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Les intimidations de Trump semblent se retourner contre lui

L’Inde tient tête au président américain Donald Trump : les pays africains lui emboîteront-ils le pas ?

Les tentatives de Donald Trump d’imposer au monde des droits de douane exorbitants sont-elles en train de se retourner contre lui ?

La question s’est posée après la rencontre chaleureuse entre le Premier ministre indien Narendra Modi, le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai organisé à Tianjin, en Chine.

Lors du sommet qui s’était tenu il y a trois ans, Xi et Modi avaient implicitement désapprouvé Poutine pour l’invasion de l’Ukraine tandis que les autres dirigeants semblaient l’ignorer. À Tianjin, Poutine qui a ouvertement blâmé l’Occident pour la guerre en Ukraine, a tenu la main de Modi, alors que les trois dirigeants affichaient un sourire radieux.

Le New York Times a estimé que « le président Trump a joué le trouble-fête en sortant Poutine de son isolement en l’accueillant aux États-Unis pour la première fois en dix ans (lors d’un sommet en Alaska). Par ailleurs, les différends entre Trump et les dirigeants du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud, ont poussé ces derniers à se rapprocher de Poutine ».

Trump a imposé des droits de douane de 50 % aux importations indiennes afin que Modi cesse d’acheter du pétrole russe et, d’après lui, parce que Modi ne lui avait pas attribué le mérite de l’arrêt de la guerre contre le Pakistan en mai.

La rencontre entre Modi et Poutine montre à Trump que l’Inde ne se laissera pas intimider

Modi est resté sur ses gardes. Selon Reuters, il augmentera ses achats de pétrole russe. La rencontre amicale entre Modi et Poutine à Tianjin était une façon de dire à Trump que l’Inde ne se laisserait pas intimider.

Pour le New York Times, les manœuvres d’intimidation de Trump poussent l’Afrique du Sud à se rapprocher de Poutine. Les tensions entre les deux pays ont contraint Trump à réduire l’aide américaine et à imposer des tarifs douaniers de 30 % à l’Afrique du Sud en guise de sanction pour ses politiques nationales. Trump et le Parti républicain au Congrès désapprouvent aussi la proximité de l’Afrique du Sud avec la Chine, la Russie et l’Iran, et surtout son hostilité envers Israël.

Cyril Ramaphosa s’est efforcé de maintenir les relations avec les États-Unis, même si elles semblent s’essouffler. Le mois dernier, le chef des forces de défense sud-africaines, en visite à Téhéran, a exprimé sa solidarité politique avec l’Iran. L’armée sud-africaine a annoncé la réalisation d’un exercice conjoint avec la Russie et la Chine en novembre, lorsque Ramaphosa accueillera le sommet du G20. L’exercice, qui était prévu jeudi, aurait été reporté sur instruction de Ramaphosa.

Toutefois, ce dernier peine à convaincre les partisans de la ligne dure du Congrès national africain. Le moment est peut-être venu pour l’Afrique du Sud de rechercher de nouveaux partenaires étant donné que le représentant américain au commerce n’a pas répondu à son offre commerciale depuis plusieurs semaines. L’administration de Joe Biden craignait une telle issue tout comme les gouvernements occidentaux, contrairement à Trump.

Entre-temps, Xi s’engouffre dans la brèche créée par Trump. Au mois de juin, il a supprimé les droits de douane pour les 53 pays africains qui reconnaissaient la Chine (tous à l’exception de l’Eswatini).

Wu Peng, ambassadeur de Chine en Afrique du Sud, présente cette concession comme une réponse à « l’unilatéralisme, au protectionnisme et à l’intimidation économique [...] surtout à la hausse arbitraire des tarifs douaniers américains » qu’il considère comme un coup dur pour l’Afrique.

Les exportations chinoises en Afrique devraient excéder 200 milliards de dollars US

Certes, les exportateurs africains sont toujours confrontés à des barrières non tarifaires telles que les réglementations phytosanitaires, mais la suppression des droits par Pékin est une aubaine pour les pays à revenu intermédiaire comme l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya. Les pays les moins avancés bénéficiaient déjà d’un accès en franchise de droits.

Grâce à cette manœuvre géopolitique de Xi, la Chine détourne ses exportations des États-Unis — où elles sont désormais soumises à des droits considérables — vers l’Afrique. À ce jour, les exportations chinoises en Afrique dépassent celles de 2020, et leur valeur devrait excéder 200 milliards de dollars US pour la première fois. Le résultat net des tarifs douaniers de Trump est donc probablement une augmentation de l’excédent commercial déjà important de la Chine avec l’Afrique.

En juillet, Linda Calabrese, du groupe de réflexion ODI Global, basé à Londres, a affirmé que le geste de Xi « renforçait l’image de partenaire fiable et équitable de la Chine envers le [Sud] », par opposition au protectionnisme occidental notamment américain.

La Russie n’a pas les moyens économiques d’égaler la générosité de Pékin. En juin, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a déclaré que la présence russe en Afrique était « croissante » en termes d’investissements mais aussi de défense et sécurité.

La Russie intensifie sa propagande en Afrique, avec l’implantation des bureaux de Sputnik et de RT, ainsi que d’organisations de façade, et grâce à des influenceurs rémunérés. Cameron Hudson, du Center for Strategic and International Studies, a déploré que la Russie renforce sa propagande au moment où Trump ferme Voice of America.

La Russie comble les vides de pouvoir laissés par les États-Unis et les puissances occidentales au Sahel et ailleurs, en particulier sur le plan militaire. Cependant, cette ambition n’est pas sans poser de problèmes, notamment sur le plan militaire.

La Russie intensifie sa guerre de propagande en Afrique, alors que Trump ferme Voice of America

Selon The Sentry, la société militaire russe Wagner, fer de lance de Moscou dans certaines régions d’Afrique, a échoué dans la lutte contre les djihadistes et les séparatistes au Mali. The Sentry déconseille aux voisins du Mali, le Niger et le Burkina Faso, par ailleurs amis de la Russie, d’ouvrir leurs portes à Wagner ou à son successeur, Africa Corps.

Néanmoins, la Russie jouit d’une grande popularité au Sahel et en Afrique. La désaffection de l’Occident, entamée voilà quelques années, aurait été accélérée par la réduction de l’aide et l’augmentation des tarifs douaniers.

Il est difficile de connaitre les opinions des Africains sur les États-Unis, la Russie et la Chine. Des enquêtes du Pew Research Center révèlent qu’en Afrique du Sud et au Kenya, les États-Unis sont perçus comme une menace plus importante que la Chine.

Ce changement d’attitude pourrait amener davantage de pays africains à rejoindre l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et l’Égypte au sein des BRICS que Trump voit comme une menace. Il envisage d’imposer des tarifs douaniers supplémentaires de 10 % à ses membres, voire plus s’ils compromettent la suprématie du dollar.

Ces mises en garde sont susceptibles de stimuler ou de dissuader les demandes d’adhésion aux BRICS.

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