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La CIJ estime que le monde doit mettre fin à l’occupation de la Palestine

L’Afrique, plus grand bloc de pays reconnaissant la Palestine, pourrait conduire les initiatives de l’Assemblée générale des Nations Unies.

À peine 48 heures après le vote du Parlement israélien contre la solution à deux États, refusant le statut d’État à la Palestine, la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé illégale l’occupation par Israël du territoire palestinien depuis 1967.

Dans cet avis consultatif historique rendu le 19 juillet, la CIJ s’est ralliée aux arguments de la Palestine, l’Afrique du Sud, la Namibie et l’Union africaine (UA), selon lesquels les politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé relèvent de la colonisation, de la discrimination raciale et de l’apartheid.

Cette conclusion trouve un écho en Afrique, dont l’agenda décolonial était au cœur du mandat du prédécesseur de l’UA, l’Organisation de l’unité africaine. Les expériences de l’Afrique du Sud et de la Namibie en matière d’apartheid en ont inspiré la définition par les Nations Unies et sa criminalisation, notamment dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). L’avis consultatif confirme que l’Afrique considère l’apartheid et l’occupation comme relevant de la colonisation.

Ce cadrage a en partie influencé les opinions de la CIJ sur la légalité de l’occupation de la Palestine par Israël et ses conséquences. En droit international, « occupation » désigne, en temps de guerre, un territoire ou une frange du territoire d’un autre pays sous l’autorité effective d’une armée hostile. Une fois le territoire saisi, la puissance occupante doit assurer la protection des droits des civils du territoire.

Pour l’Afrique, l’apartheid et l’occupation relèvent de la colonisation

Durant les deux dernières années, les pays qui ont saisi la CIJ sur la question de l’occupation israélienne de la Palestine ont fait valoir son caractère illégal. Cela inclut la nature indéfinie de l’occupation et la non-reconnaissance des droits des Palestiniens. Ces pays ont cité des pratiques illégales, notamment la politique de colonisation d’Israël, l’application différente de la loi aux Palestiniens et l’exploitation des ressources naturelles palestiniennes.

Dans sa réponse aux questions juridiques posées, la CIJ est allée plus loin que son avis consultatif de 2004 sur le mur en Cisjordanie, en soulignant la responsabilité des autres pays et des Nations Unies de délégitimer l’occupation et d’y mettre fin.

Six aspects clés de l'avis consultatif de la CIJ
  • L'occupation des territoires palestiniens par Israël depuis 1967 est illégale.
  • Israël doit mettre fin à son occupation des territoires palestiniens.
  • Israël devrait immédiatement cesser toute nouvelle activité de colonisation et évacuer tous les colons.
  • Israël doit réparation à la Palestine et aux Palestiniens pour les dommages causés.
  • La communauté internationale, tant les États membres des Nations Unies que les organisations internationales, ne doit pas reconnaître l'occupation israélienne comme légale ni proposer de soutenir la présence illégale d'Israël.
  • Les Nations Unies, en particulier l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent agir pour mettre fin à l'occupation israélienne de la Palestine.

Israël a toujours ignoré les ordonnances et les avis antérieurs de la CIJ et rejette ce nouvel avis. Ainsi, à peine la Cour a rendu son avis que les colons israéliens ont intensifié leurs attaques en Cisjordanie et l’armée israélienne a renforcé son action militaire à Gaza, tirant apparemment sur des véhicules des Nations Unies clairement identifiés. Israël a tué au moins 38 000 Palestiniens depuis que le Hamas a attaqué le pays le 7 octobre 2023.

Certes, l’avis consultatif porte sur des questions liées à la Palestine, mais plusieurs messages importants résonnent au niveau mondial et en Afrique.

Tout d’abord, la décision de la Cour précise que « l’occupation » est davantage une question de contrôle d’un territoire que de présence. La CIJ a estimé que si Israël a physiquement quitté Gaza en 2005, son contrôle sur Gaza signifie qu’il continue à l’occuper. Alors que l’Afrique est confrontée à la question de la reconnaissance mondiale du statut d’État du Sahara occidental, ce point de vue sur l’occupation pourrait se révéler instructif.

