Enhancing Africa's responsiveness to crisis situations?

After Africa's shortcomings in its response to the Mali crisis, can a new AU immediate-response mechanism provide capacity for continent-led intervention? (Article in French and English)

English follows

Une reactivite accrue de l'Afrique aux situations de crise?

Près de 10 ans après la mise en place du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) vient de s’enrichir d’un nouvel outil : la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC). À l’issue de discussions intenses, la 21ième session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement de l’UA, tenue à Addis Abéba, a décidé, les 26 et 27 mai 2013, de la création de ce mécanisme conçu comme un arrangement transitoire pour combler les insuffisances révélées dans la réponse africaine à la crise malienne.

D’une certaine façon, cette décision était inattendue. En effet, lors de leur réunion tenue à Addis Abéba, le 30 avril 2013, les ministres africains de la Défense, auquel un rapport sur la question avait été soumis par la Présidente de la Commission, avaient exprimé de fortes réserves sur le concept de la CARIC. Ils avaient ainsi proposé de différer l’examen de la question, demandant, dans l’intervalle, qu’une évaluation exhaustive soit conduite pour identifier les défis rencontrés dans l’opérationnalisation de la Force africaine en attente (FAA) et de sa Capacité de déploiement rapide (CDR).

La décision de mettre en place la CARIC soulève l’espoir d’une plus grande réactivité de l’UA aux situations de crise, celle-ci ayant été jusqu’ici sérieusement entravée par un manque de moyens si ce n’est de volonté politique. Une fois les modalités d’opérationnalisation de la CARIC convenues, l’UA sera attendue au tournant de la prochaine crise sur le continent. Une entrée en action de ce mécanisme sera la preuve que la volonté politique qui a sous-tendu sa création est réelle. L’absence d’un déploiement là où le besoin s’en ferait sentir ajouterait la CARIC à la liste des nombreux outils que l’organisation a créés sans jamais parvenir à les mettre en pratique. Les semaines et mois à venir seront cruciaux. Une première indication sera fournie par le nombre d’États notifiant leur disposition à contribuer à l’initiative et par l’ampleur des moyens qu’ils mettront à disposition.

L’idée de la CARIC remonte à janvier 2013, dans le contexte des discussions du sommet de l’UA sur la situation au Mali. Face à l’offensive des groupes armés du nord, et en l’absence d’une réponse africaine effective et crédible, le Mali avait dû faire appel à la France, dont l’intervention a permis de stopper cette offensive et d’enclencher, ensuite, le processus de libération du septentrion malien. L’UA et la quasi-totalité de ses États membres ont reconnu le caractère salvateur de l’intervention. Dans le même temps, celle-ci a mis en relief les insuffisances de la réponse africaine et écorné l’orgueil de bien des États du continent. En effet, cinquante ans après la grande vague des indépendances, ceux-ci ont dû s’en remettre à une ex-puissance coloniale pour faire face à une menace qu’ils ne pouvaient contenir par eux-mêmes. Le Commissaire de l’UA à la paix et à la sécurité, Ramtane Lamamra, a, dans son allocution d’ouverture de réunion des ministres de la Défense, résumé la situation comme suit: « En eux-mêmes, les dirigeants africains ont senti que cette action aurait dû et aurait pu être le fait de troupes africaines ».

Le Sommet de janvier 2013 a demandé à la Commission d’accélérer l’opérationnalisation de la FAA et de la CDR. Composée de cinq forces régionales, la FAA devait initialement atteindre sa pleine capacité opérationnelle en 2010. Cet objectif a, par la suite été reporté à 2015. Élément clé au sein des forces régionales de la FAA, la CDR a été conçue pour permettre à l’UA de répondre aux situations correspondant au scénario 6 de la FAA, à savoir l’intervention dans un État membre en cas de circonstance grave (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide) ou l’intervention à la demande d’un État pour y restaurer la paix et la sécurité. La CDR devait être opérationnelle être testée en 2012. Cela n’a pas été le cas.

Au regard de ce qui précède et compte tenu de la volatilité de la situation sécuritaire sur le continent, la Commission de l’UA a proposé, la mise en place de la CARIC, à titre transitoire, en attendant la pleine opérationnalisation de la FAA et de sa CDR. Il s’agit, comme indiqué dans le rapport de la Présidente de la Commission, de mettre en place une force robuste et crédible, qui peut être déployée rapidement pour des opérations limitées tant dans leurs objectifs que dans leur durée. Elle serait constituée de capacités militaires, de multiplicateurs de forces et de ressources provenant du continent. Le document indique, sans plus de détails, que « l’emploi de la force obéira aux modes de décisions prévalant au sein de l’UA ».

Le « Rapport sur les activités du CPS et l’état de la paix et de la sécurité en Afrique », présenté lors du Sommet de la semaine denière, n’a, pour ainsi dire, abordé la question de la CARIC que de manière succincte, probablement en raison des réticences exprimées par les ministres de la Défense. Dans la phase finale des discussions du sommet de mai 2013, la majorité des délégations se sont prononcées en faveur de la mise en place de la CARIC, au motif que l’Afrique ne peut prétendre au leadership auquel elle aspire si elle demeure dépendante d’interventions étrangères pour pourvoir à sa sécurité. Toutefois, certains pays auraient, lors des discussions, exprimé la crainte d’une duplication des efforts et marqué leur préférence pour la poursuite du processus convenu par la réunion des ministres de la Défense.

La décision adoptée par le sommet prévoit la mise en place immédiate sur le principe de la CARIC. Elle stipule que cette capacité est constituée sur une base volontaire et que les États disposés à y contribuer doivent en faire notification à la Commission de l’UA. Les modalités de l’opérationnalisation de la CARIC seront définies par les ministres de la Défense lors d’une réunion prévue au cours du dernier trimestre de cette année.

Il ne faut cependant pas faire perdre de vue que la gestion des crises complexes qui secouent l’Afrique n’est pas réductible à un seul instrument. La prévention des conflits, tant dans sa dimension structurelle qu’opérationnelle, doit rester la priorité comme y invite, au demeurant, le Protocole créant le CPS. De ce point de vue, la formalisation par le sommet de la mise en place de « PanWise », réseau composé du Groupe des Sages de l’UA et de structures similaires au sein des mécanismes régionaux et d’autres structures de prévention et de médiation, constitue une initiative bienvenue. Elle étoffe la palette des instruments à la disposition de l’UA dans la prévention et la gestion des crises. Le lancement d’une initiative pour l’opérationnalisation de l’APSA dans la région sahélo-saharienne, de façon à dépasser les cloisonnements géographiques qui ont tant nui à la cohérence et à l’efficacité de la réponse africaine à la crise malienne, s’inscrit dans la même perspective. L'évaluation demandée par les ministres africans de la Défense en avril permettra également d'identifier les défis dans l'opérationnalisation de la FAA et de sa CDR et serait l’occasion de revoir les scénarios de la FAA.

Plus globalement, ces efforts participent d’un processus d’affinement de l’APSA, déjà entrevu dans la Déclaration de Tripoli du 31 août 2009. Ils rappellent que l’APSA ne doit pas être comprise comme une construction figée, mais plutôt comme une structure souple, en constante transformation avec le souci de s’adapter aux défis sans cesse évolutifs auxquels l’Afrique fait face en matière de paix et de sécurité.

Lori-Anne Théroux-Bénoni, Chercheure principale, Division Prévention des conflits et Analyse des risques, Institut d'études de sécurité, Dakar

Ce travail a été mené grâce à un appui du Centre de recherche en développement international du Canada (CRDI) basé à Ottawa au Canada.

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Enhancing Africa's responsiveness to crisis situations?

Almost ten years after the Peace and Security Council (PSC) of the African Union (AU) was established, the African Peace and Security Architecture (APSA) has gained a new tool: the African Capacity for Immediate Response to Crises (ACIRC). After intense discussions, the 21st Ordinary Session of the Assembly of Heads of State and Government of the AU in Addis Ababa, decided on 26 and 27 May to create this mechanism designed as a transitional arrangement to fill the gaps revealed by the shortcomings of an African-led response to the crisis in Mali.

The decision was somewhat unexpected. During their meeting in Addis Ababa on 30 April, African ministers of defence, to whom a report on the matter by the chairperson of the AU Commission had been submitted, had expressed strong reservations about the concept of the ACIRC. They had proposed to defer the matter and requested that a comprehensive assessment be conducted to identify challenges in operationalising the African Standby Force (ASF) and its rapid deployment capability (RDC).

