacrant des investissements, l’Afrique serait en mesure de répondre à ces besoins croissants tout en freinant l’épuisement des ressources et le changement climatique.

En vue de catastrophes futures, une étude récente sur l’écologie et l’économie de la prévention des pandémies souligne la nécessité d’investir dans la protection des forêts tropicales. Ces dernières constituent des véritables terreaux fertiles pour les zoonoses, maladies qui se transmettent aux humains par les animaux, telles que la COVID-19 et le virus Ébola.

Dès que le défrichage des forêts entraîne la perte de plus de 25 % du couvert forestier, la probabilité de contact entre les espèces sauvages, le bétail et les hommes augmente. La protection des forêts tropicales pourrait ainsi contribuer à ralentir la propagation des zoonoses. De plus, le coût des investissements pour la prévention de futures pandémies pourrait se révéler bien inférieur à celui de leur gestion.

Entre 2000 et 2014, le bassin du Congo, qui abrite la deuxième plus grande forêt tropicale humide au monde, a perdu environ 16,6 millions d’hectares de forêt, selon une étude réalisée par l’Université du Maryland. L’exploitation forestière industrielle, la demande en bois de chauffage et l’agriculture font peser sur cette forêt des menaces croissantes.

Les pratiques de l’économie circulaire pourraient permettre de protéger cette ressource. Cela permettrait de lutter activement contre de futures pandémies tout en préservant une forêt qui contribue à réduire les émissions de carbone dans le monde. L’intégration du solaire dans l’agriculture pourrait être un moyen de réduire la demande en bois de chauffage tout en augmentant la durabilité.

La mise en place d’une économie circulaire peut permettre de soutenir le développement économique de l’Afrique, de renforcer la durabilité et de limiter les problèmes de santé à venir. Elle exige une collaboration entre les pouvoirs publics, le secteur privé et les consommateurs. Il ne s’agit pas d’une solution miracle pour le développement, mais elle aidera certainement l’Afrique à mieux résister aux menaces futures.

Requier Wait, chercheur principal, Futurs africains et Innovation, ISS Pretoria

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