Wagner Meier/Getty Images

BRICS 2025 : La stratégie du « lentement mais surement » peut-elle payer ?

Un retour sur les fondamentaux pourrait être nécessaire pour inverser la dynamique en berne du groupe.

Le sommet des dirigeants des BRICS qui vient de s'achever à Rio s'est déroulé dans un contexte de grands changements géopolitiques. Après des années de croissance, le groupe semble avoir du mal à maintenir son élan. Alors que ses membres élargis sont aux prises avec leurs contradictions internes et un système international de plus en plus imprévisible, une remise à zéro drastique s'impose peut-être pour revenir à l'essentiel.

Au cours des dernières années, les BRICS ont connu une résurgence. En 2022, la guerre en Ukraine et la lassitude à l'égard des institutions financières et de gouvernance mondiale dominées par l'Occident ont renforcé l'intérêt pour des centres de pouvoir alternatifs, en particulier parmi les pays du Sud.

Le bénéfice du groupe pour ses cinq membres principaux s'est concentré sur les intérêts communs, la coopération Sud-Sud et l'internationalisme progressiste. Les événements mondiaux ont renforcé l'attrait du club, alors que les pays du monde entier sont aux prises avec leurs stratégies de couverture géopolitique, comme en témoignent, par exemple, des comportements de multi-alignement et de non-alignement.

Cela s’est clairement manifesté lors du sommet de Johannesburg en 2023, qui a conduit de manière inattendue (et peut-être prématurée) à l'expansion des BRICS. Six nouveaux membres ont été invités, dont cinq ont officiellement adhéré, notamment l'Indonésie en 2025. L'Arabie saoudite n'a pas encore formellement accepté. Lors du sommet de Kazan en 2024, le nouveau modèle de « pays partenaire » a permis à 10 États supplémentaires de participer aux sommets annuels avec une influence limitée sur les déclarations et les résultats.

Élargissement du groupe des BRICS
Source : ISS

 

Le groupe est devenu une plateforme essentielle au rééquilibrage géopolitique entre les États membres. Kazan a ainsi conduit à un dégel stratégique considérable dans les relations indochinoises à la suite de la première réunion bilatérale officielle entre le Premier ministre indien Narendra Modi et le président chinois Xi Jinping depuis plus de cinq ans.

Malgré cet élan positif, les inquiétudes sur la pertinence des BRICS dans l'élaboration de l'ordre international ont grandi. Elles résultent surtout du surdimensionnement de leur programme, aux contradictions internes de ses membres de plus en plus nombreux et à l'absence d'un socle normatif solide. Sans cette base, les membres auront du mal à s’accorder sur une stratégie de réforme de la gouvernance mondiale et des institutions financières.

Le sommet de cette année semble avoir encore assombri les perspectives du groupe. Deux des chefs d'État des cinq membres principaux n’y ont pas pris part, se faisant représenter. L'absence du président chinois Xi Jinping en raison d'un « problème d’emploi du temps » montre sans doute que Pékin se préoccupe plus de ses priorités intérieures, alors qu'elle est confrontée à des difficultés économiques croissantes. C'est la première fois que Xi n'y participe pas (que ce soit virtuellement ou en personne) depuis son entrée en fonction il y a plus de dix ans.

Le président russe Vladimir Poutine a participé en ligne, en raison du mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale à son encontre pour des crimes de guerre présumés en Ukraine. Cette situation rappelle le dilemme de l'Afrique du Sud en tant que signataire du Statut de Rome de la CPI et hôte du sommet des BRICS en 2023.

Il n'est pas surprenant que le sommet de cette année n'ait pas produit d'étincelles

Bien que cette approche soit apparemment acceptée par les membres des BRICS, elle met en évidence de profondes contradictions dans leurs engagements juridiques internationaux respectifs, un autre obstacle à la poursuite des réformes institutionnelles globales pour un monde plus juste.

Les présidents de l’Égypte, de l’Iran et des Émirats arabes unis se sont également fait représenter. Deux autres membres importants des BRICS, l'Afrique du Sud et le Brésil, pays hôte, semblaient préoccupés par les préparatifs en vue d'accueillir d'autres sommets multilatéraux à venir : le sommet des dirigeants du G20 à Johannesburg et la conférence des Nations unies sur le changement climatique à Belém.

Les pressions extérieures aggravent ces problèmes. L'administration du président Donald Trump avait mis le bloc en garde contre les tentatives d’éviction des États-Unis de leur position dominante dans les affaires mondiales. Trump a affirmé lors du sommet que « tout pays s'alignant sur les politiques anti-américaines des BRICS se verra imposer des droits de douane supplémentaires de 10 % ».

