l'Union africaine

Les faits saillants du 38e sommet de l’UA

Malgré l’importance des sujets abordés, le 38e sommet de l’Union africaine n’a pas attiré que peu de chefs d’État et de gouvernement.

En février 2025, les dirigeants africains se sont réunis à Addis Abeba, en Éthiopie, pour la 38e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA). Des représentants des 55 États membres de l’UA se sont retrouvés afin de trouver des solutions aux principaux défis du continent. La réunion s’est déroulée dans le contexte d’une détérioration notable de la paix et de la sécurité en Afrique, d’une vague de reculs démocratiques et d’un contexte mondial de plus en plus multipolaire.

Plusieurs questions urgentes ont été abordées, notamment l’élection de nouveaux dirigeants à la Commission de l’UA (CUA) et la perspective d’une nouvelle intervention du continent dans les crises qui secouent le Soudan et l’est de la République démocratique du Congo. Les nombreuses réunions des chefs d’État et des membres du comité exécutif ainsi que du comité des représentants permanents ont donné lieu à 38 projets de décision dans six domaines. Que faut-il en retenir ?

Un absentéisme persistant

Comme le montre le tableau ci-dessous, 30 présidents, trois vice-présidents et quatre Premiers ministres ont participé au sommet, soit une augmentation marginale de trois chefs d’État par rapport à 2024. En dépit de cela, le nombre total de représentants de haut niveau a légèrement baissé, passant de 39 en 2024 à 37 en 2025, en raison de la diminution de la présence de vice-présidents et de premiers ministres. Qu’il y ait eu plus de chefs d’État sous-entend un niveau de préoccupation plus élevé à l’égard des questions continentales. Toutefois, l’absence de près de la moitié des chefs d’État soulève des questions cruciales quant au degré d’engagement des États membres pour la recherche de solutions aux problèmes de l’Afrique.

Le nombre de participants de haut niveau est passé de 39 en 2024 à 37 en 2025

Si la présence d’un plus grand nombre de chefs d’État au sommet reste positive, celui-ci n’atteint pas le niveau requis pour permettre une résolution des problèmes impératifs de l’Afrique en matière de gouvernance, de sécurité et de développement.

Participation des représentants de haut niveau aux 37e et 38e sommets de l’UA
Participation des représentants de haut niveau aux 37e et 38e sommets de l’UA

Source : Compilation du Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

 

A-t-on choisi les bons dirigeants ?

Le sommet a coïncidé avec des changements à la tête de l’UA. L’Angola a succédé à la Mauritanie à la présidence de la Conférence de l’organisation, conformément à l’article 6(4) de l’Acte constitutif de l’UA. Outre l’Angola, le Burundi, le Ghana et la Tanzanie ont également été élus pour compléter le bureau de la Conférence de l’UA. Contrairement à 2023 et à 2024, la composition du bureau n’a pas été influencée par des luttes régionales. Au-delà de la continuité procédurale, cette stabilité permet de préserver la mémoire institutionnelle de l’UA, renforçant ainsi la gouvernance et la prise de décision au plus haut niveau.

Mahamoud Ali Youssouf est devenu le nouveau président de la CUA à l’issue d’une élection très disputée face à Raila Odinga et Richard Randriamandrato. Celle-ci s’est déroulée en sept tours et a été marquée par des changements d’alliances qui ont finalement favorisé le candidat djiboutien. Après l’élimination de Randriamandrato au troisième tour, le nombre de voix recueillies par Youssouf a augmenté, tandis que celui d’Odinga n’a pas changé, ce qui suggère qu’un nombre important de partisans de Randriamandrato ont reporté leur soutien sur Youssouf. 

Résultats des élections des dirigeants de la CUA en 2025
Résultats des élections des dirigeants de la CUA en 2025

Source : Compilation du Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

 

Selon des sources interrogées par le Rapport sur le CPS, la capacité de Youssouf à s’exprimer et à démontrer une réelle compréhension des défis de l’UA au cours de la campagne et lors du débat aurait été un facteur décisif. Son profil linguistique et son âge auraient également joué en sa faveur. Étant le plus jeune candidat, de nombreux États membres ont estimé qu’il serait en mesure de résister à l’énorme pression inhérente à la fonction de président de la CUA. De son côté, Odinga n’est pas parvenu à élargir sa base électorale, réunissant entre 20 et 22 voix entre le premier et le sixième tour, en dépit de sa grande expérience politique considérée par beaucoup comme un avantage. L’idée que Youssouf ait gagné grâce à sa capacité à tenir ses promesses soulève des interrogations quant à la certitude que les États membres ne voudraient pas de responsables compétents à la tête de la CUA.

