lcodacci/Getty Images

L’égalité entre les sexes souffre d’un manque de données en Afrique

Sans informations précises sur les rôles et les relations entre les hommes et les femmes, l’inégalité de genre et le développement durable resteront un combat.

Les informations sur le statut et les réalités vécues par les femmes sont insuffisantes, surtout en Afrique. Le manque de données sur le genre empêche de mesurer les progrès réalisés en matière d’égalité de sexes et de parvenir à un développement durable.

La majeure partie de l’Afrique n’atteindra pas les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d’ici 2030, ni même dans les 10 ou 20 prochaines années pour certains pays. Le continent est paralysé par l’héritage colonial, les conflits internes et l’ingérence extérieure, qui entravent ses perspectives de développement équitable.

Les pays africains luttent également pour atteindre les objectifs en matière d’égalité des sexes. Un rapport d’ONU Femmes montre que les femmes sont surchargées de tâches non rémunérées, qu’elles subissent quotidiennement des violences verbales et physiques et qu’à travail égal elles sont moins bien payées, même en tenant compte de facteurs tels que l’éducation, le niveau de productivité et l’expérience.

Sans données pertinentes, il sera difficile de mettre fin à l’inégalité de genre en Afrique. Ces données doivent rendre compte des expériences vécues et refléter les rôles, relations et inégalités sociétales entre hommes et femmes.

En 2023, plus de 80 pays manquaient d’informations pour au moins un indicateur d’égalité de genre des ODD

Les femmes qui vivent dans les zones rurales sont confrontées à des défis spécifiques. Elles manquent de ressources, ont une charge de travail plus lourde et sont plus soumises aux normes culturelles traditionnelles que les femmes qui vivent dans les villes. Les femmes africaines LGBTQI+ font l’objet d’une discrimination extrême et de poursuites judiciaires dans de nombreux pays africains. Les restrictions sur les relations homosexuelles, le manque de liberté d’expression, d’association et de protection sont monnaie courante. Afin de mettre en place des politiques et des lois pour résoudre ces problèmes, il est essentiel de recueillir des données qui reflètent les défis particuliers auxquels les femmes sont confrontées

L’absence de données sur le genre est un problème mondial, qui affecte toutes les régions et groupes de revenus, avec des problèmes similaires. Selon le rapport d’ONU Femmes, en 2023, plus de 80 pays avaient un défaut d’informations pour au moins un indicateur clé de l’ODD concernant l’égalité des sexes. À ce rythme, il faudra vingt-deux ans pour que toutes les données relatives à l’ODD sur le genre soient disponibles au niveau mondial.

Figure 1: Écarts de données au niveau mondial, par type de donnéesFigure 1: Écarts de données au niveau mondial, par type de données

Source : UN Women

La lenteur des progrès s’explique par diverses raisons. Des politiques et des lois font défaut pour encourager la collecte de données sur le genre et intégrer les objectifs de genre dans les plans de développement des pays.

Le financement de la collecte de données sur le genre stagne également, les dépenses globales consacrées à la production de statistiques au niveau national ayant diminué depuis la COVID-19. Un rapport du Partenariat statistique pour le développement au xxie siècle (PARIS21) souligne trois caractéristiques qui expliquent ce déficit : peu de donateurs financent les données sur le genre ; la priorité est donnée à la production de données dans d’autres domaines ; les activités relatives aux données sur le genre ne sont pas intégrées et sont souvent liées à des objectifs de projet étroits.

Figure 2 : Financement mondial pour les données sur le genre, 2011-2020 Figure 2 : Financement mondial pour les données sur le genre, 2011-2020

Source : Paris21

En dehors de pays comme le Rwanda, le Burkina Faso et le Ghana, les instituts de statistique africains sont confrontés aux mêmes restrictions de financements. Ces fonds, octroyés par les gouvernements et les partenaires internationaux, orientent la production de données et entravent la création de données régulières sur le genre. Le défaut de personnel formé à la collecte efficace de ces données aggrave le problème.

Il y a des progrès significatifs en Afrique dans les données sur le genre en éducation et en santé

Les effets de ces lacunes en Afrique sont nombreux. D’abord, les gouvernements ne peuvent pas évaluer l’efficacité de leurs actions contre l’inégalité entre les sexes. Ensuite, les besoins réels des femmes restent invisibles. L’insuffisance des données disponibles donne une image partielle de la situation. Enfin, ce manque de données empêche les gouvernements de prendre des décisions éclairées qui pourraient stimuler la croissance économique, la résilience climatique et améliorer les résultats globaux en matière de santé.

Certaines mesures ont été prises en Afrique. Des progrès significatifs ont été accomplis dans la production de données sur l’éducation et les soins de santé, avec des statistiques sur la mortalité maternelle, la scolarisation et l’espérance de vie régulièrement collectées et ventilées.

ONU Femmes gère la stratégie Women Count qui promeut la production et l’utilisation de données sur le genre par le biais de missions dans neuf pays, dont six en Afrique. ONU Femmes a également élaboré un ensemble minimal d’indicateurs de genre pour l’Afrique afin d’aider les États à surveiller et harmoniser au mieux les nouvelles données sur le genre dans les cadres existants.

La première étape consiste à mettre en œuvre les plans existants

La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et ses partenaires développent un cadre et une méthodologie de collecte de données sur le commerce transfrontalier informel à l’échelle du continent. Ce commerce est un aspect très sexué du paysage commercial de l’Afrique. Un projet pilote lancé en 2019 par le Centre africain de politique commerciale de la CEA et la Banque africaine d’import-export pour mieux surveiller le commerce transfrontalier informel entre Abidjan et Lagos est un exemple d’initiative réussie.

La première étape vers un changement durable est de mettre en œuvre les plans existants. Plusieurs documents ont été rédigés pour combler le manque de données sur le genre, mais aucune action concrète n’a suivi.

Le Programme africain sur les statistiques de genre devrait servir de plateforme pour une action continentale. Cependant, une évaluation de sa phase de mise en œuvre 2018-2021 a révélé un engagement insuffisant de la Commission de l’Union africaine et des communautés économiques régionales, dont le soutien est crucial pour une infrastructure africaine de données sur le genre.

D’autres interventions sont essentielles dont le financement, un meilleur alignement des données sur le genre avec les priorités nationales et un engagement politique fort. Les donateurs internationaux se concentrent souvent sur des domaines limités et urgents concernant les données sur le genre, mais les gouvernements africains doivent financer des systèmes de données intégrant la dimension genre.

Pour un changement durable, il est essentiel de modifier les normes de genre et d’inculquer des attitudes égalitaires aux citoyens. L’activisme qui vise à éduquer les enfants et les jeunes sur l’égalité des sexes est indispensable, mais nécessite financement et soutien de l’État.

En investissant dans la collecte et l’analyse de données complètes sur le genre, les nations africaines peuvent prendre des décisions éclairées qui favorisent l’égalité des sexes et profitent à toute la société.

Cet article a été publié pour la première fois sur le blog Afriques futures de l’ISS, Africa Tomorrow.

Les droits exclusifs de re-publication des articles ISS Today ont été accordés au Daily Maverick en Afrique du Sud et au Premium Times au Nigéria. Les médias basés en dehors de l'Afrique du Sud et du Nigéria qui souhaitent republier des articles ou faire une demande concernant notre politique de publication sont invités à nous écrire.

Partenaires de développement
L’ISS tient à remercier les membres du Forum de partenariat de l’Institut, notamment la Fondation Hanns Seidel, l’Open Society Foundations, l’Union européenne, ainsi que les gouvernements du Danemark, de l’Irlande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.
Contenu lié