Blinken en tournée en Afrique pour renforcer la coopération atlantique
Le récent Partenariat pour la coopération atlantique pourrait façonner les relations entre les États-Unis et l’Afrique et entre le Nord et le Sud.
Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a interrompu sa mission diplomatique au Moyen-Orient pour se rendre au Cap Vert, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et en Angola.
Les États-Unis entretiennent des relations étroites avec ces pays, notamment en matière de sécurité, face à la menace d’extrémiste violent, aux coups d’État militaires et à l’influence russe via la société de mercenaires Wagner.
Cependant, on ne voyait pas ce que les quatre États avaient en commun jusqu’à ce que Blinken mentionne qu’ils font partie des 36 membres du Partenariat pour la coopération atlantique lancé en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier.
Cette initiative, majoritairement américaine, vise à combler une « lacune importante dans la gouvernance du bassin atlantique », a déclaré la Brookings Institution lors d’un récent débat en ligne. Alors que l’instabilité et l’incertitude attirent l’attention sur les points névralgiques du Pacifique occidental et du Moyen-Orient, l’Atlantique est l’océan le plus fréquenté au monde et un vecteur essentiel de prospérité.
L’Atlantique est l’océan le plus fréquenté au monde et un vecteur essentiel de prospérité
« Il est devenu l’un des principaux réservoirs d’énergie du monde, et les flux commerciaux panatlantiques rivalisent et dépassent ceux du Pacifique, notamment dans les services, les investissements et le commerce numérique ».
Les échanges soulignent également que l’océan Atlantique relie des acteurs clés du Nord et du Sud et qu’un partenariat permettrait d’adopter des approches transversales autour d’intérêts communs, tels que le commerce, la sensibilisation maritime, le changement climatique et la lutte contre la pêche illégale.
Au cours du débat, Daniel Hamilton, chercheur principal, a fait remarquer que l’Atlantique restait « le plus pacifique des océans » alors que les Houthis yéménites combattaient les États-Unis et le Royaume-Uni en mer Rouge, et que la Russie et l’Ukraine s’affrontaient en mer Noire. (Il aurait pu ajouter que l’Indo-Pacifique devenait de plus en plus une zone de litiges entre la Chine et l’Occident).
Il a toutefois indiqué que même si le Pacifique disposait de plusieurs organisations de coopération, dont la Coopération économique Asie-Pacifique, l’Atlantique dans son ensemble n’en avait aucune.
Les avantages que tireront les membres des pays en voie de développement de ce partenariat seront un test
Il était donc important de créer une collaboration panatlantique pour aborder des questions communes telles que l’impact majeur de cet océan sur le climat mondial, la sécurité, la pêche et les menaces qui pèsent sur l’énorme volume de câbles sous-marins essentiels au maintien de la connexion numérique. Les États de l’Atlantique doivent coopérer pour protéger ces conduits Internet sous-marins qui, selon Hamilton, sont plus nombreux ici que dans tout autre océan.
Il a souligné qu’au transport de marchandises plus important que sur les autres océans s’ajoutait un trafic illicite considérable, comme les trafics d’armes et de drogues entre les Amériques et vers l’Afrique, puis vers le nord en direction de l’Europe.
Jessye Lapenn, coordinatrice américaine du partenariat, a expliqué que l’une de ses priorités était de coordonner l’organisation de l’espace marin, afin de concilier le développement économique avec l’objectif 30x30 de protéger 30 % des océans mondiaux d’ici à 2030.
La concrétisation de ce partenariat panatlantique est largement attribuable à Lapenn. Récemment nommée ambassadrice des États-Unis auprès de l’Union africaine, et avant cela ambassadrice intérimaire à Pretoria, elle a été particulièrement active l’année dernière, alignant à ce jour 36 partenaires, et le nombre continue de croître.
L’Atlantique relie les principaux acteurs mondiaux du Nord et du Sud, ce qui pourrait atténuer les polarisations
Sur le plan conceptuel également, le partenariat est important. Jusqu’à présent, la notion de coalition atlantique évoquait principalement l’amitié entre les États-Unis et l’Europe, concrétisée par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Comme l’a indiqué Hamilton, la prise en compte du Sud de l’Atlantique apporte une toute nouvelle dimension, offrant des possibilités de coopération au développement. Celle-ci reposerait sur un axe Sud-Sud, le Brésil, qui fait partie des partenaires, pouvant y avoir un rôle de leader dans le domaine des technologies de l’énergie renouvelable.
Ali Kamal-Deen, directeur du Centre ghanéen pour le droit maritime et la sécurité en Afrique, a relevé lors du débat qu’un test majeur de l’efficacité du nouveau partenariat serait de mesurer le profit que pourraient en tirer les pays en développement qui sont membres, surtout en Afrique.
En évoquant au cours du débat l’évidence de l’analogie avec l’Indian Ocean Rim Association (IORA), Lapenn a noté qu’aucun secrétariat n’était actuellement envisagé pour le partenariat atlantique, comme celui de l’IORA à Maurice. Cependant, le partenariat est encore récent et cela pourrait évoluer.
Comme l’IORA, les objectifs du partenariat atlantique sont essentiellement techniques et non controversés. Cependant, dans un monde qui se polarise rapidement, il est irréaliste de ne pas envisager l’existence d’un agenda politique comme nous le suggère la carte géographique du partenariat. La plupart des États riverains des deux côtés de l’océan en font partie, du Canada à l’Argentine à l’ouest, mais pas le Mexique, le Honduras et Cuba, entre autres.
D’un autre côté, les membres s’étendent de manière ininterrompue au sud de l’Islande et de la Norvège. Certains pays brillent toutefois par leur absence, comme la France, la Suède, le Cameroun et la République démocratique du Congo.
L’adhésion s’arrête brusquement à l’Angola. Est-ce significatif ? Interrogée à ce propos, Lapenn a déclaré que « la porte restait ouverte » et que de nouveaux membres seraient bientôt intégrés, tout en précisant que certains États pourraient avoir des raisons de ne pas y adhérer. Il est possible que des pays comme l’Afrique du Sud perçoivent le partenariat comme un cercle d’influence américain et privilégient la compagnie de leurs homologues des BRICS.
Pourtant, l’un de ces derniers, le Brésil, a rejoint le partenariat atlantique, une décision qui a été saluée. Une multiplication de partenariats croisés est bénéfique, car elle tend à atténuer les polarisations. Il est évident qu’une coopération entre les nombreux États riverains de l’Atlantique est indispensable pour gérer efficacement les opportunités et les défis communs.
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