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Le FOCAC peut-il s’adapter aux priorités de l’Afrique ?

Les accords bilatéraux entre l’Afrique et la Chine doivent s’aligner clairement sur les objectifs de développement du continent.

Le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) est un pilier des relations entre l’Afrique et la Chine depuis sa création en 2000. Cependant, le neuvième sommet, qui se tiendra à Pékin du 4 au 6 septembre 2024, se déroulera dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes dans lequel la Chine cherche à renforcer sa position face aux autres puissances mondiales.

Les pays africains doivent saisir cette occasion pour repenser l’avenir du partenariat. S’ils abordent le FOCAC de manière stratégique, celui-ci pourrait ouvrir une nouvelle ère de coopération durable et mutuellement bénéfique.

Le forum, qui se tient tous les trois ans, facilite les discussions, les accords et les projets de coopération entre la Chine et les nations africaines. Il constitue le principal mécanisme de coordination des politiques majeures. Le FOCAC a historiquement abouti à des engagements financiers importants, notamment lors du sommet de 2021, où 40 milliards de dollars US ont été promis pour les infrastructures, l’agriculture et l’industrie manufacturière.

Selon des études, les mécanismes institutionnels du FOCAC auraient permis la réalisation de projets à hauteur de 155 milliards de dollars US en octobre 2021, sur un total de 191 milliards de prêts accordés entre 2006 et 2021. Toutefois, le manque de transparence des accords et la diversité des mécanismes de financement rendent les résultats difficiles à évaluer.



Lors de son troisième plénum en juillet, le Parti communiste chinois a dévoilé d’importantes réformes axées sur le marché. Celles-ci prolongent la transition amorcée par le président Xi Jinping, visant à passer d’un développement rapide à un développement de haute qualité pour garantir une croissance économique plus durable et équilibrée — une stratégie initiée en 2017.

Cette volonté a été réaffirmée lors des récentes discussions préparatoires au  FOCAC, en mettant l’accent sur la viabilité économique, les avantages pour les communautés locales et la durabilité environnementale. Les réformes orientées sur le marché devraient également accélérer la tendance observée lors du sommet de Dakar de 2021, en passant d’initiatives dirigées par l’État à une plus grande participation du secteur privé.

Cette année, le sommet se déroulera alors que la Chine rencontre une résistance croissante de la part d’une coalition dirigée par les États-Unis. En réponse, celle-ci essaie de renforcer davantage ses liens avec les pays du Sud, considérant ces relations non seulement comme des opportunités économiques, mais aussi comme des éléments cruciaux d’une force politique mondiale émergente.

Le FOCAC pourrait favoriser une nouvelle ère de coopération durable et mutuellement bénéfique

Le sommet de 2024, sous le thème « Unir nos forces pour faire progresser la modernisation et construire une communauté de destin sino-africaine de haut niveau », reflète cet objectif en cherchant à approfondir les relations sino-africaines dans le cadre des ambitions géopolitiques plus larges de la Chine.

Quant à l’Afrique, son importance économique pour la croissance chinoise est de plus en plus égalée, voire surpassée par son poids géopolitique. Des liens économiques solides permettent à Pékin d’obtenir le soutien de l’Afrique dans les forums internationaux et l’aident à influencer la diplomatie et la sécurité au niveau mondial. Ce soutien est indispensable à la Chine qui tente de remodeler un ordre mondial qu’elle juge biaisé.

Cependant, les investissements du FOCAC, souvent orientés vers les intérêts géopolitiques et stratégiques chinois, peuvent ne pas correspondre aux besoins et priorités de développement des pays bénéficiaires. L’influence croissante de la Chine sur la politique africaine suscite des inquiétudes, tout comme l’impact économique des projets financés par le FOCAC.

