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Les pays africains font front commun contre l’occupation israélienne

En raison du calendrier des audiences, cette décision de la CIJ pourrait être plus respectée que d’autres par le passé.

Du 19 au 26 février s’est tenue une séance historique à la Cour internationale de Justice (CIJ) pour entendre les plaidoiries de 51 pays et de trois organisations internationales sur les conséquences juridiques de l’occupation persistante des Territoires palestiniens par Israël (voir encadré).

À l’issue des auditions, les juges doivent examiner tous les arguments (dont 57 exposés écrits) et rendre un avis consultatif. Par le passé, aucune requête devant la CIJ n’avait impliqué autant de pays – bien que l’affaire du mur en Cisjordanie en 2003 s’en soit approchée, avec 45 États et quatre organisations internationales ayant soumis des déclarations écrites.

Le grand nombre de pays intervenant n’a rien de surprenant, étant donné que la demande d’avis est le fruit d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de décembre 2022, adoptée avec 87 voix pour, 26 contre et 53 abstentions. Sur les 40 pays africains présents lors du vote, 26 avaient voté pour, 4 contre et 10 s’étaient abstenus.

Dans sa présentation du 19 février, l’équipe juridique de la Palestine s’est appuyée sur ses observations écrites de juillet 2023 et sur les événements survenus depuis lors à Gaza. Les avocats se sont opposés à la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens par Israël, qu’ils ont qualifiée de colonisation, de violence raciste et d’apartheid.

Pendant que se tenaient les audiences de la CIJ, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a encore échoué à adopter une résolution sur un cessez-le-feu à Gaza, les États-Unis y ayant opposé leur veto. Quatre résolutions ont déjà fait l’objet d’un veto, dont trois par les États-Unis.

La position des États-Unis contre un cessez-le-feu dans la guerre de Gaza pourrait-elle changer avec un avis consultatif de la CIJ en faveur de la Palestine ? La probabilité est moindre.

Le lendemain de l’échec de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, les États-Unis ont présenté leur plaidoirie devant la CIJ, affirmant que la Cour ne devrait pas ordonner le retrait d’Israël des territoires palestiniens occupés sans garanties de sécurité. (Le même argument avait été avancé il y a 20 ans lorsque la CIJ avait jugé que le mur en Cisjordanie était illégal). Les États-Unis ont également fait valoir que l’occupation israélienne ne devait pas être limitée dans le temps et que le Conseil de sécurité des Nations Unies restait le meilleur forum pour prendre des décisions en matière de sécurité.

Les récents commentaires d’Anthony Blinken,  Secrétaire d’État américain, selon lesquels les nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie violent le droit international, suggèrent un léger infléchissement du soutien inconditionnel à Israël.

Israël rejette les procédures de la CIJ, les jugeant illégitimes, injustifiées et néfastes

Israël rejette le processus de la CIJ comme étant illégitime, injustifié et néfaste. Le 19 février, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a réitéré cette position en déclarant que les procédures de la CIJ étaient « une tentative visant à empiéter sur le droit d’Israël à se défendre contre les menaces existentielles » et que le gouvernement et la Knesset (le Parlement) étaient unis pour les rejeter.

La position d’Israël sur la CIJ n’est pas surprenante. Mais comme la grande majorité des exposés des pays soutiennent l’approche de la Palestine concernant l’occupation, Israël peut s’inquiéter de voir sa base de soutien se rétrécir.

À la veille des audiences de la CIJ, les dirigeants du monde entier réunis à la Conférence de Munich sur la sécurité (CSM) n’ont manifesté aucun intérêt pour la poursuite de la guerre au Moyen-Orient. Alors que les discussions à huis clos suivaient de multiples voies diplomatiques le message public était clair : la guerre doit cesser, les otages et les prisonniers de guerre doivent être libérés et seule une solution à deux États est viable.

Mais le président israélien Isaac Herzog et l’ancienne ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni ont affirmé lors de la conférence que l’action militaire d’Israël à Gaza se poursuivrait et qu’une solution à deux États ne pourrait être envisagée qu’une fois le Hamas « éradiqué de Gaza ». Cette position, associée au rejet par Netanyahou du processus de la CIJ, soulève des inquiétudes quant à l’impact éventuel de cet avis consultatif.

