L’Afrique peut devenir prospère, mais il n’y a pas de solution miracle

Un nouveau site web de l’Institut d’études de sécurité propose des pistes fondées sur des données pour améliorer les niveaux de revenus et réduire la pauvreté.

Après des décennies d’améliorations modestes des moyens de subsistance, la situation de l’Afrique a commencé à progresser au milieu des années 1990. En revanche, l’écart entre des indices importants, tels que les revenus moyens en Afrique et dans le reste du monde, continue de se creuser.

Un nouveau site web de l’Institut d’études de sécurité (ISS) explore les raisons de la lenteur du développement de l’Afrique au-delà de l’impact historique de l’esclavage, de l’impérialisme, du colonialisme et des conflits par procuration de la guerre froide.

En raison de la grande jeunesse de sa population, l’Afrique ne bénéficiera pas d’un potentiel dividende démographique avant le milieu du siècle, soit plusieurs dizaines d’années après les autres régions. Loin d’être un atout pour le développement, le nombre important de jeunes en Afrique constitue un frein important à l’amélioration des revenus et à la réduction de la pauvreté.

Étant donné que la plupart des Africains vivent encore en zone rurale et pratiquent une agriculture de subsistance, le continent ne bénéficie pas de la contribution dynamique que l’urbanisation apporte au développement. Au lieu de s’orienter vers des emplois urbains dans les usines – la voie traditionnelle pour une croissance rapide – la main-d’œuvre africaine se dirige en grande majorité vers les villes pour échapper à la misère des zones rurales. Ainsi, loin de bénéficier de moyens de subsistance plus productifs dans les villes, ces populations parviennent à peine à survivre dans un secteur informel en pleine expansion, offrant des services bas de gamme.

L’urbanisation ne contribue que modestement à l’amélioration de la productivité dans la plupart des économies africaines

Par conséquent, l’urbanisation ne contribue que modestement à l’amélioration de la productivité dans la plupart des économies africaines. Et plutôt que de s’industrialiser, l’Afrique se désindustrialise en raison du rôle relativement faible que joue le l’industrie manufacturière dans ses économies. Avec de faibles niveaux de développement, une croissance axée sur les services n’apporte que des améliorations mineures de la productivité et une croissance économique médiocre.

Malgré tous les discours sur son potentiel agricole, l’Afrique n’a pas connu de révolution agricole ; les rendements moyens à l’hectare sont inférieurs de moitié à la moyenne du reste du monde. Les terres agricoles appartiennent à la collectivité et ne sont pas rentables. Les engrais sont chers et les excédents de production ne peuvent pas être commercialisés en raison de la faiblesse des infrastructures.

Loin de se réduire, l’écart entre les rendements par hectare en Afrique et les moyennes mondiales se creuse. L’insécurité alimentaire du continent augmente d’année en année, comme le montre l’impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur les disponibilités alimentaires, la faim et la malnutrition.

Ensuite, L’Afrique supporte un lourd fardeau sanitaire. Les taux de maladies transmissibles sur le continent sont plus de quatre fois supérieurs à la moyenne mondiale. Bien que le fardeau des maladies non transmissibles en Afrique ne représente que la moitié de celui du reste du monde, les taux sont en augmentation.

Avec son retard de développement et son instabilité, il est paradoxal que l’Afrique ait des niveaux de démocratie aussi élevés

D’ici 2024, le taux de mortalité dû aux maladies non transmissibles en Afrique dépassera celui des maladies transmissibles. Cette transition épidémiologique précoce – compte tenu des faibles niveaux de développement – se traduit par une véritable double charge de morbidité sur un continent dont l’infrastructure sanitaire est exceptionnellement médiocre et où le ratio personnel médical/population est faible.

De manière paradoxale, les niveaux de démocratie en Afrique sont assez élevés compte tenu de son retard de développement et du poids de l’instabilité. Et les dépenses militaires sur le continent sont généralement inférieures à la moyenne du reste du monde.

Que peut-on faire ? Le 22 juin, le programme Futurs africains et Innovation de l’ISS a dévoilé un site web ambitieux présentant des prévisions à long terme pour chaque pays africain. Le site évalue les raisons pour lesquelles l’Afrique est en retard par rapport au reste du monde et présente des scénarios pour les deux décennies à venir. Il suit également l’effet des voies positives dans 11 secteurs distincts, allant des infrastructures au leapfrogging en passant par le changement climatique et l’énergie.

L’Afrique peut commencer à combler l’écart avec le reste du monde, mais il n’existe pas de solution miracle. Les pays doivent plutôt poursuivre une bonne gestion politique et économique, et adapter leurs interventions à leurs spécificités, à leurs ressources naturelles et à leurs niveaux de développement.

Les riches ensembles de données et les prévisions de Futurs africains et Innovation fournissent un aperçu inégalé des scénarios possibles

Les riches ensembles de données et de prévisions de Futurs africains et Innovation fournissent un aperçu inégalé des tendances futures probables. Ils permettent de dresser une carte des défis du développement de l’Afrique et de l’énorme potentiel de la zone de libre-échange continentale, d’une augmentation de l’aide et des investissements directs étrangers, d’une meilleure éducation et d’une meilleure santé.

Lors du lancement du site le mois dernier, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a félicité l’ISS pour avoir « apporté son soutien à l’effort panafricain pour l’unité, l’autodétermination, la liberté, le progrès et la prospérité collective ».

En réalisant des progrès dans tous les secteurs, on peut combler l’écart croissant entre les niveaux de revenus en Afrique et dans le reste du monde. Cela prendra toutefois du temps, et le nombre de personnes extrêmement pauvres en Afrique augmentera probablement au cours des dix prochaines années. Il faudra plusieurs décennies pour améliorer les revenus et réduire l’extrême pauvreté.

Jakkie Cilliers, responsable de Futurs africains et Innovation, ISS Pretoria

Image : © Alamy Stock Photo

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