Prévention de la violence : les approches conjuguées produisent des résultats

Combinées, l’éducation parentale et les aides sociales sont plus efficaces contre différents types de violence.

Les niveaux de violence interpersonnelle restent inexorablement élevés en Afrique du Sud. Si un petit nombre de cas extrêmes font la une des journaux, les statistiques trimestrielles de la police sud-africaine sur la criminalité montrent de façon patente l’ampleur du problème.

Au cours des trois mois allant de juillet à septembre de cette année, 881 femmes, 293 enfants et 5 771 hommes ont été assassinés. 107 646 autres cas de violence interpersonnelle, notamment des tentatives de meurtre, des agressions sexuelles et autres voies de fait graves et simples, ont également été signalés à la police. Si les meurtres ont légèrement baissé (moins 0,8 %) par rapport au même trimestre de l’année précédente, le taux de crimes violents a dans l’ensemble augmenté de 2,1 %, soit 3 391 incidents supplémentaires.

Comment s’attaquer à ce problème ? Il est important de cibler en premier les violences conjugales et les violences envers les enfants. Bien que ces formes de violence soient distinctes, elles sont étroitement liées et coexistent souvent au sein des familles. La violence subie dans le foyer a généralement un effet cumulatif : elle crée une spirale de violence qui se propage dans les écoles, sur les lieux de travail et dans les communautés.

Ces deux formes de violence résultent de facteurs de risque communs. Les conflits entre partenaires intimes créent au sein du foyer un climat de stress propice à la violence. Cette situation est souvent exacerbée par des facteurs de stress socio-économiques tels que le chômage, l’insécurité alimentaire et la précarité du travail. Les normes sociales qui favorisent les inégalités dans le foyer, comme le fait que les hommes doivent subvenir aux besoins financiers de la famille et que les femmes doivent obéir à leur partenaire, peuvent également déclencher la violence si elles ne sont pas respectées.

Compte tenu de la transversalité de la violence, il est logique de s’attaquer simultanément à plusieurs de ses déclinaisons

Par ailleurs, ces deux types de violence ont des conséquences négatives similaires, comme des blessures et un risque accru de maladie mentale. L’impact négatif de la violence dans le foyer peut aussi gravement entamer la capacité des parents ou tuteurs à s’occuper des enfants d’une manière attentive à leurs besoins, et ainsi compromettre le développement de ces derniers.  

Prenons le cas d’un homme en couple qui est au chômage et se sent sous pression à l’idée d’être incapable de jouer son rôle de « principal pourvoyeur » de la famille. S’il a en plus un problème d’alcoolisme, la violence peut facilement être déclenchée.

Dans un contexte de stress élevé et de conflit entre partenaires intimes, on peut imaginer comment la violence envers les enfants peut se produire. Un parent ou un tuteur stressé, frustré ou irrité par le comportement de son enfant, peut se déchaîner physiquement. Ce scénario est une réalité pour de nombreuses familles en Afrique du Sud.

Les enfants qui subissent ou sont témoins de violences à la maison sont plus susceptibles d’être en colère, d’avoir moins de contrôle émotionnel et de recourir eux-mêmes à la violence. C’est ainsi que des cycles de violence se créent et se perpétuent d’une génération à l’autre.

La difficulté réside dans le fait que les initiatives ciblent généralement un seul résultat ou un seul type de violence

Ce constat corrobore une étude récente qui a suivi de jeunes Sud-Africains vivant à Soweto de la naissance à l’âge de 30 ans. Les résultats montrent que 87 % des garçons et des filles ont été exposés à quatre formes de violence ou plus avant l’âge de 18 ans. Les enfants qui ont été victimes d’abus physiques, sexuels et émotionnels ou qui ont été directement témoins d’actes de violence ont moins de chances de terminer leurs études secondaires. Ils sont également plus susceptibles de commettre des actes de violence à l’âge adulte.

Quelle est donc la solution ?

Nous avons besoin d’interventions efficaces qui soutiennent le bien-être et le développement humain, éliminent les sources de préjudice et d’inégalité et qui construisent des sociétés pacifiques. C’est possible, y compris en Afrique du Sud, où de plus en plus d’éléments montrent que des interventions soigneusement élaborées permettent de prévenir la violence.

Il existe à l’échelle mondiale des ensembles de mesures fondés sur des données probantes, tels que INSPIRE et RESPECT, qui présentent les meilleurs moyens de prévenir différentes formes de violence, notamment la modification des normes qui promeuvent l’inégalité entre les sexes et la fourniture de services de qualité aux victimes de préjudices.

Une combinaison de stratégies de prévention a permis de réduire de 51 % les violences physiques subies par les enfants

Ces ensembles de mesures montrent également que les programmes d’éducation parentale combinés à des interventions économiques telles que les transferts d’argent peuvent réduire et prévenir diverses formes de violence. La difficulté réside dans le fait que les initiatives ciblent généralement un seul résultat ou un seul type de violence. Compte tenu de la transversalité de la violence, il est logique de s’attaquer simultanément à plusieurs de ses déclinaisons.

Une étude menée par des chercheurs du Royaume-Uni, des États-Unis et d’Afrique du Sud montre que combiner différentes interventions préventives permet de réduire plusieurs formes de violence à la fois. Cette approche a également été identifiée comme un moyen de progresser simultanément dans la réalisation de nombreux objectifs de développement durable.

Lorsque des programmes d’éducation parentale et des aides sociales sont mis en place, ils ont un plus grand impact sur plusieurs résultats que s’ils étaient mis en œuvre séparément. L’étude réalisée sur cette combinaison de stratégies a permis de réduire le recours aux mesures disciplinaires sévères et d’améliorer les relations entre partenaires intimes et entre parents et enfants. Elle a également montré que les enfants évoluant dans de telles conditions étaient moins susceptibles d’être victimes de violence physique (51 %) et de violence psychologique (43 %).

Une étude menée auprès d’adolescents vivant avec le VIH en Afrique du Sud a révélé les avantages de la combinaison de trois stratégies de prévention – la création d’écoles sûres, l’octroi de subventions gouvernementales et le soutien aux parents. D’après les résultats de ces interventions, aucune violence ni abus émotionnel ou physique n’a été signalé par la suite. Avec un accès durable aux soins du VIH, les résultats en matière de santé mentale se sont nettement améliorés.

Bien qu’il s’agisse d’un domaine de recherche en pleine expansion, il offre de grandes possibilités en matière de développement, de santé publique et de prévention de la violence. Les élections nationales de 2024 offrent l’occasion aux partis politiques d’inclure des mesures efficaces de prévention de la violence dans leurs manifestes.

Les partis devraient élaborer leurs plans de prévention sur la base de données probantes plutôt que sur les anciennes approches réactives, comme le renforcement des effectifs de la police ou l’instauration de peines plus sévères. Prévenir la violence avant qu’elle ne se produise est non seulement moins coûteux, mais aussi bien plus bénéfique pour les communautés.

Jody van der Heyde, coordinatrice du groupe de travail Global INSPIRE, Justice et prévention de la violence, ISS Pretoria

Image : © Amelia Broodryk/ISS

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