La COP27 peut-elle revoir sa position sur les migrants climatiques ?

La migration et les déplacements sont considérés comme des menaces et des pertes, mais la mobilité liée au climat pourrait se révéler une stratégie d’adaptation positive.

Bien que les migrations et les déplacements (la « mobilité ») liés au climat soient évoqués  dans les discussions de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27), ils ne figurent pas officiellement à l’ordre du jour. Sans doute parce que la mobilité liée au climat est généralement présentée comme une menace ou une perte, et non comme une chance.

Les migrants climatiques sont en quelque sorte « les visages du changement climatique ». Ses effets engendrent des perturbations et des modifications graves dans les déplacements humains et leurs destinations. Les prévisions selon lesquelles des millions de personnes fuiront le sud de la planète pour se réfugier au nord relèvent, au mieux, d’efforts de bonne foi visant à imposer une action climatique de toute urgence. Au pire, il s’agit là de propos xénophobes alarmistes. Dans tous les cas, ces prévisions sont intellectuellement malhonnêtes et n’ont pas contribué à ce jour à stimuler de financement ni d’action en matière de mobilité liée au climat.

Ces prévisions exagérées ne font qu’aggraver les sentiments anti-immigration qui alimentent à leur tour les politiques restrictives et les approches sécuritaires de la migration, et provoquent des réticences à accorder une protection légale aux personnes qui fuient les effets du changement climatique.

La mobilité liée au climat est un enjeu important en Afrique. Le changement climatique apparaît comme l’un des principaux facteurs de migration et pourrait engendrer jusqu’à 86 millions de migrants à l’intérieur de l’Afrique subsaharienne d’ici 2050. Toutefois, la plupart des déplacements se feront à l’échelle locale. En outre, les projections varient de façon significative et pourraient chuter de 80 % en fonction de la manière dont le monde atténuera les effets du changement climatique et s’y adaptera. Il est urgent d’intervenir pour éviter, minimiser et aborder la mobilité liée au climat en Afrique.

Les migrations et déplacements climatiques ne figurent pas officiellement à l’ordre du jour de la COP27

Les financements des solutions concernant la mobilité liée au climat restent rares. L’Afrique ne perçoit que 3 % du financement climatique total, et les fonds destinés à la mobilité proviennent quasi exclusivement de dotations affectées à la migration, et non de fonds d’adaptation au changement climatique bien plus importants. Cette situation empêche les interventions relatives à la mobilité liée au climat de se développer. Selon un article récent du Migration Policy Institute, cette réticence reflète en partie à quel point le sujet de la migration est politisé. Les bailleurs du climat s’efforcent de rester apolitiques et d’éviter les projets qui pourraient dissuader les pays donateurs désireux d’endiguer les migrations.

L’un des enjeux centraux de la COP27 est de savoir si les pays riches respecteront leurs engagements de prendre en charge la transition climatique des pays pauvres afin que ces derniers abandonnent les énergies fossiles et s’adaptent aux effets du changement climatique. La semaine dernière, la présidence de la COP27 a lancé le programme d’adaptation de Charm el-Cheikh, qui fixe 30 objectifs d’adaptation à atteindre d’ici 2030. Ce programme vise à mobiliser jusqu’à 300 milliards de dollars US par an.

L’un des sujets les plus controversés est celui des pertes et dommages, qui fait référence aux coûts économiques et non économiques irréversibles du changement climatique. Sur ce sujet, le programme exige que les plus gros et les plus riches pollueurs paient pour les pays les plus pauvres et les plus vulnérables qui ont le moins contribué au changement climatique.

Alors que la question des pertes et dommages a finalement été inscrite à l’ordre du jour officiel de la COP27, les pays riches se sont montrés réticents à en discuter ou à prendre des engagements financiers. Ils craignent qu’une telle démarche ne soit assimilée à une compensation et n’entraîne des demandes d’indemnisation beaucoup plus importantes à l’encontre des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre.

