De nouvelles relations avec les pays riverains de l’océan Indien pour stimuler l’économie bleue africaine

L’Afrique du Sud peut faciliter le développement et l’investissement dans les économies océaniques naissantes de l’Afrique.

L’Afrique du Sud est devenue présidente de l’Association des pays riverains de l’océan Indien (IORA) – et ce, jusqu’en 2019 –, lors du 17e Conseil des ministres de l’Association qui s’est tenu la semaine dernière à Durban. La direction de cette organisation internationale qui prend de plus en plus d’importance ne devrait pas bénéficier uniquement à l’Afrique du Sud.  Si elle est bien menée, elle permettra à d’autres États du pourtour de l’océan Indien d’atteindre leurs propres objectifs en termes de développement durable et stable de leur domaine maritime.

Depuis 2014, l’Afrique du Sud poursuit une croissance rapide de son économie océanique nationale ou économie bleue. Ce faisant, elle a pour objectif de créer un environnement favorable lui permettant de tirer profit de sa situation stratégique le long de routes maritimes très empruntées, de sa dépendance du commerce maritime et de l’étendue de son littoral qui sont autant d’opportunités inexploitées. Pour atteindre cet objectif, l’Afrique du Sud utilise la méthodologie de l’Opération Phasika.

L’Afrique du Sud doit promouvoir l’adhésion régionale à l’Association des pays riverains de l’océan Indien

Cette économie océanique peut contribuer à atteindre les priorités de développement du pays en matière de création d’emplois et de réduction des inégalités et de la pauvreté.

Les sept priorités de l’IORA – sûreté et sécurité maritimes ; facilitation des échanges commerciaux et des investissements ; gestion des pêches ; gestion des risques de catastrophe ; recherche, sciences et technologies ; tourisme et échanges culturels ; autonomisation des femmes – correspondent parfaitement aux priorités de l’Afrique du Sud concernant le développement d’une économie océanique dans le cadre de l’Opération Phasika.

Plus tôt cette année, l’équipe interministérielle sud-africaine pour la coopération internationale, le commerce et la sécurité (ICTS) a promis que « dans le cadre de nos priorités en tant que président, l’Afrique du Sud allait promouvoir l’harmonisation de l’économie océanique de l’Opération Phasika avec les principaux objectifs de l’Association des pays riverains de l’océan Indien concernant l’économie bleue ».

La préservation et le développement durable d’océans plus sains doivent constituer une priorité pour l’Afrique du Sud, conformément au 14e objectif du développement durable (ODD) des Nations unies pour 2030. De plus, il est nécessaire d’entreprendre constamment des recherches océanographiques pour démontrer qu’il n’y a pas d’économie bleue sans océans sains. Ces recherches constituent le point d’ancrage de l’élaboration de politiques appropriées.

Les sept priorités de l’IORA correspondent parfaitement aux priorités de l’Afrique du Sud pour le développement d’une économie océanique

À cet égard, l’Afrique du Sud jouera un rôle de premier plan en envoyant le navire de recherche SA Agulhas II participer à la Seconde expédition internationale de l’océan Indien de l’IORA qui se déroulera de 2017 à 2020. L’intérêt actuel de l’Afrique du Sud à présider l’IORA est également partiellement motivé par les commentaires de l’ancien président Nelson Mandela, souvent cités comme étant à l’origine de la création de l’organisme qui a précédé l’IORA en 1997 – l’Association de coopération régionale des pays riverains de l’océan Indien (IOR-ARC). En effet, Mandela a déclaré : « L’inclination naturelle des faits historiques et géographiques doit s’élargir pour y inclure le concept d’un Pourtour de l’océan Indien destiné à la coopération socioéconomique et à d’autres initiatives pacifiques. L’évolution récente du système international exige que les pays riverains de l’océan Indien s’unissent au sein d’une plateforme commune. »

Malgré ces propos optimistes, il semble qu’il y ait eu peu d’appétit, ou de volonté, de la part des États membres pour poursuivre le développement de la coopération et de la gouvernance régionales par le biais d’une plateforme durant les 16 années qui ont suivi.

