Les IDE pourraient-ils sauver le Rwanda alors que les bailleurs de fonds se désengagent ?

Le Rwanda a réussi à capter l’aide des bailleurs, mais sa croissance économique dépend de sa capacité à attirer les investissements directs étrangers.

Après le génocide de 1994, le Rwanda a bénéficié d'un soutien important des bailleurs de fonds internationaux pour reconstruire son économie. Grâce à cet appui de plus d'un milliard de dollars US par an, il est le pays d'Afrique de l'Est où l'aide par habitant est la plus élevée (environ 85 dollars US par an), devant des pays comme l'Ouganda (43 dollars US) et le Kenya (60 dollars US). Plus de 40 % de son budget national est financé par l'aide étrangère.

Toutefois, l'aide à l'Afrique baisse et pourrait donc ne plus suffire à garantir la fiabilité des apports extérieurs. Selon une nouvelle étude sur les perspectives de développement du Rwanda réalisée par le programme Futurs africains et Innovation de l'Institut d’études de sécurité, les volumes d'aide au pays devraient diminuer de manière significative suivant la trajectoire actuelle. Ils devraient atteindre 7 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici 2043, contre 14,8 % en 2019.

De ce fait, le Rwanda se voit contraint de chercher une autre source de financements extérieurs, en particulier les investissements directs étrangers (IDE). De tout temps, les IDE dans le pays sont faibles par rapport à ceux des autres pays d'Afrique en termes de revenus. Entre 1990 et 2019, les flux d'IDE ont oscillé entre 0,1 % et 4 % du PIB. Le montant total des IDE reçu par le Rwanda en 2019 était équivalent à 2,5 % du PIB, en dessous de la moyenne de 3,8 % pour les pays africains à faible revenu.

À l'instar de nombreux autres pays africains, la majeure partie des IDE au Rwanda est concentrée dans un petit nombre de secteurs. Le secteur de l'énergie représente 45 % du total des investissements enregistrés, et le secteur industriel 30 %. Les 25 % restants concernent l'agriculture, la construction, les services, les technologies de l'information et de la communication et l'exploitation minière.

Les IDE au Rwanda restent faibles comparés à ceux de ses voisins africains en termes de revenus

Conscient de cette lacune et du potentiel d'amélioration des flux d'IDE, le gouvernement a pris des mesures pour promouvoir un bon climat d'investissement. Au cours de la dernière décennie, le Rwanda a progressé de 100 places dans l'indice Doing Business de la Banque mondiale. Il se situe actuellement au deuxième rang des pays africains les plus propices aux affaires et au 38e au niveau mondial. Ces résultats sont le fruit de réformes efficaces dans le domaine des affaires, qui ont créé un environnement favorable, compétitif et dynamique.

La mise en place du Rwanda Development Board, d'un guichet unique de promotion des investissements et d'un nouveau code d'investissement y a également contribué. Créer une entreprise ne prend que quelques heures et se faire accorder un certificat d'investissement deux jours. Les permis et les documents sont faciles à obtenir auprès du Rwanda Development Board. Les garanties de prêt octroyées par le gouvernement et la libéralisation de certains secteurs économiques encouragent également l'investissement.

Une loi sur la promotion des investissements encourage également les investisseurs dans les activités orientées vers l'exportation et la fabrication industrielle. Elle prévoit notamment un taux d'imposition préférentiel sur les revenus, une exonération de l'impôt sur les sociétés pouvant aller jusqu'à sept ans et une exonération de la taxe douanière pour les produits utilisés dans les zones franches d'exportation.

En outre, il existe des exonérations d'impôt sur les plus-values, des remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée, un amortissement accéléré à un taux de 50 % la première année pour les actifs neufs et usagés, ainsi que des incitations à l'immigration. En conséquence, la valeur des investissements enregistrés a augmenté de 515 %, passant de 400 millions de dollars US en 2010 à 2,006 milliards de dollars US en 2019.

En dépit des nombreuses mesures d'incitation, les entrées d'IDE devraient peu augmenter d'ici à 2043

En dépit de tous ces efforts, les entrées d'IDE ne devraient croître que de façon marginale. Sur la base de la trajectoire actuelle du pays, elles représenteraient 2,9 % du PIB d'ici 2043, ce qui est nettement inférieur à la moyenne de 5,2 % pour les pays africains à faible revenu.

De nombreux obstacles entravent l'investissement privé. Tout d'abord, en raison de son enclavement, le Rwanda doit faire face à des coûts de transport plus élevés que ses voisins plus proches de la côte. Il est également confronté à une pénurie de travailleurs qualifiés, tels que les comptables, les avocats et les techniciens.

Le coût élevé de l'énergie, notamment de l'électricité, est également dissuasif. Le tarif moyen de l'électricité, qui s'élève à 0,20 dollars US par kilowattheure hors taxes, figure parmi les dix plus élevés d'Afrique subsaharienne. L'application inégale des incitations fiscales et des droits d'importation est également un sujet de préoccupation. Les entreprises étrangères s'attendent à recevoir des remboursements de TVA dans les 15 jours suivant la réception des documents requis, mais elles affirment que le processus peut prendre des années et comporter de longs audits de la part de l'autorité fiscale rwandaise.

Par ailleurs, la taille réduite du marché rwandais, conjuguée à un faible pouvoir d'achat, décourage également les investissements potentiels. Même si le Rwanda bénéficie d’institutions gouvernementales solides et d’une sécurité forte, son bilan sur le plan de la démocratie et des droits de l'homme continue de susciter des inquiétudes. L'absence de partis politiques d'opposition de poids et de voix critiques de la société civile, la limitation de la liberté des médias et la centralisation du pouvoir politique sont autant de problèmes qui pourraient dissuader les investisseurs potentiels.

Le tarif de l'électricité au Rwanda figure parmi les 10 plus élevés de l'Afrique subsaharienne

Le rapport de Futurs africains et Innovation montre qu'une augmentation des IDE combinée à une hausse de l'aide et des envois de fonds — modélisée comme un scénario de flux financiers externes — améliore considérablement la croissance économique et la réduction de la pauvreté au Rwanda.

Dans ce scénario, le PIB par habitant du Rwanda passe de 2 219 à 7 099 dollars US d'ici 2050, soit une amélioration de 408 USD (ou 6,1 %) par rapport à la trajectoire actuelle du pays. En 2019, 6,4 millions de Rwandais (la moitié de la population) vivaient en dessous du seuil d'extrême pauvreté de 1,90 dollars US par jour. Dans le scénario des flux financiers externes, seuls 1,4 million de Rwandais (6,6 % de la population) devraient vivre dans l'extrême pauvreté d'ici 2050.

Au vu du potentiel des IDE pour stimuler la croissance et le développement du Rwanda, le gouvernement se doit de remédier aux problèmes qui entravent leur entrée. S'appuyer sur le potentiel d'énergie renouvelable du pays permettrait de produire de l'électricité moins chère et rendrait l'environnement commercial plus attractif. De même, l'application égale de la loi à toutes les entreprises, y compris les entreprises étrangères, peut attirer davantage d'investissements.

À long terme, le Rwanda devrait privilégier la mise en place d'une éducation de qualité afin de produire les compétences nécessaires. Cette démarche pourrait être renforcée par des programmes immédiats d'acquisition et de développement des compétences afin de former davantage de main-d'œuvre.

Enoch Randy Aikins, chercheur, et Alize Le Roux, chercheuse principale, Futurs africains et Innovation, ISS Pretoria

Image : © Mazimpaka-JeanPierre / Visit Rwanda

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