En juillet 2023, Israël a officiellement reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Cette position vient contrecarrer celle de l’UA, qui considère le Maroc comme une puissance occupant le Sahara occidental.

La Cour souligne la responsabilité des pays et de l’ONU de délégitimer et de mettre fin à l’occupation

Deuxièmement, l’occupation doit être temporaire et limitée à une petite portion du territoire, sinon elle entrave le droit des peuples à l’autodétermination et est donc illégale. La politique de colonisation menée par Israël depuis 1967 – par laquelle des milliers de Juifs israéliens sont réinstallés dans des territoires palestiniens occupés – équivaut à une annexion.

Troisièmement, la décision de la CIJ entraîne des répercussions sur l’enquête en cours de la CPI et sur les récentes demandes de mandats d’arrêt pour des crimes internationaux commis en Palestine. La CIJ affirme qu’Israël procède à des transferts forcés de personnes à l’intérieur et à l’extérieur du territoire palestinien, ce qui constitue un crime de guerre au sens des Conventions de Genève et du Statut de Rome. Par ses politiques discriminatoires, Israël se rend coupable d’apartheid, un crime contre l’humanité. Cela s’ajoute aux allégations de génocide formulées contre Israël par l’Afrique du Sud dans une autre affaire portée devant la CIJ.

Enfin, les implications pour d’autres pays, dont ceux qui apportent à Israël un soutien technique et autre, et qui prévoient d’interférer avec les enquêtes de la CPI, ne sont pas des moindres. Lorsque la question sera à nouveau inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, ces États pourront difficilement maintenir leur soutien à Israël tout en défendant l’état de droit.

Hormis Israël, la Hongrie et les États-Unis, les réactions des autres pays appuient la décision de la Cour, réaffirment l’état de droit et appellent Israël à s’y conformer. La décision de la CIJ devrait donc inciter les partisans d’Israël à le convaincre de cesser son offensive militaire.

L’Afrique a toujours reconnu la Palestine, à l’exception du Cameroun et de l’Érythrée

En effet, le nouvel avis consultatif va plus loin que les décisions antérieures en conseillant aux Nations Unies dans leur ensemble de redoubler d’efforts pour mettre fin au conflit, de ne pas reconnaître l’occupation comme légale et d’y mettre fin, ainsi qu’aux politiques et pratiques connexes. Sans conseiller directement aux pays de reconnaître l’État palestinien, la CIJ réaffirme son droit à l’autodétermination, ce qui pourrait encourager les pays à reconnaitre la Palestine comme un État.

Reconnaissance internationale de la Palestine, par décennie
Reconnaissance internationale de la Palestine, par décennie

Source : Site Internet du ministère palestinien des Affaires étrangères

En 2004, 101 pays avaient reconnu la Palestine. Depuis, 44 pays supplémentaires l’ont fait, soit un total de 145 pays sur 193, dont neuf cette année. Les sentiments des pays du monde entier évoluent en faveur de la Palestine. L’Afrique est une région relativement cohérente : tous les pays, à l’exception du Cameroun et de l’Érythrée, ont reconnu la Palestine.

Pendant ce temps, l’affaire de l’Afrique du Sud devant la CIJ concernant le génocide israélien à Gaza se poursuit. D’ici le 28 octobre, l’Afrique du Sud doit présenter des observations écrites supplémentaires détaillant son argumentation contre Israël. Il faudra attendre encore au moins un an avant que la Cour ne prenne une décision de fond. Les espoirs reposent donc sur l’impact de l’avis consultatif de la CIJ et sur les poursuites pénales engagées par la CPI.

En tant que plus grand groupement de pays reconnaissant la Palestine, l’Afrique pourrait mener les initiatives à l’Assemblée générale des Nations Unies.

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