Moussa Faki Mahamat va enfin nommer un nouvel Envoyé pour la jeunesse

En laissant le poste vacant depuis près d'un an, Mahamat a semé le doute sur l'engagement de l'UA envers la majorité de la population africaine.

Lorsque le poste d'Envoyé de l'Union africaine pour la jeunesse a été créé en 2018, le message adressé aux jeunes et aux gouvernements du continent était clair : les intérêts et le leadership des jeunes comptent pour l'UA, et les pays devraient en tenir compte et suivre la même voie.

L'Afrique est, après tout, le continent le plus jeune du monde, avec un âge médian de 20 ans, alors que la moyenne mondiale est de 31 ans. Selon le Pew Research Center, 19 des 20 pays présentant les âges médians les plus bas se trouvent en Afrique, à l'exception de l'Afghanistan.

Toutefois, malgré le potentiel de cette fonction pour l'Afrique, le poste est vacant depuis février 2021, date à laquelle le mandat de deux ans de la première Envoyée pour la jeunesse, Aya Chebbi, a pris fin. Le Président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, devrait annoncer le nom du nouvel envoyé le 1er novembre, à l'occasion de la Journée africaine de la jeunesse.

Il se peut que cette interruption soit le résultat d'une mauvaise coordination entre le bureau de Faki et la Division de la jeunesse, le personnel devant s'adapter aux changements structurels provoqués par les réformes institutionnelles de l'UA. Néanmoins, ce retard jette un doute sur l'engagement de Faki en faveur de l'autonomisation des jeunes et menace les progrès réalisés ces trois dernières années dans l'intégration des questions relatives à la jeunesse au sein de la Commission de l'UA.

Malgré le potentiel du poste d'Envoyée de l'Union africaine pour la jeunesse, celui-ci est vacant depuis février

Le mandat de Chebbi a coïncidé avec celui de Faki en tant que Président de la Commission de l'UA. Ce dernier a été réélu lors du 34e sommet de l'UA en février et aurait pu prolonger le mandat de Chebbi. Toutefois, n'ayant ni prolongé le mandat ni nommé de successeur, le bureau et le personnel de l'envoyé (composé de bénévoles du Corps des jeunes volontaires de l'UA qui travaillent à court terme) ont été essentiellement dissous. Cette situation a profondément affecté le leadership des jeunes, d'autant plus que la Charte africaine de la jeunesse préconise le remplacement régulier des dirigeants afin d'encourager l'inclusion et la participation.

La façon dont la Commission de l'UA a traité la question de l'Envoyé pour la jeunesse soulève deux signaux d'alarme institutionnels. Premièrement, elle a délaissé un poste de direction essentiel sur un continent dont la population est principalement composée de jeunes. Les jeunes Africains sont une minorité parmi les dirigeants nationaux, régionaux et continentaux, ce qui crée un fossé générationnel avec les personnes au pouvoir. Tant que cette situation perdurera et que les aspirations socio-économiques de millions de jeunes ne seront pas prises en compte, les chances de l'UA de parvenir à un continent pacifique et prospère sont faibles.

Pourtant, la Commission de l'UA n'était pas à court de candidats pour remplacer Chebbi. Plusieurs profils prometteurs issus de ses propres rangs auraient pu être envisagés. Il s'agit notamment de cinq jeunes Ambassadeurs africains pour la paix, de six ambassadeurs victorieux de la jeunesse Saleema et de cinq jeunes ambassadeurs de la lutte contre la corruption. Un plan de succession aurait pu garantir qu'un nouvel envoyé ou un représentant intérimaire prenne ses fonctions lors du sommet de l'UA de février.

Deuxièmement, il semble que cette interruption ait réduit la pertinence du bureau de l'Envoyé pour la jeunesse, malgré son legs louable. Mme Chebbi a notamment servi de relais entre le Président de la Commission de l'UA et la Division de la jeunesse. Elle a également établi des liens avec d'autres programmes de la Commission de l'UA et des organes de l'UA, tout en améliorant l'accès des jeunes à son bureau. Sans dirigeant au sein de l'UA, toutes les activités de sensibilisation de l'organisme continental impliquant les jeunes sont compromises.

L'interruption de l'occupation du poste a entamé la pertinence du bureau de l'Envoyée pour la jeunesse, malgré son héritage louable

Pour rétablir le bureau, le nouvel envoyé devra, à l’instar de Chebbi, consacrer une partie importante de son mandat à la collecte de fonds et à la dotation en personnel. Trois priorités spécifiques pour le nouveau responsable sont le financement, la diversité et l'accessibilité.

Le financement constituait un défi important pour Mme Chebbi et l'UA ne l'a que partiellement relevé. Alors qu'elle était rémunérée par des honoraires, le nouvel envoyé recevra un salaire et sera probablement basé à Addis-Abeba. La première Envoyée a déménagé au siège de l'UA près d'un an après le début de son mandat, en raison d'un manque de matériel de bureau. Les neuf membres de son Conseil consultatif travaillaient à distance depuis les six régions de l'UA. Il est crucial de rémunérer l'envoyé par un salaire, mais les ressources financières pour les initiatives liées à la jeunesse font toujours défaut.

La diversification de l'équipe travaillant avec l'envoyé est également essentielle en termes d'expertise géographique et thématique. Pour collaborer de manière efficace avec les différents programmes de l'UA, des compétences sont nécessaires dans différents domaines, notamment l'agriculture, les processus de paix, le changement climatique et la sécurité. L'envoyé doit en outre collaborer avec la jeunesse africaine de la diaspora.

En ce qui concerne l'accessibilité, le nouvel envoyé doit être présent et interagir avec les jeunes à travers le continent. En raison d'un budget de voyage limité et des restrictions imposées par la pandémie de COVID-19, Mme Chebbi n'a pu effectuer que deux voyages durant son mandat, en Namibie et au Soudan du Sud. Les interactions en ligne sont bénéfiques mais ne touchent que les jeunes qui ont accès à des connexions Internet et disposent de ressources à cet effet.

Le financement constituait un défi majeur pour Chebbi, et l'UA ne l'a que partiellement relevé

L'UA est chargée de faciliter les échanges entre le nouvel envoyé et la Commission, les communautés économiques régionales et les États membres. Pour le nouvel envoyé, le défi consiste à retrouver l'élan perdu depuis février et à résoudre de graves problèmes au nom de la jeunesse africaine, tels que le chômage, l'extrémisme violent et les perturbations causées par COVID-19.

La tâche la plus difficile du nouvel élu sera peut-être de convaincre la Commission de l'UA et les États membres de doter le bureau de l'Envoyé pour la jeunesse de moyens suffisants pour témoigner de leur soutien à un leadership continental soutenu de la jeunesse.

Muneinazvo Kujeke, chargée de recherche, Opérations de paix et consolidation de la paix, ISS Pretoria

Cet ISS Today est publié dans le cadre du programme de Training for Peace (TfP) financé par le Gouvernement norvégien.

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