Trump avait déjà prévenu que toute initiative visant à remplacer le dollar américain par une monnaie de réserve soutenue par les BRICS serait accompagnée de droits de douane de 100 %, ce qui a peut-être contraint les membres des BRICS à adopter une approche plus circonspecte. La stratège géopolitique Velina Tchakarova a déclaré à ISS Today que le soutien des BRICS à la dédollarisation, sous l'impulsion de la Chine et de la Russie, figure en tête de l'ordre du jour du groupe, mais que les désaccords internes sur sa réalisation révèlent des fractures dans l'unité stratégique du bloc.

La diversité des BRICS et leur poids économique croissant lient des nations parfois opposées

La Dr Garima Mohan, du German Marshall Fund, a également souligné ces différends, en confiant à ISS Today : « Compte tenu des tensions entre deux de ses principaux membres fondateurs, l'Inde et la Chine, il semble peu probable que le groupe soit en mesure de parler d'une seule voix ou de formuler une critique crédible du système de gouvernance mondiale.

» En outre, la Chine cherche à promouvoir un modèle qui lui est propre au sein des BRICS et dans d'autres formats internationaux, qui n'est pas plus représentatif ou démocratique que le système actuel. Cela soulève la question de savoir si les BRICS sont la plateforme adéquate pour les réformes dont nous avons besoin aujourd'hui ».

Avec des membres principaux aussi dispersés, il n'est pas surprenant que le sommet de cette année n'ait pas produit d'étincelles. Les attentes étaient limitées aux évolutions institutionnelles axées sur la consolidation de l'adhésion aux BRICS et aux thématiques liés à la coopération en matière de santé mondiale, de commerce et de finance, de changement climatique et d'intelligence artificielle.

La déclaration des dirigeants contenait plusieurs annonces (assez prévisibles) sur des questions de politique mondiale, et les résultats ont largement confirmé les attentes modestes du rassemblement de Rio. En résumé, l'approche des BRICS cette année a consisté à simplement faire tourner les choses.

Cette logique n'est peut-être pas entièrement déplacée. Samir Puri, directeur du Centre pour la gouvernance mondiale et la sécurité de Chatham House, déclare : « Les BRICS ne se sont pas révélés être un puissant adversaire des mesures controversées prises par la seconde administration Trump, ce qui a suscité des questions sur l’intérêt de la plateforme.

» Cependant, un sommet discret des BRICS pourrait s'avérer [plus judicieux]. Les pays des BRICS jouent la montre ; il n'ont pas d'intérêt majeur à provoquer un affrontement retentissant avec un président américain prêt à en découdre ».

L'institutionnalisation des BRICS ne fera pas bouger les lignes dans le contexte mondial actuel

Toutefois, le sommet pourrait également être considéré comme une occasion manquée. Malgré tous leurs défauts, les BRICS restent particulièrement bien placés pour représenter les réalités mondiales. Leur diversité, leur coopération non idéologique et leur poids économique de plus en plus important lient entre elles des nations qui ne sont pas toujours d'accord, mais qui partagent des intérêts — et non des valeurs. Les BRICS offrent une plateforme pragmatique et stratégique, non limitée par l'inertie bureaucratique d'autres organismes multilatéraux tels que les Nations unies.

Bien que l'institutionnalisation progressive des BRICS soit un point positif net, elle ne fera pas bouger les lignes dans l'environnement mondial actuel.

Ses membres sont confrontés à la militarisation de la politique commerciale, à l'interventionnisme militaire unilatéral, à l'augmentation des dépenses de défense mondiales et à l'impact de tous ces éléments sur l'ordre institutionnel mondial. Dans ce contexte, comment les BRICS vont-ils tracer une nouvelle voie pour la coopération internationale ?

Pour l'instant, il semble qu'ils se contentent de répondre aux salves de Washington, plutôt que d'anticiper des événements géopolitiques majeurs ou de mettre d'autres puissances sur la sellette.

Face aux vents contraires d'une Amérique révisionniste, d'une alliance occidentale chancelante et d'un système mondial en crise, les dirigeants des BRICS doivent prendre des mesures audacieuses et décisives pour instaurer un ordre plus multipolaire. Il ne suffira pas seulement de maintenir le cap.

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigéria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigéria qui souhaitent republier des articles ou faire une demande concernant notre politique de publication sont invités à nous écrire.

Partenaires de développement
L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié