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Trump n’en fera-t-il qu’à sa tête sur le plan climatique ?

L’offensive américaine contre l’action climatique est inquiétante, mais elle pourrait être tempérée par plusieurs facteurs.

Les commentaires de Donald Trump lors de sa campagne de 2024, ainsi que ses actions durant son premier mandat présidentiel, laissent présager le pire pour l’agenda climatique mondial qui pourrait connaître un grave retard.

Cependant, par rapport à 2016, de nouveaux facteurs déterminent le paysage mondial, offrant un ensemble plus nuancé de possibilités pour l’action climatique.

Trump avait annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le changement climatique en 2017, qui a été effectif en novembre 2020, juste avant la fin de son mandat. Bien que l’administration du président Joe Biden soit rapidement revenue sur cette décision, celle-ci avait causé des dommages. Un second retrait pourrait se révéler dévastateur.

Trump a également nommé des personnes climato-sceptiques à des postes clés au sein en particulier de l’administration américaine. Il a choisi Scott Pruitt pour diriger l’Agence de protection de l’environnement et a nommé David Malpass – célèbre pour avoir nié le consensus scientifique sur le lien entre les combustibles fossiles et le réchauffement climatique – au poste de président de la Banque mondiale. La Banque est un organe essentiel qui devrait soutenir un mouvement international vers une économie plus sobre en carbone.

En 2020, la Brookings Institution a recensé 74 actions de l’administration Trump qui ont affaibli la protection de l’environnement aux États-Unis, en grande partie sous l’impulsion du plan America First Energy. Il s’agissait principalement d’un paquet de mesures visant à sauver et à renforcer la chaîne de valeur des combustibles fossiles aux États-Unis. Celles-ci comprenaient la réouverture des mines de charbon, la suppression des restrictions concernant l’exploration du pétrole et les forages pétroliers ainsi que la réduction du nombre de réglementations climatiques et environnementales.

En 2020, 74 décisions de l’administration Trump ont affaibli les protections environnementales

La seconde présidence de Trump – favorisée par une série de facteurs – ira-t-elle dans le même sens ?

Sa première victoire a été de remporter le vote populaire et celui du collège électoral. La seconde, que la présidence, le Sénat et le Congrès sont dorénavant tous sous le contrôle républicain. Ces conditions lui assurent une voie royale pour l’approbation des lois, des politiques et des budgets qui ne sont pas nécessairement conformes aux objectifs du développement durable mondial.

Le troisième succès est lié à la très bonne préparation de sa présidence. Outre le rôle de l’équipe de Trump et des groupes de réflexion conservateurs, il y a aussi le Projet 2025, qui a pour priorité de « libérer la production énergétique américaine pour réduire les prix de l’énergie ».

Le Projet 2025 appelle à mettre fin au financement de la recherche sur le changement climatique et à démanteler ou réduire les effectifs de la National Oceanic and Atmospheric Administration et de la Federal Emergency Management Agency qui avaient pris de l’importance avec l’augmentation des catastrophes climatiques aux États-Unis.

Le renversement de la politique américaine officielle de décarbonation, la diminution des investissements publics dans la recherche sur le changement climatique, le morcellement ou la réduction de la taille des institutions entre autres fédérales qui gèrent les effets du changement climatique et le retrait des engagements multilatéraux qui y sont liés pourraient faire partie des mesures en défaveur de l’action climatique.  

La loi sur la réduction de l’inflation a surtout profité aux Républicains

S’il est lancé, le rouleau compresseur américain anti-climat, mû par son influence géopolitique et sa puissance économique, pousserait le monde vers des scénarios climatiques catastrophiques. Les États-Unis réduiront également l’aide étrangère et les programmes d’assistance concernant le changement climatique, l’Afrique étant une victime potentielle.

Toutefois, d’importants facteurs atténueront leurs effets.

Premièrement, les dividendes nationaux associés aux investissements verts des États-Unis sont bien réels. Projet phare à ce titre, la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) stimule les investissements dans les technologies vertes à hauteur de 370 milliards de dollars US. À court terme, ce sont les Républicains qui en profitent le plus. Les investissements dans les énergies propres dans les circonscriptions républicaines du Congrès s’élèvent à 268,5 milliards de dollars, contre 77,4 milliards dans les circonscriptions contrôlées par les Démocrates.

Le Trésor américain a indiqué dans son rapport de mars 2024 que les bénéfices attendus de cette loi s’élèveraient à 5 000 milliards de dollars US d’ici 2050. Ils s’exprimeraient sous la forme d’une combinaison de bénéfices économiques mondiaux, d’une diminution de la pollution et d’une amélioration de la santé et de la productivité à l’échelle nationale.

Les bénéfices attendus pour la seule année 2024 sont estimés à 137 millions de dollars US. Selon Forbes, d’ici à 2030, l’IRA pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 43 % par rapport aux niveaux de 2005. Elle pourrait créer 1,3 million d’emplois et éviter 4 500 décès prématurés par an d’ici à 2030.

Le poids de la décarbonation est important sur le plan géopolitique

Le deuxième facteur d’atténuation réside dans la pléthore de catastrophes météorologiques et climatiques que les États-Unis ont subies et qui leur ont coûté cher sur le plan économique et en pertes humaines, et ont menacé le tissu social. Les données officielles révèlent que, depuis 1980, ces catastrophes ont causé 16 768 décès et coûté 2 785 milliards de dollars à l’économie américaine.

Troisièmement, le poids de la décarbonation dans la lutte mondiale pour la supériorité géopolitique est important. L’Europe a déjà placé sa future sécurité économique dans le Green Deal européen. Le principal concurrent économique des États-Unis est la Chine, qui a investi massivement dans les énergies renouvelables et les véhicules électriques. La croissance verte de la Chine a largement contribué à son ascension économique.

Des barrières commerciales basées sur le carbone, qu’elles soient officielles ou cachées, sont déjà en train d’être mises en place à un rythme soutenu. La plus importante est le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone de l’Union européenne.

Le rapport World Energy Outlook 2024 de l’Agence internationale de l’énergie indique qu’une expansion plus rapide des énergies propres est essentielle pour réduire les fragilités liées aux risques géopolitiques. Le rapport montre également qu’en 2030 la production d’électricité à partir de sources à faibles émissions dépassera celle des combustibles fossiles.

D’autre part, il y a l’élément Elon Musk. Grand partisan de Trump et personne d’influence manifeste auprès du nouveau président, Musk est un pionnier des véhicules électriques. Tesla est le plus grand fabricant de voitures électriques au monde, avec une capitalisation boursière plus de dix fois supérieure à celle de son plus proche concurrent.

Musk est également un acteur mondial majeur dans le domaine de la technologie des batteries et un fervent partisan des solutions énergétiques à faible émission de carbone. Cela pourrait-il tempérer la position de Trump sur les combustibles fossiles ?

Le scénario le plus probable est que les débuts de la 47e administration américaine verront des gesticulations conformes à la doctrine « America First Energy », favorable aux combustibles fossiles. Cela pourrait impliquer un second retrait de l’Accord de Paris. Il est presque certain que les réglementations environnementales reculeront rapidement.

Il est tout aussi probable que l’on passera ensuite à un discours plus nuancé soulignant la nécessité de la décarbonation à mesure que les énergies renouvelables et l’industrialisation à faible émission de carbone deviendront essentielles dans la concurrence économique mondiale – un changement qui ne saurait tarder.

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