The decision to implement the ACIRC raises hopes of a greater responsiveness on the part of the AU, which has so far been seriously undermined by a lack of resources, if not political will. Once the modalities for operationalising the ACIRC are agreed upon, the AU will be expected to deploy at the next crisis on the continent. The realisation of this mechanism will prove that the political will that has underpinned its creation is real. In the absence of such deployment, the ACIRC will be relegated to the long list of tools that the organisation has created without ever managing to make them operational. The weeks and months ahead will be crucial. A first indication will be provided by the number of states notifying their will to contribute to the initiative and the extent of resources they are prepared to commit.

The idea of the ACIRC dates back to January 2013 and should be understood against the backdrop of the discussions of the AU summit on the situation in Mali. Faced with offensives carried out by armed groups in the north, and in the absence of an effective and credible African response, Mali had to call on France for intervention to put an end to the offensive and start the process of liberating northern Mali. The AU, together with almost all its member states, has recognised how beneficial this intervention has been. At the same time, however, the foreign intervention highlighted the shortcomings of the African response in Mali and humbled the pride of many African states. Fifty years after the wave of independence, Africa had to rely on a former colonial power to deal with a threat it could not contain on its own. In his opening remarks at the meeting of defence ministers, AU Commissioner for Peace and Security Ramtane Lamamra summarised the sentiment: ‘In themselves, African leaders felt that this action should and could have been carried out by African troops.’

The January 2013 summit requested the AU Commission to expedite the operationalisation of the ASF and the RDC. Composed of five regional brigades, the ASF was originally scheduled to reach full operational capability in 2010. This objective has since been pushed back to 2015. A key component of the ASF, the RDC aims at enabling the AU to respond to situations corresponding to scenario 6 of the ASF, namely intervention in a member state in case of grave circumstances (war crimes, crimes against humanity and genocide) or intervention at the request of a state to restore peace and security. The RDC should have been operational in 2012. This was not the case.

In view of these challenges, and given the volatility of the security situation on the continent, the AU Commission has proposed, as an interim measure before the full operationalisation of the ASF and the RDC, the establishment of the ACIRC. According to the report of the chairperson of the Commission, the ACIRC would provide a robust and credible force that can be deployed quickly to conduct certain types of operations limited in both their goals and duration. It would consist of military capabilities, force multipliers and resources from the continent. The document states, without giving details, that ‘the use of force will conform to the prevailing modes of decisions within the AU’.

The report on the activities of the PSC and the state of peace and security in Africa presented during last week’s AU summit addressed the issue of the ACIRC only in passing – probably because of the reservations expressed by the ministers of defence. In the final phase of discussions at the summit, the majority of delegates were in favour of establishing the ACIRC, arguing that Africa cannot aspire to leadership and ownership if it remains dependent on foreign interventions for its security. However, some member states expressed fear of a duplication of efforts and a preference for the process agreed upon by the meeting of defence ministers.

The summit adopted a decision that provides, in principle, for the immediate implementation of the ACIRC. It stated that the new mechanism is based on a voluntary contribution, and that states willing to contribute should notify the AU Commission. The way the ACIRC will be operationalised will be detailed by the ministers of defence at a meeting expected to take place in the last quarter of this year.

However, the management of complex African crises cannot be reduced to a single instrument. Conflict prevention, both in its structural and operational dimensions, must remain the priority, as underlined by the protocol establishing the PSC. From this point of view, the establishment of PanWise, a network consisting of the Panel of the Wise of the AU, and similar structures in other regions as well as entities for prevention and mediation, is a welcome initiative that complements the range of instruments available to the AU in crisis prevention and management. And the same can be said of the launch of an initiative to operationalise the APSA in the Sahel-Saharan region to overcome the geographic barriers that hampered the coherence and effectiveness of the African response to the crisis in Mali. The assessment requested by the ministers of defence in April will also allow the identification of challenges in operationalising the ASF and its RDC and should be an occasion to revisit the ASF scenarios.

More broadly, these efforts are part of a process of APSA’s refinement, already envisaged in the Tripoli Declaration of 31 August 2009. They recall that the APSA should not be understood as a frozen but rather as a flexible structure, able to adapt to the ever-changing peace and security challenges facing Africa.

Lori-Anne Théroux-Bénoni, Senior Researcher, Conflict Prevention and Risk Analysis Division, ISS Dakar 

Development partners
The publication of this article was made possible by a grant from the International Development Research Center (IDRC), Ottawa, Canada.
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