Les divisions en Afrique du Nord compromettent son rôle au sein de l’UA
Les divisions internes de la région affaiblissent sa représentation et son efficacité au sein de l’UA, notamment au CPS.
La 46e session ordinaire du Conseil exécutif de l’UA a abouti à l’élection du Cameroun, de l’Eswatini, de l’Éthiopie et du Nigeria en tant que nouveaux membres du Conseil de paix et de sécurité (CPS) pour un mandat de trois ans devant prendre fin en 2028. L’élection d’un État membre d’Afrique du Nord a toutefois été reportée, aucun des trois pays candidats (la Libye, le Maroc et l’Algérie) n’ayant obtenu la majorité des deux tiers requise.
Il est de coutume que les États membres d’une région se consultent afin de s’accorder sur un ou des candidats au CPS. Toutefois, l’absence de consensus entre les pays d’Afrique du Nord a retardé ce choix. La représentation de la région a finalement été pourvue lors de la 24e session extraordinaire du Conseil exécutif, à l’issue d’un vote qui a désigné l’Algérie. Alors que la région réclame un siège supplémentaire au CPS, l’absence de consensus et de collaboration intrarégionale en Afrique du Nord pose question dans la mesure où elle peut nuire à l’efficacité et au fonctionnement des organes de l’UA où la participation de ces pays est nécessaire.
Les divisions en Afrique du Nord
Depuis la réintégration du Maroc au sein de l’Union africaine (UA) en 2017, les tensions entre les pays d’Afrique du Nord ont ressurgi et sont devenues plus manifestes. Les différends de longue date entre l’Algérie et le Maroc au sujet du statut de la République sahraouie empêchent la région de présenter un front uni et une position commune pour relever les défis en matière de paix, de sécurité et de développement. Cette situation a également des répercussions sur l’UA, où la représentation de la région est essentielle.
Ni la Libye, ni le Maroc, ni l’Algérie n’ont obtenu la majorité des deux tiers lors du vote
Outre le récent report du vote du CPS, le choix de la Mauritanie pour la présidence 2024-2025 de l’UA en est un exemple criant. L’Algérie et le Maroc étaient intéressés à se présenter, mais l’absence de consensus et l’incapacité des deux pays à faire des concessions ont conduit à la nomination in extremis de la Mauritanie et à maintenir ainsi la région à la présidence de l’UA. De même, le siège de l'Afrique du Nord au bureau de l'UA est resté vacant toute l'année 2023 en raison de désaccords internes jusqu'à l'approche du sommet de février 2024, date à laquelle la Mauritanie a pris ses fonctions. D'autres membres du bureau ont dû combler le vide.
Le processus de sélection du CPS
Le protocole du CPS prévoit que l’Afrique du Nord soit représentée par deux États membres. Si l’existence d’un consensus régional sur une candidature simplifie généralement la sélection, cela n’empêche pas deux pays d’une même région et ayant des intérêts multiples d’être membres du CPS. C’est toutefois la première fois dans l’histoire du Conseil qu’une telle situation aboutit à la non-représentation d’une région de l’Afrique au CPS.
L’absence de consensus n’est pas nécessairement négative : certains experts estiment qu’elle favorise la concurrence intrarégionale fondée sur le mérite et témoigne de la volonté des États de servir les intérêts du continent. Toutefois, la situation en Afrique du Nord ne saurait expliquer à elle seule les raisons de cette fragmentation et les moyens d’y remédier, compte tenu notamment de la volonté de la région d’obtenir un troisième siège.
Quels impacts pour la région ?
La question d’une représentation régionale proportionnelle a été soulevée pour la première fois par l’Algérie lors de la retraite du CPS de mai 2021 sur les méthodes de travail. Depuis lors, plusieurs pays d’Afrique du Nord ont réitéré l’intérêt de leur région pour un troisième siège. En dépit de nombreux désaccords, il s’agit là d’un aspect sur lequel tous les pays nord-africains semblent s’entendre. En réponse à la pression exercée par la région, le 37e sommet de l’UA a créé un groupe de travail chargé d’examiner la question et de formuler des recommandations concrètes.
C’est la première fois dans l’histoire du CPS qu’une région n’est pas représentée à l’issue d’un vote
Si la revendication fondée uniquement sur l’égalité de représentation est bel et bien légitime, certaines interrogations se posent quant à son utilité compte tenu de l’absence de consensus régional, y compris sur des aspects cruciaux tels que l’attribution des sièges au CPS. Certains experts estiment que la demande d’un troisième siège repose exclusivement sur les principes du protocole relatif au CPS et sur le principe d’égalité de représentation inscrit dans l’Acte constitutif de l’UA. Ils soutiennent que l’équité dans la représentation au sein du CPS ne devrait pas être subordonnée à un consensus régional. D’autres estiment qu’un siège supplémentaire permettrait de sortir de l’impasse créée par la rivalité entre l’Algérie, la Libye et le Maroc.
Il est certain que l’obtention d’un siège au CPS suscite un regain d’intérêt de la part des États membres de l’UA, ce qui entraîne une concurrence accrue entre les États de la région. Cette situation ne remet toutefois pas en cause l’importance des capacités d’un État dans l’acquittement des responsabilités qui lui incombent en tant que membre du CPS. Le débat sur la participation de l’Afrique du Nord au CPS devrait donc porter sur la capacité des représentants de la région à s’acquitter de leur mandat et de leurs responsabilités et à œuvrer dans le sens du protocole relatif au CPS.
La voie à suivre
La rivalité électorale peut être salutaire pour les processus de représentation interne de l’UA, mais une fracture régionale persistante, comme dans ce cas, peut nuire à la crédibilité institutionnelle et régionale. La région doit trouver un compromis entre son aspiration à une représentation équitable et la nécessité impérieuse de renforcer la coopération et la cohésion internes, tant pour préserver sa place au sein des structures de l’UA que pour influencer le débat sur la paix et la sécurité.
La persistance des fractures régionales pourrait nuire à la crédibilité institutionnelle et régionale
Pour l’heure, certains membres nouvellement élus du CPS ont été intronisés, et d’autres non. Ainsi, l’Algérie, qui a été élue postérieurement, n’a pas pu suivre la formation sur le mandat, les opérations et les méthodes de travail du CPS dispensée lors de la session d’intronisation du Conseil qui s’est déroulée à Arusha du 22 au 28 mars 2025.
Cependant, elle pourrait recevoir une formation et une assistance technique ciblées. Des consultations approfondies sont nécessaires pour remédier aux divisions régionales émergentes et à leurs implications sur la structure et la performance des organes de l’UA dans lesquels la région joue un rôle. Cela contribuerait grandement à renforcer l’efficacité de la représentation de l’Afrique du Nord dans les affaires du continent.