Le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat pénalisera l'Afrique
Les ministres des Finances du G20 doivent élaborer un programme climatique mondial visant à atténuer les conséquences du retrait.
Publié le 26 février 2025 dans
ISS Today
Par
Dhesigen Naidoo
chercheur principale associé, Risque climatique, ISS Pretoria
Dès son premier jour au pouvoir, le président des États-Unis, Donald Trump, a signé un décret exécutif visant à retirer son pays de l'Accord de Paris de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Ce dernier rebondissement en matière de changement climatique pourrait être le plus préjudiciable.
L'accord de Paris avait d'abord suscité la réticence des États-Unis, ensuite son enthousiasme. Sous George HW Bush, un programme environnemental solide a été soutenu lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992, suivi d'un rejet unanime par le Sénat de la ratification du protocole de Kyoto sous l'ère de Bill Clinton. Le premier retrait de l'Accord de Paris a eu lieu pendant le premier mandat de Trump, suivi d'un retour enthousiaste sous Joe Biden.
Le second retrait prendra effet dans un an et se poursuivra pendant au moins trois années, en fonction du résultat de l'élection présidentielle américaine de 2028. Contrairement au retrait précédent, qui n'a duré que 107 jours avant que Joe Biden ne réintègre l'accord en 2021, les États-Unis disposent désormais de suffisamment de temps pour entraver les efforts mondiaux relatifs à l’action climatique. Ces effets se feront sentir à plusieurs niveaux et dans quatre domaines principaux.
Le premier est le soutien financier direct. Dans ses tentatives répétées d’affaiblir le système des Nations unies, les États-Unis ne fourniront pas l’aide nécessaire aux autres pays et aux acteurs non étatiques pour la mise en œuvre complète de l'Accord de Paris.
Les États-Unis disposent du temps pour entraver les efforts mondiaux relatifs à l’action climatique
La promesse de 300 milliards de dollars faite par les pays développés lors de la COP29 à Bakou pourrait ne pas être tenue. Les États-Unis risquent de ne plus s’impliquer dans la reconstitution des fonds mondiaux tels que le Fonds vert pour le climat, à hauteur de 4 milliards de dollars, et le nouveau Fonds pour les pertes et dommages.
Le manque de considération des États-Unis à l’égard du changement climatique, combiné à l'insistance de Trump pour que les pays de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord augmentent leurs dépenses de défense dans un contexte d'insécurité mondiale accrue, pourrait entraîner une réduction du financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.
Cela a de graves conséquences sur les ambitions en matière d'atténuation et d'adaptation et, notamment, sur les besoins des pays africains. Les partenariats pour une transition énergétique juste (JETP), qui facilitent le passage à une croissance à faible intensité de carbone en Afrique, en sont un exemple.
L'Afrique du Sud et le Sénégal, disposent de JETP opérationnels, et des projets pilotes sont en cours pour l'Égypte, la Côte d'Ivoire et le Maroc. Les perspectives de ces transitions énergétiques sont graves à court terme, car les États-Unis ont été, jusqu'à présent, un partenaire principal.
L’arrêt des efforts de la Banque mondiale en matière de climat pourrait avoir un effet d'entraînement
Le deuxième impact du retrait américain est le vide qu'il laissera dans les institutions mondiales. Après la nomination du climatosceptique David Malpass au poste de président de la Banque mondiale lors du premier mandat de Trump, Joe Biden a, quant à lui, instauré une action en faveur du climat en nommant Ajay Banga à la tête de l'institution. De nombreux changements politiques progressistes ont suivi, notamment des prêts et des subventions pour la fermeture et la réaffectation de centrales électriques au charbon en Afrique du Sud.
Le rapport Detox Development de la Banque mondiale est également très novateur. Il propose de réorienter les subventions des combustibles fossiles aux sources d'énergie à faible teneur en carbone, en maintenant les subventions sous la bannière de la sécurité énergétique, mais avec un caractère renouvelable et nucléaire. Il pourrait également y avoir des financements pour les dommages causés par les catastrophes climatiques et des investissements dans l'adaptation au climat pour aider les communautés vulnérables à y remédier.
Le mantra « drill, baby, drill » de Trump et ses mesures de soutien mettent en péril cette proposition de la Banque mondiale. Les récentes COP et le Sommet sur le financement du climat de 2023 ont révélé que les banques de développement nationales devraient mener l'effort mondial de financement du climat.
Si les efforts de la Banque mondiale en matière de climat sont interrompus, cela engendrera un effet d'entraînement chez ses partenaires. Il faut espérer que la Banque européenne d'investissement, la Banque asiatique de développement et la Nouvelle banque de développement (banque des BRICS) se montreront suffisamment réticentes. Dans ce cas, la Banque africaine de développement et la Banque de développement de l'Afrique australe pourraient poursuivre leurs aspirations climatiques.
Les pays clés doivent déployer un programme climatique mondial lors des sommets des BRICS et du G20
Les banques commerciales sont également vulnérables aux changements de politique en faveur des investissements dans les combustibles fossiles. Si le marché s’ouvre aux investissements dans la chaîne des combustibles fossiles, aux États-Unis puis au-delà, les investisseurs et les actionnaires des banques commerciales pourraient être séduits par la rentabilité accrue par rapport aux investissements dans les énergies renouvelables.
Le troisième impact concerne le rôle du pays en tant que négociateur dans les réunions de la COP alors que son retrait est en suspens. Les États-Unis qui remettent en question la crédibilité de l'ONU et sa position sur le climat, pourraient retarder les efforts déjà léthargiques visant à obtenir davantage d'engagements pour l'atténuation, le financement de l'adaptation et une compensation raisonnable pour les pertes et les dommages.
Les pays pauvres, dont les contributions au budget carbone mondial sont négligeables, seront les plus touchés, avec une réduction des niveaux d'aide financière et d’assistance technique ainsi que du renforcement des capacités. L'Afrique, région vulnérable avec la plus forte concentration de pays les moins avancés au monde, en subira immédiatement les conséquences.
Quatrièmement, la position de Trump sur la question du climat a recueilli un soutien inquiétant d'autres pays. Le président argentin Javier Milei, un allié autoproclamé de Trump, a déclaré qu'il envisagerait un retrait de l'accord de Paris. D'autres pourraient suivre, ce qui affaiblirait la plateforme multilatérale sur le climat.
La meilleure chance de remettre le train sur les rails est la COP30 qui se tiendra à Belém, au Brésil, en novembre. Il est encore possible d’espérer un accord plus solide sur l'action climatique.
Pour y parvenir, les pays clés doivent déployer un programme climatique mondial lors de forums plurilatéraux en 2025 : le sommet des BRICS sous la présidence brésilienne en juillet et le sommet du G20 sous la présidence de l'Afrique du Sud en novembre. La réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20, qui se tiendra cette semaine en Afrique du Sud, sera également importante.
La solution alternative est une action climatique réduite et un glissement plus rapide vers une catastrophe climatique mondiale qui auront pour premières victimes l'Afrique et les pays en développement.
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