Cette attitude a commencé à changer dans un contexte d’inquiétudes liées à des intérêts géopolitiques croissants dans l’océan Indien. En raison de l’absence d’une plateforme de gouvernance régionale, les pays de la région auraient pu être écrasés par la concurrence des États externes à la région. Cette concurrence aurait pu entraîner la marginalisation de leurs propres intérêts régionaux en matière de développement tels que l’intensification de la collaboration commerciale et scientifique. Par conséquent, l’IOR-ARC a été relancée et renommée IORA en 2013. 

L’Afrique du Sud doit maintenant stimuler l’adhésion régionale à l’IORA et gérer les intérêts des partenaires de l’association situés hors  de la région tels que la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine. Tous ces acteurs poursuivront vigoureusement leurs propres intérêts nationaux dans l’architecture de gouvernance des relations internationales dans l’océan Indien.

De plus, l’Afrique du Sud doit créer et consolider des mécanismes de résolution des différends découlant de la divergence des intérêts en jeu. C’est le moment idéal pour promouvoir plus avant les questions et les intérêts africains dans les domaines de la sécurité, du développement et de la gouvernance maritimes. Que les États perdent de vue les avantages de la collaboration, ou que des puissances internationales se mettent en travers de leur route, perturberait les tentatives de construction d’économies bleues par l’Afrique.

L’Afrique du Sud a lié son économie océanique à un régime maritime international coopératif dans l’océan Indien

Le pays peut mettre à profit son rôle de président de l’IORA pour trouver des moyens de lier le développement de la coopération dans l’océan Indien à la mise en œuvre des stratégies, des chartes et des codes maritimes africains. Tel que proposé en 2016 par Nomaindiya Mfeketo, ministre adjointe des Relations et de la Coopération internationales  (DIRCO), « Nous nous emploierons à harmoniser les activités de l’IORA et celles de la “Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans – horizon 2050” (Stratégie AIM 2050) en matière de sécurité, de renforcement des capacités, de développement des compétences et de transferts de technologies maritimes dans l’économie océanique. »

Ce faisant, l’Afrique du Sud peut faciliter des partenariats qui apportent les investissements et l’engagement nécessaires au développement des économies océaniques naissantes de l’Afrique le long de la côte occidentale de l’océan Indien.

Ces moyens peuvent contribuer à surmonter les graves problèmes de pénuries de compétences, de dépendance et de manque de capacités qui ont entravé de nombreuses politiques maritimes africaines. C’est ainsi que l’Afrique du Sud a ambitieusement lié la mise en place de son économie océanique nationale à la consolidation d’un régime maritime international pacifique et coopératif dans l’océan Indien. Ceci devrait également raviver et améliorer l’exécution de stratégies maritimes africaines.

Le DIRCO a d’ores et déjà élaboré une stratégie pour mettre en œuvre sa politique étrangère (et vraisemblablement maritime) de l’IORA et l’appliquer de manière cohérente au cours des deux prochaines années, voire au-delà. Cependant, le contenu de cette stratégie reste à ce jour confidentiel.

La large diffusion de la stratégie IORA du DIRCO permettrait de faire connaître au grand public l’importance de la présidence de l’IORA et valoriserait les résultats de l’économie océanique nationale de l’Afrique du Sud. Cela témoignerait également des qualités de cette dernière en tant qu’État maritime africain de premier plan.

Le DIRCO et l’Afrique du Sud doivent dorénavant naviguer entre les défis de la présidence de l’IORA et tirer le meilleur parti des nombreuses opportunités qu’elle offre. Ce ne sera ni rapide ni facile à accomplir ; néanmoins, il est prometteur que ce soit l’Afrique du Sud qui commande le bateau qui nous emmène vers cet avenir.

Timothy Walker, chercheur, Opérations de paix et Consolidation de la paix, ISS Pretoria

En Afrique du Sud, le Daily Maverick dispose du droit exclusif de publication des articles d’ISS Today. Pour les médias en dehors de l’Afrique du Sud et toute demande concernant notre politique de publication, merci de nous envoyer un email.

 

Photo : Steve Crane

Contenu lié