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Les envois de fonds des migrants pour financer l’adaptation climatique en Afrique

Le rôle des envois de fonds des migrants dans l’adaptation et la résistance des pays africains au changement climatique est encore mal compris.

La Conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique de 2024 (COP29) qui se déroule à Bakou, en Azerbaïdjan, est la « COP de la finance ». Jusqu’à la clôture, le 22 novembre, l’attention se portera sur les annonces liées au nouvel objectif de financement pour l’action climatique.

De nouveaux montants seront fixés pour soutenir les pays en développement dans leurs efforts climatiques. Cet objectif remplace l’engagement de 100 milliards de dollars US annuels de 2009, finalement atteint en 2022 au lieu de 2020.

L’augmentation du financement public est indispensable, mais sera sans doute insuffisante. Sans fonds publics adéquats et prévisibles, les sources privées doivent être optimisées.

Les transferts des migrants, souvent négligés dans les stratégies de résilience climatique, représentent un levier puissant et direct de la migration sur le développement. Qu’il s’agisse d’argent, de biens ou d’autres envois, ils contribuent de manière régulière et équitable au soutien des communautés d’origine, renforçant leur résilience aux effets climatiques.

Les besoins d’adaptation en Afrique sont sous-estimés jusqu’à 100 %

En 2022, les envois de fonds vers l’Afrique ont atteint environ 100 milliards de dollars US, soit près de 6 % du PIB du continent, surpassant largement l’aide publique au développement (APD) (3,5 milliards de dollars) et les investissements directs étrangers (IDE) (52 milliards de dollars). Les transferts intra-africains s’élèvent eux à 19,4 milliards de dollars.

 

On estime à 40,4 millions le nombre de migrants africains dans le monde. Environ 200 millions de leurs proches dépendent de leurs envois. Bien que les transferts internes soient plus difficiles à tracer, ils constituent également un flux financier considérable.

Les envois de fonds, qu’ils soient financiers (en argent liquide) ou non (en nourriture, biens, connaissances, compétences et technologies), soutiennent également le développement et l’adaptation au climat. Ils aident les ménages et les communautés non seulement à percevoir des revenus plus stables, mais aussi à mieux planifier leur avenir et à prendre des décisions de migration plus éclairées. Ils permettent également aux individus d’atteindre leur destination ou à y rester et à s’adapter.

De la même façon, les migrants de retour investissent dans leurs communautés d’origine, en transférant des fonds et en apportant des compétences, des technologies et des approches entrepreneuriales innovantes, indispensables à l’adaptation au climat.

Contrairement aux IDE et aux APD, les envois de fonds sont anticycliques et résistent aux variations économiques mondiales.

Les flux d’IDE déclinent depuis 2012, sauf en 2022 où des investissements retardés par la pandémie ont été réalisés et qu’une multinationale a effectué un important transfert d’argent vers son bureau sud-africain. Cette transaction a représenté 45 % de l’IDE total de l’Afrique cette année-là. Selon la Banque mondiale, une reprise forte des IDE reste improbable.

Environ 75 % des transferts des migrants sont affectés aux besoins essentiels comme l’alimentation, le logement, la santé et l’éducation, et le reste à l’épargne ou à l’investissement. Ces fonds, contrairement aux financements publics, sont placés dans des projets de logement, de transport, d’agriculture et d’énergies renouvelables.

Malgré les besoins urgents d’adaptation au climat en Afrique et les engagements internationaux en faveur d’un soutien accru, les financements restent insuffisants et progressent lentement. Sur la totalité des fonds reçus par l’Afrique, 64 % sont alloués à l’atténuation (réduction des émissions), délaissant les financements pour l’adaptation, essentiels pour renforcer la résilience aux impacts climatiques.

 

Selon les contributions déterminées au niveau national, les besoins d’adaptation climatique de l’Afrique seraient sous-estimés jusqu’à 100 %, et le continent aurait besoin de 53 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025. La majorité des financements d’adaptation provient des institutions multilatérales de développement, dont les fonds climatiques et les banques multilatérales de développement (63 %), suivies par les gouvernements africains (19 %).

Les États consacrent une part croissante de leurs budgets à l’adaptation, en particulier sous forme de subventions contrairement aux institutions multilatérales. Le secteur privé n’a représenté que 3 % des financements entre 2019 et 2021, en grande partie grâce aux fonds philanthropiques.

L’architecture financière mondiale n’est pas facilement accessible aux communautés à faibles revenus, surtout dans les pays fragiles. La plupart des fonds sont concentrés dans quelques pays : 54 % des financements d’adaptation bénéficient à 10 pays. Les dix derniers bénéficiaires en reçoivent à peine 1 %.

Les pays les plus vulnérables, comme le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo, la Somalie et le Soudan, n’ont accès qu’à des fonds d’urgence.

Les envois de fonds sont essentiels pour l’adaptation climatique et bénéficient aux groupes marginalisés

Les envois de fonds, qui offrent un soutien direct et durable aux ménages vulnérables, pourraient combler ces lacunes. Gérés au niveau local et rapidement transférés, ils ne nécessitent aucun remboursement et atteignent directement des groupes marginalisés, notamment les femmes.

Ces caractéristiques sont particulièrement importantes si l’on considère que l’essentiel du financement de la lutte contre le changement climatique est constitué de prêts non subventionnés qui alourdissent davantage les charges fiscales.

Les envois de fonds, qui augmentent durant les crises comme les inondations et les sécheresses, sont un soutien direct de la diaspora aux communautés d’origine. Il est prouvé qu’anticiper est beaucoup moins coûteux financièrement et sur le plan de la souffrance humaine. Ces transferts peuvent devenir un outil de résilience en intégrant les diasporas dans des stratégies proactives qui réduisent la vulnérabilité et permettent aux populations d’être mieux préparées.

Toutefois, les coûts élevés des transferts limitent leur impact : les frais d’envoi vers l’Afrique atteignent 9 %, le taux le plus élevé au monde, tandis que les transferts intra-africains coûtent en moyenne 11 %.

Le lien entre ces envois privés et les actions et réponses climatiques des ménages est méconnu. Par conséquent, les soutiens institutionnels pour optimiser ces flux au service de la résilience climatique restent faibles.

Outre la nécessité d’accroître les financements publics et d’améliorer leur accessibilité et leur transparence, des efforts doivent viser à générer des données, des politiques et des pratiques qui intègrent les transferts de fonds de manière structurelle.

Les décideurs politiques, les praticiens du développement et du climat, les banques et les chercheurs devraient ainsi s’employer à comprendre et à faciliter ces flux. Ils pourraient maximiser leur potentiel pour l’adaptation climatique en les associant à des subventions de contrepartie, des financements mixtes, des coopératives, des stokvels et des obligations de la diaspora.

Ces initiatives ne doivent cependant pas être interprétées comme un transfert de responsabilité. Les pays riches, principaux auteurs des émissions, ont le devoir de financer les efforts d’adaptation sans en faire reposer la charge sur les travailleurs migrants.

Lire la note d’analyse « Les transferts de fonds des migrants : une bouée de sauvetage pour les Africains face au changement climatique » par Aimée-Noël Mbiyozo, ici.

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