La COP27 est une occasion manquée de parler de la mobilité liée au climat alors que les financements font cruellement défaut

L’Allemagne a récemment dégagé 170 millions d’euros par le biais d’un produit d’assurance, le « Bouclier mondial contre les risques climatiques ». Seuls quatre autres pays, l’Autriche (50 millions d’euros), l’Écosse (5 millions de livres), la Belgique (2,5 millions d’euros) et le Danemark (100 millions de couronnes danoises), se sont engagés à financer les pertes et dommages. D’autres, notamment les États-Unis et l’Union européenne, s’y sont jusqu’à présent opposés.

En présentant la mobilité liée au climat comme une question de pertes et dommages, on la dépeint effectivement comme un échec de l’adaptation plutôt que comme une stratégie d’adaptation positive. Dans certains cas, les déplacements dus au climat nécessitent une compensation, en particulier dans les situations vulnérables. Cependant, la migration constitue également une réponse positive essentielle face aux effets de plus en plus graves du changement climatique.

Alors que certaines régions d’Afrique deviennent moins habitables, la migration offre aux familles la possibilité de répartir les risques et de rechercher de nouvelles sources de revenus. Elle favorise les transferts de fonds sociaux et financiers, permettant aux familles et aux communautés de s’adapter. Les projets tels que les moyens de subsistance verts, les infrastructures et les structures hydrauliques intégrées qui empêchent ou réduisent les déplacements dans les zones vulnérables devraient être reproduits à plus grande échelle. Et les communautés devraient être mieux préparées à accueillir les migrants climatiques.

De nombreux experts et décideurs politiques défendent des récits et des approches plus nuancés des pertes et dommages, ainsi que des migrations de masse. La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a établi le Mécanisme international de Varsovie afin de formuler des stratégies en matière de pertes et dommages. La mobilité humaine est l’un de ses cinq axes de travail. À la COP27, des débats de fonds se déroulent dans le pavillon sur la mobilité liée au climat.

Aucun pays africain ne dispose de plan pour la mobilité liée au climat : les gouvernements doivent également se montrer plus proactifs

En raison de sa nature multidimensionnelle, la mobilité liée au climat est également présente dans de nombreuses sessions consacrées à l’Afrique, notamment sur l’adaptation, l’innovation, les jeunes, l’eau, l’agriculture et plus encore, tout au long de la conférence.

Malgré ces efforts cruciaux, la COP27 est à nouveau une occasion manquée d’accorder la priorité à la mobilité liée au climat à un moment où le financement et l’action font cruellement défaut. Depuis Cancún 2010 (COP16), la communauté mondiale reconnait la nécessité d’un plan relatif à la mobilité liée au climat, mais les financements restent minimes.

Les États devraient également être plus proactifs et avoir un plan de mobilité liée au climat. Seuls deux pays insulaires du Pacifique de faible altitude (Vanuatu et Fidji) possèdent des stratégies de mobilité liée au climat accessibles au public. Selon le Brookings Institute, l’allocation de fonds d’adaptation aux pays disposant d’un plan inciterait d’autres pays à en faire davantage.

Les États doivent évaluer les zones les plus exposées aux impacts environnementaux et prévoir les destinations vers lesquelles les gens seraient contraints de se diriger. Certaines régions gagneront des habitants, tandis que d’autres en perdront. La planification de la mobilité liée au climat est une question complexe, qui nécessite d’adopter de nouvelles législations et d’agir à plusieurs niveaux. Toutefois, le coût de l’inaction – une urbanisation massive non planifiée ou des populations piégées dans la pauvreté ­– est encore plus élevé.

Des réunions comme celle de la COP27 devraient donner la priorité à la mobilité liée au climat, déconstruire activement les narratifs erronés et en promouvoir de plus nuancés. En étant mieux informé, on intervient mieux. Les pays et les parties prenantes doivent impérativement faire des progrès sur le financement de l’adaptation et des pertes et dommages, incluant la mobilité liée au climat.

Aimée-Noël Mbiyozo, consultante de recherche principale, Migration, ISS Pretoria

Image : © IOM/Brendan Bannon

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