Le projet d’allègement de la dette zambienne échoue

L’échec des négociations prolongées jette le doute sur le Cadre commun du G20 pour le traitement de la dette.

L’implosion des accords d’allègement de la dette de la Zambie auprès de ses nombreux créanciers a plongé la fragile reprise économique du pays dans l’incertitude. Elle soulève également de sérieux doutes quant au Cadre commun du G20 pour le traitement de la dette, dont la Zambie est le premier cas d’essai.

L’année dernière, le gouvernement zambien a conclu un accord provisoire pour restructurer une dette de 6,3 milliards de dollars auprès de créanciers officiels, dont la Chine, la France et l’Inde. En conséquence, le Fonds monétaire international (FMI) a accepté de prêter 1,3 milliard de dollars à la Zambie, estimant que l’annulation d’une partie substantielle de sa dette extérieure de 13,25 milliards de dollars avait permis au pays de sortir du piège de la dette et de rendre ses remboursements viables.

La Zambie a ensuite conclu un accord de restructuration distinct avec des détenteurs d’obligations privés pour une dette supplémentaire de 3 milliards de dollars en octobre. Bien que cela ait semblé initialement encourageant et ait été approuvé par le FMI, les créanciers officiels ont ensuite protesté en novembre, arguant que les détenteurs d’obligations avaient obtenu un meilleur accord, soit 18 centimes de plus par dollar.

Le gouvernement zambien s’est donc retiré de l’accord avec les détenteurs d’obligations, et les deux accords semblent désormais avoir échoué.

Cet échec est un coup dur pour le président zambien Hakainde Hichilema, qui a hérité d’une dette colossale – dépassant les 25 milliards de dollars américains si l’on inclut les prêts nationaux – de son prédécesseur dépensier Edgar Lunga. Ce dernier avait contracté d’importants prêts auprès de la Chine et d’autres pays pour construire des infrastructures largement inutiles. La Zambie a fait défaut sur sa dette extérieure il y a trois ans, et depuis lors, Hichilema s’efforce d’échapper au piège de la dette en recherchant l’allègement de celle-ci et en imposant à son pays la prudence budgétaire.

Le différend sur les accords zambiens donne à penser que la comparabilité de traitement du Club de Paris ne fonctionne pas

Cependant, les complexités opaques des négociations sur l’allègement de la dette – comprenant, selon certaines suspicions, les motifs cachés des créanciers – semblent être venues à bout du projet, du moins pour l’instant.

L’échec des efforts de Hichilema soulève également des doutes quant à la viabilité du Cadre commun établi en 2020 par le G20 et le Club de Paris pour sauver les pays plongés dans l’endettement en raison de l’impact économique du COVID-19.

Conformément au principe de comparabilité du traitement établi par le Club de Paris, tous les créanciers devraient subir la même perte de base. Cependant, le cas de la Zambie a démontré la complexité de cette approche, en partie parce que les négociations sont confidentielles, empêchant ainsi toute comparaison fiable des différents traitements.

Les prêteurs publics qui ont formé un comité de créanciers – coprésidé par la Chine et la France et avec l’Afrique du Sud à la vice-présidence – ont fait échouer le récent accord avec les détenteurs d’obligations en soutenant que ces derniers recevraient 18 centimes de plus par dollar que ce qui leur était offert. Les détenteurs d’obligations ont répliqué qu’ils avaient proposé un allègement plus important que les prêteurs bilatéraux en valeur actuelle nette, avec des coupes de 18 % alors que les créanciers officiels n’en avaient subi aucune.

Ces affirmations substantiellement différentes devraient être vérifiables.

Il n’existe pas de lignes directrices pour cartographier le processus de traitement de la dette dans le Cadre commun du G20

Le calcul de la valeur actuelle nette est supposé permettre la comparaison de différents accords sur différents prêts aux échéances variées en éliminant l’inflation de l’équation. Mais le différend autour des deux accords zambiens semble indiquer que la comparabilité du traitement ne fonctionne pas. Et, bien sûr, la situation est complexe.

D’après une analyse de Reuters, « il est très difficile d’harmoniser les priorités des différents créanciers est : les détenteurs d’obligations visent des flux de trésorerie à plus court terme, mais acceptent des réductions de capital, tandis que les créanciers officiels privilégient l’allongement des échéances ».

Selon Maryann L. Nkunika-Lwandamina, économiste principale au ministère zambien des Finances et de la Planification nationale, le problème réside en grande partie dans l’absence de lignes directrices pour définir le processus de traitement de la dette au titre du Cadre commun.

« En attendant, les expériences du Tchad, de l’Éthiopie et de la Zambie serviront de points de référence aux autres pays », poursuit-elle dans un document datant de septembre 2022. Elle a également cité les deux autres pays qui étaient alors aux prises avec des négociations sur l’allègement de la dette au titre du Cadre commun. « Il pourrait être utile d’établir des lignes directrices dans le cadre actuel et dans toute autre initiative similaire future ».

Selon le consensus qui prévaut parmi les différents observateurs, la transparence fait partie de la solution. Danny Bradlow, de l’université de Pretoria, a déclaré que « la Zambie devrait proposer à tous ses créanciers de se réunir en un seul forum et de conclure un seul accord englobant toutes ses obligations ».

Le cas de la Zambie crée un précédent pour d’autres pays endettés tels que le Tchad, l’Éthiopie et le Ghana

« Même si cela complique indéniablement les négociations, la transparence du processus s’en trouvera améliorée et donnera également à chaque groupe de créanciers l’assurance qu’ils bénéficient tous d’un traitement comparable ».

La transparence revêt une importance incontestable. Cependant, lors d’un entretien avec ISS Today, Simon Wolfe de Marlowe Global a émis des doutes légitimes quant à la capacité de la transparence à résoudre le différend zambien – ou tout autre accord futur d’allègement de la dette.

« La question est de savoir si les créanciers bilatéraux, fortement représentés par la Chine, et les créanciers privés peuvent convenir rétroactivement de la comparabilité du traitement. La dette a été accordée à la Zambie selon des termes différents au départ. Il est déraisonnable de s’attendre à ce que tous les nouveaux prêts soient approuvés d’avance par tous les prêteurs possibles dans l’éventualité, probable ou non, où le pays ne serait pas en mesure de rembourser sa dette à l’avenir ».

En raison, sans doute, de l’improbabilité d’un tel scénario, Wolfe pense qu’il est possible que « la Chine veuille peser de tout son poids pour que les détenteurs d’obligations souveraines paient un prix plus élevé ».

Quoi qu’il en soit, Wolfe est d’accord avec d’autres pour affirmer que « la restructuration de la dette zambienne est un test pour le nouveau Cadre commun, un point de référence pour d’autres pays endettés », en l’occurrence le Tchad, l’Éthiopie et, plus récemment, le Ghana. À tout le moins, le cas de la Zambie doit être étudié attentivement afin d’en extraire des lignes directrices que d’autres pourraient suivre et que l’État zambien lui-même pourrait utiliser pour sauver son projet d’allègement de la dette.

Entre-temps, les autorités du pays ont déclaré que « le gouvernement a l’intention de poursuivre les discussions de bonne foi avec toutes les parties concernées sur la manière dont il peut parvenir à une restructuration réussie et complète de la dette ».

Peter Fabricius, consultant, ISS Pretoria

Image : © Hakainde Hichilema / X

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