Sur 63 pays participant à la procédure, seuls trois ont fermement défendu la légalité de l’occupation

Bien que non contraignants, ces avis jouent un rôle essentiel à l’évolution du droit international. Cependant, leur respect est souvent insatisfaisant. Dans l’affaire du mur en Cisjordanie, Israël a rejeté la décision de la Cour selon laquelle le mur était illégal et devait être démantelé, et aucun État membre des Nations Unies n’a fait respecter cette décision, le mur étant toujours en place aujourd’hui. De même, Israël peut ignorer la décision relative à l’occupation.

Outre la position d'Israël, le point de vue des pays soutenant Israël est également mis en lumière, alors que la guerre contre Gaza entre dans son cinquième mois.

Sur les 63 pays partis à la procédure, seuls trois (Israël, les États-Unis et la Hongrie) ont fermement défendu la légalité de l'occupation. Sans rejeter le rôle de la CIJ, le Canada, le Togo et la Zambie ont exprimé des préoccupations quant à l'impact potentiel de la procédure sur la stabilité régionale et les négociations en cours, et ont prié la Cour de ne pas rendre d’avis.

D’autres, à l’instar des Fidji, ont affirmé que la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies était biaisée, politisée et qu’elle portait atteinte à l’intégrité de la Cour. La France a soutenu le droit d’Israël à se défendre, mais a qualifié l’occupation de colonisation, condamnant toute nouvelle acquisition territoriale par la force et appelant à accorder aux Palestiniens des protections et des droits.

Le soutien international à Israël diminue alors que la position de la Palestine sur l’occupation gagne en adhésion

La plupart des États (40), ainsi que la Ligue des États arabes, l’Union africaine (UA) et l’Organisation de la coopération islamique ont salué l’avis consultatif de la CIJ. Ils ont souligné qu’en installant une partie de sa population civile dans les territoires palestiniens occupés, Israël violait l’article 49, paragraphe 6, de la quatrième Convention de Genève, qui interdit aux puissances occupantes de déporter ou de transférer une partie de leur population civile dans le territoire qu’elles occupent.

La Convention interdit également les « transferts forcés individuels ou massifs, ainsi que les déportations de personnes protégées hors des territoires occupés ». Cette disposition réaffirme l’avis consultatif de la CIJ sur le mur en Cisjordanie.

Quinze pays africains et l’Union africaine ont contribué à l’affaire en cours devant la CIJ. Leur position commune met l’accent sur le droit international humanitaire et affirme que l’occupation viole la Convention de l’apartheid. Seuls le Togo et la Zambie ont exprimé des réserves quant à la compétence de la CIJ pour traiter la question, tout en condamnant la violence dans le conflit israélo-palestinien..

Pays intervenant dans l’affaire de l’occupation israélienne en Palestine devant la CIJ

Pays intervenant dans l’affaire de l’occupation israélienne en Palestine devant la CIJ

Source : Auteure
(Cliquez sur l’image pour voir l'infographie en taille réelle)

L’avis consultatif sera probablement rendu bien avant que ne soit tranchée l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël devant la CIJ pour génocide à Gaza. Israël avait jusqu’au 26 février pour rendre compte de sa mise en œuvre des mesures provisoires de la Cour visant à prévenir le génocide à Gaza. Les médias israéliens ont rapporté que le gouvernement avait respecté le délai, mais les détails n’étaient pas disponibles au moment de la rédaction de ce rapport.

La réponse d’Israël comprendra probablement des mesures humanitaires et des efforts pour lutter contre l’incitation. Cependant, Israël a déjà été critiqué pour n’avoir pas fourni les services essentiels et pour entrave à l’aide humanitaire. De plus, ses actions depuis la décision de la CIJ le 26 janvier, y compris les déclarations de Netanyahou, suggèrent une intensification du. Israël maintient que ces actions ne relèvent pas du génocide.

L’avis consultatif de la CIJ sur l’occupation israélienne de la Palestine est attendu d’ici juillet 2024. Même s’il est largement de portée symbolique, le message des nombreux pays qui se sont opposés à l’occupation est clair : ceux qui auparavant étaient de simples spectateurs font désormais activement entendre leur point de vue, ce qui témoigne d’un large soutien aux procédures judiciaires en tant que partie intégrante de l’état de droit.

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