L’élection du vice-président a suivi le même schéma et a conduit à la victoire de l’Algérienne Selma Malika Haddadi. Une source proche du Rapport sur le CPS a toutefois estimé que la présence du président algérien à Addis Abeba avait conféré du poids et insufflé une certaine énergie à la candidature de son pays. L’opération de plaidoyer bilatéral qu’il a menée auprès de ses pairs s’est avérée efficace.

L’éloquence de Mahamoud Ali Youssouf et sa compréhension des défis de l’UA ont joué en sa faveur

Beaucoup d’observateurs se sont inquiétés de la piètre qualité des candidatures aux postes de commissaires, puisque seuls 11 des 35 candidats initiaux ont été soumis à l’examen du conseil exécutif. Par conséquent, deux portefeuilles n’ont pu être pourvus. Ces deux postes restent ouverts et une élection pourrait avoir lieu lors du sommet de juillet 2025. L’Afrique centrale, pour l’heure sous-représentée, disposera ainsi d’une deuxième occasion d’accroître sa visibilité. Toutefois, la question de savoir si les responsables choisis sont les plus aptes à occuper ces postes ne pourra être tranchée que s’ils sont capables de relever les nombreux défis liés à leurs portefeuilles respectifs.

 

Résultat de l’élection des commissaires
Résultat de l’élection des commissaires

 

La recherche de solutions aux crises qui sévissent en République démocratique du Congo et au Soudan a fait l’objet de réunions séparées. Cependant, au-delà de la réitération des recommandations des précédentes réunions du CPS, aucune avancée n’a été constatée. Nonobstant le communiqué additionnel, ce qui est désormais attendu, ce sont des actions concrètes qui pourraient contribuer de manière significative au déblocage des deux situations à court et à moyen termes.

Figurait également à l’ordre du jour l’établissement d’un comité de surveillance sur la réforme de l’UA, composé du Kenya et des cinq membres du bureau de la Conférence de l’organisation. Le positionnement de l’Afrique sur une scène globale en pleine mutation et la nécessité de remédier aux déséquilibres financiers mondiaux étaient également à l’ordre du jour. À cette fin, la Conférence de l’UA a créé l’Agence africaine d’évaluation du crédit, chargée d’évaluer les économies africaines sur la base de leurs réalités locales et de faire contrepoids aux évaluations de Moody’s, Fitch et S&P Global, qui décrivent le continent comme présentant des risques pour les investissements.

Faire du sommet une réussite

Le 38e sommet de l’UA restera dans les annales pour ses élections très médiatisées, mais aussi pour le caractère urgent des défis politiques qu’il s’est efforcé de relever. Contrairement au sommet de l’année précédente, qui avait été davantage marqué par les discours et la faible participation des chefs d’État, celui de cette année s’est déroulé dans un contexte d’escalade des conflits africains et s’est distingué par une campagne électorale acharnée. Maintenant que de nouveaux dirigeants ont été désignés et que plusieurs décisions clés ont été prises, le véritable test consiste à traduire ces résultats en actions tangibles. Le nouveau président de la CUA doit réformer la bureaucratie de l’UA tout en faisant face à une détérioration du contexte sécuritaire à l’échelle du continent et à une mutation rapide de l’ordre mondial.

On risque de ne retenir de ce sommet que les élections et les déclarations d’intention

En outre, les luttes électorales ont provoqué des tensions persistantes entre les blocs francophone et anglophone, notamment en raison de la perception de la domination des premiers au sein de l’équipe dirigeante de la CUA. Pour y remédier et répondre aux priorités de l’Afrique en matière de sécurité, de gouvernance et d’économie, il faudra une direction stratégique et des mesures décisives. Si les nouveaux responsables ne parviennent pas à mettre en œuvre les décisions et à remplir leur mission, ce sommet risque de rester dans les mémoires non pas comme un tournant pour l’Afrique, mais simplement comme un sommet comme un autre, seulement marqué par des élections et des déclarations d’intention.

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