Le lourd fardeau de la dette associé à ces investissements souligne la nécessité d’un contrôle pour protéger la souveraineté et la stabilité financière de l’Afrique. Malgré la réduction de la taille des transactions, la viabilité de la dette reste problématique pour de nombreux pays africains. Depuis 2006, les prêts chinois à l’Afrique ont été accordés surtout à travers le FOCAC, avec une promesse de 191 milliards de dollars US entre 2006 et 2021. Certains projets pourraient aussi aggraver indirectement les inégalités en Afrique en ne répondant pas suffisamment aux besoins socio-économiques locaux.

L’importance géopolitique de l’Afrique pour la Chine égale, voire surpasse son poids économique

Les pays africains doivent donner la priorité à leurs besoins économiques et se concentrer sur la progression dans la chaîne de valeur. Bien que le FOCAC leur ait offert de précieuses opportunités de financement sur les plans du développement, des infrastructures et du commerce, ils doivent collectivement éviter le surendettement et donc de s’engager dans des projets inutiles. En s’alignant sur des priorités communes, ils peuvent utiliser le FOCAC pour soutenir l’avancement de la chaîne de valeur et la croissance durable.

Le FOCAC fonctionne comme un cadre multilatéral, mais implique souvent des négociations bilatérales, reflétant à la fois la préférence de la Chine pour un contrôle direct et des retours rapides et le désir de l’Afrique d’obtenir des conditions sur mesure et des résultats immédiats.

Les analystes recommandent depuis longtemps une présence africaine unifiée au sein du FOCAC afin d’obtenir des résultats plus efficaces. Cependant, les pays africains négocient souvent de manière isolée, sans stratégie cohérente. En revanche, la Chine a défini ses objectifs dans la Vision 2035 de la coopération sino-africaine. À court terme, les engagements bilatéraux devraient s’aligner sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui met l’accent sur la croissance inclusive, le développement durable, l’intégration régionale, la paix et la sécurité.

Les gouvernements africains ne devraient pas attendre le FOCAC pour en déterminer l’ordre du jour, car il est alors souvent trop tard. Le sommet est le point culminant de plusieurs réunions préparatoires, dont les résultats sont en grande partie définis à l’avance. Ainsi, si les pays africains doivent s’efforcer d’obtenir des conditions favorables lors du sommet, celui-ci doit aussi leur permettre de rejeter les projets non conformes aux objectifs continentaux.

Le sommet peut permettre à l’Afrique de rejeter les projets non alignés sur ses objectifs de développement

Pour maximiser l’impact des investissements du FOCAC, les efforts des pays africains doivent être en accord avec l’Agenda 2063. Bien que le FOCAC soutienne ces objectifs de manière rhétorique, il est essentiel que les accords bilatéraux avec la Chine s’alignent sur les cadres continentaux, tels que la zone de libre-échange continentale africaine et les projets d’infrastructure régionaux.

Ceci est d’autant plus crucial que le secteur privé joue un rôle croissant dans ces accords, ce qui peut fragmenter les efforts de développement. En respectant l’Agenda 2063 et en promouvant un marché unifié, les pays africains pourraient intégrer les investissements chinois à leurs priorités à long terme et renforcer leur résilience économique.

Le sommet de cette année adopte un nouveau format, avec des discussions organisées autour de comités thématiques coprésidés par la Chine et un pays africain. Il offre ainsi l’occasion aux négociateurs africains de collaborer sur des priorités régionales spécifiques et aux communautés économiques régionales de s’unir pour relever des défis communs.

Avec l’intensification des rivalités mondiales et des initiatives concurrentes comme le Partenariat pour l’infrastructure et l’investissement du G7 et le Portail mondial de l’UE, le financement de l’Afrique évolue. Pour en tirer profit, les pays africains doivent préserver leur indépendance stratégique.

Le succès du FOCAC dépendra de sa capacité à s’adapter à l’évolution des dynamiques mondiales tout en répondant aux besoins de l’Afrique. Alors que la Chine renforce son influence mondiale et que l’Afrique valorise son importance économique, la recherche de la pérennité et de bénéfices mutuels pourrait faire du FOCAC un modèle de coopération internationale efficace.

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