Le retour du Burundi dans la sphère internationale
Le pays est en train de redorer son image à l’internationale, mais ses réformes internes sont-elles à la hauteur ?
Depuis son investiture en 2020, le président Évariste Ndayishimiye a engagé une série de réformes de politique étrangère et de politique intérieure dans le but de sauver la réputation du Burundi sur la scène internationale et de relancer des partenariats économiques. Ses efforts semblent porter leurs fruits, puisque l’Union européenne (UE) a annoncé le 8 février qu’elle allait lever les sanctions imposées au Burundi en 2016.
Toutefois, les organisations de la société civile, notamment Human Rights Watch, ont exprimé leur déception devant cette mesure. Elles craignent que la levée des embargos sans condition préalable ne dissuade le gouvernement d’améliorer significativement les droits de l’homme et d’ouvrir davantage l’espace politique.
Le rapport de la Commission d’enquête des Nations unies (ONU) sur le Burundi publié en septembre 2021 décrit la situation des droits de l’homme dans le pays comme étant désastreuse et confirme ainsi les craintes des organisations de la société civile. Le rapport parle d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées par le Service national de renseignement, d’attaques violentes contre des civils par la milice de jeunes des Imbonerakure, affiliée au gouvernement, et d’actes d’intimidation de journalistes.
Le rapport des Nations unies et l’inquiétude de la société civile soulèvent des questions quant aux réformes du nouveau gouvernement : tiennent-elles la route ? Dans quelle mesure les changements politiques du Burundi sont-ils motivés par la nécessité de restaurer sa réputation à l’internationale et de voir les sanctions levées ?
Les changements de politique du Burundi sont-ils motivés par la nécessité de lever les sanctions ?
La communauté internationale a sanctionné le Burundi après que la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat présidentiel en 2015 a déclenché une violente crise politique. Celle-ci a dégénéré en manifestations, puis a entraîné un coup d’État manqué et des attaques armées contre des garnisons militaires qui ont fait plus de 300 000 déplacés en 2018. Le gouvernement burundais a répondu en réprimant brutalement les manifestants et en prenant des lois restrictives à l’encontre des médias et des organisations de la société civile.
Alors que la crise s’aggravait, observateurs internationaux et organisations de la société civile ont signalé de nombreux cas d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées, de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Ces violations des droits de l’homme et le cloisonnement de l’espace politique ont attiré une série de sanctions internationales contre le pays.
Dans sa déclaration de février, l’UE a indiqué que la levée des embargos était motivée par l’amélioration de la stabilité politique et du respect des droits de l’homme au Burundi depuis 2020. L’UE pourra dorénavant reprendre la coopération au développement et rétablir son aide financière. L’instance européenne lève également les restrictions de voyage imposées à quatre hauts fonctionnaires, dont le Premier ministre Alain-Guillaume Bunyoni et le commissaire principal de police Godefroid Bizimana.
La levée des sanctions apporte un soulagement bienvenu à l’économie burundaise, qui est en récession depuis 2015. Le PIB par habitant s’est contracté de 16 % ces cinq dernières années, en partie à cause des sanctions économiques, de la baisse de l’aide et des répercussions mondiales de la pandémie de COVID-19. Son déficit commercial s’est accru, le pays devenant fortement dépendant des importations qui ont vidé les caisses de l’État.
La politique étrangère du Burundi s’écarte considérablement de l’approche isolationniste de Nkurunziza
Les problèmes économiques du Burundi ont incité Ndayishimiye et le ministre des Affaires étrangères Albert Shingiro à mener une offensive de charme soutenue à l’internationale pour faire pression en faveur de la levée des sanctions. La politique étrangère du pays s’écarte sensiblement de l’approche isolationniste adoptée par Nkurunziza pendant la crise politique.
Outre son engagement politique auprès de l’UE et des États-Unis pour alléger les sanctions, le Burundi s’est rapproché des institutions multilatérales. En 2020, il a pris le contrepied de la stratégie passive adoptée durant l’ère Nkurunziza contre la COVID-19, et a commencé à coopérer avec l’Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale. Le pays a également rejoint le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs afin de montrer à la communauté internationale son engagement dans la voie de la bonne gouvernance.
Les récentes démarches de Ndayishimiye montrent également son intention de reconstruire des partenariats régionaux avec ses homologues de la Communauté d’Afrique de l’Est. En 2021, le président s’est rendu en visite au Kenya, en République démocratique du Congo, en Tanzanie et en Ouganda. Le Premier ministre rwandais a été accueilli à l’occasion de la célébration de la 59e fête de l’Indépendance du Burundi – un geste impensable lorsque Nkurunziza avait accusé Kigali de soutenir les dissidents burundais.
Une série de changements de politique intérieure a permis de soutenir les efforts du Burundi pour obtenir la levée des sanctions. Ndayishimiye a abrogé certaines mesures répressives qui avaient été prises par Nkurunziza pendant la crise politique de 2015. Il a notamment levé les restrictions imposées aux médias et à la société civile et a gracié plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l’homme.
Le gouvernement ne s’est pas engagé envers la société civile ni les figures de l’opposition exilées sous Nkurunziza
Jusqu’à présent, la campagne internationale du Burundi s’est révélée positive. La levée des sanctions de l’UE intervient après que le président américain Joe Biden a révoqué le décret présidentiel n° 13712 en novembre 2021, levant ainsi véritablement les sanctions américaines contre le Burundi. Par cette décision, les États-Unis supprimeront les interdictions de voyager et lèveront le blocage des avoirs de onze responsables de haut niveau.
Les États-Unis vont également rétablir le soutien financier et technique aux forces de sécurité burundaises déployées dans le cadre des opérations de paix de la Mission de l’Union africaine en Somalie. La décision des États-Unis et de l’UE de rétablir un soutien budgétaire direct au gouvernement permet au Burundi de renflouer ses réserves en devises dont il a grand besoin.
Si la communauté internationale a largement salué les réformes effectuées par le Burundi, ces changements pourraient se révéler en grande partie symboliques. Ainsi, il est peu probable que Ndayishimiye revienne sur la décision de Nkurunziza de se retirer de la Cour pénale internationale. La Cour a mis en cause plusieurs membres très en vue du parti au pouvoir dans des affaires de violations des droits de l’homme. En outre, le gouvernement n’a fait aucun effort réel pour s’engager auprès de la société civile burundaise et des figures de l’opposition qui se sont exilées en grand nombre pendant le troisième mandat de Nkurunziza.
Il reste à voir si les réformes de Ndayishimiye en interne se traduiront par des changements substantiels sans la pression des sanctions internationales.
Chido Mutangadura, consultante, ISS Pretoria
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