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L’Afrique du Sud vers un gouvernement de coalition

Le nouveau gouvernement devra se concentrer sur l’unité, la croissance économique et le développement.

Dans deux jours, les Sud-Africains éliront leur septième parlement démocratique, les résultats définitifs étant attendus pour le 2 juin. Ce sera une semaine angoissante, dans l’attente de connaître le type de coalition et de dirigeants qui nous gouverneront pendant les cinq prochaines années.

Les modes de scrutin et les tendances électorales indiquent qu’après 35 ans au pouvoir, le Congrès national africain (ANC) pourrait être relégué dans l’opposition avant 2029. Cependant d’ici là, il est probable qu’il continuera à être le premier parti et de dominer le Parlement, et de loin.

Le Parlement doit tenir sa première session dans les 14 jours suivant la publication des résultats, probablement le 17 juin. Après avoir prêté serment, les députés élisent un président parmi les 400 membres. Les sièges sont attribués proportionnellement au nombre de voix obtenues par les partis, sur la base des listes de candidats soumises avant le scrutin. S’il y a plus d’un candidat à la présidence, le vote se fait à bulletin secret. Si aucun d’entre eux n’a la majorité, les candidats ayant obtenu le moins de voix sont éliminés et l’on procède à un nouveau tour de vote.

Dans le cas improbable où, en raison d’égalité des voix, un nouveau président ne serait pas élu dans les 30 jours, le Parlement serait dissous et de nouvelles élections convoquées. Pendant cette période, le président Cyril Ramaphosa et son cabinet actuel resteraient en poste à titre intérimaire.

Le nombre de Sud-Africains qui s’inscrivent pour voter est en baisse constante

Une fois élu, le président forme un cabinet parmi les députés, et ce, sans délai imposé. Il peut nommer deux personnes extérieures à l’Assemblée nationale. Le choix d’un cabinet étoffé à partir d’un nombre limité de compétences a toujours été un défi pour les présidents qui se sont succédé.

Les sondages indiquent que l’ANC restera le parti dominant, avec le plus grand nombre de sièges au Parlement, mais probablement sans majorité claire. Il aura sans doute besoin de partenaires dans les provinces du Nord-du-Cap et de l’État libre, et pourrait se retrouver sur le banc de l’opposition dans le Gauteng et le KwaZulu-Natal. L’Alliance démocratique (DA) semble en mesure de conserver le Cap occidental, même si elle a besoin du soutien d’un petit parti pour y parvenir.

Bien sûr, les sondages peuvent se tromper. Les Sud-Africains peuvent décider de rester chez eux ou bien de se rendre massivement aux urnes. À ce jour, la tendance est à la baisse constante du nombre de Sud-Africains qui s’inscrivent sur les listes électorales et qui votent. L’impression qu’« il y a du changement dans l’air » est-elle suffisante pour inverser la tendance mercredi ? Quels que soient les résultats, les véritables négociations entre les différents partis ne pourront commencer qu’après l’annonce des résultats.

Cela dit, il ne fait guère de doute que les plus grands perdants seront l’ANC, avec une baisse de soutien d’environ 10 points de pourcentage, et les Combattants pour la liberté économique (EFF), qui pourraient voir leur soutien plafonner. Le nouveau parti uMkhonto weSizwe (MK) et le parti de la liberté Inkatha (IFP) ont grignoté des parts de soutien aux deux partis.

Notre système électoral proportionnel impose une coalition gouvernementale

Toutefois, le MK a une durée de vie limitée. Il a été créé en décembre 2023 avec l’aval de l’ancien président Jacob Zuma. Le 20 mai, la Cour constitutionnelle a décidé que Zuma ne pouvait pas se présenter aux élections législatives en raison de sa condamnation en 2021 à une peine d’emprisonnement. Compte tenu de son âge et de son mépris pour l’état de droit, le MK devrait finalement disparaître ou fusionner avec un autre parti, très probablement avec l’EFF. Dans l’intervalle, une alliance EFF-MK au Parlement pourrait constituer un bloc de voix proche des niveaux de soutien du parti DA.

Il est probable que les sondages refléteront la fragmentation du soutien politique entre un nombre plus grand de partis, soulignant la nécessité d’avoir des partenaires à tous les niveaux. Notre système électoral à la proportionnelle rend les gouvernements de coalition inévitables. Les prochaines élections locales de 2026 verront certainement une augmentation des 66 conseils sans majorité issus des élections de novembre 2021.

Une fois adopté, le projet de loi de modification des structures municipales récemment publié contribuera à stabiliser le gouvernement local. Il limitera le nombre de sièges attribués aux partis au sein d’un conseil en exigeant 1 % des suffrages valablement exprimés. Les changements de responsables municipaux ne seront possibles que deux ans après leur élection. En outre, le Membre du Conseil exécutif (MEC) chargé de la gouvernance coopérative et des affaires traditionnelles peut faire passer une municipalité à un système exécutif collectif si aucun parti n’obtient la majorité des sièges.

Il reste cependant à voir ce qui se passera aux niveaux national et provincial après les élections du 29 mai.

Nous devons apprendre à gouverner en concertation, comme cela se fait avec succès dans certaines municipalités, mais pas dans les métropoles en dehors du Cap occidental. Il est déjà question de professionnaliser la fonction publique dans le cadre d’un plan plus large visant à permettre au gouvernement de poursuivre ses activités sans trop d’interférences politiques.

Pour mieux vivre, les Sud-Africains doivent oublier idéologie, race et autres divisions

S’il tombe en dessous des 50 %, il est probable que l’ANC formera une coalition avec un certain nombre de petits partis au niveau national plutôt qu’avec des partis plus importants comme la DA, l’EFF ou l’IFP. La question de l’élection du président sera étroitement liée à la sélection des partenaires et sera un signe avant-coureur des événements à venir.

Les Sud-Africains sont déjà passés par là, avec les efforts déployés en 1994 pour maintenir la cohésion du pays après ses premières élections démocratiques. Après un début prometteur, les deux dernières décennies se sont révélées décevantes, même s’il faut reconnaître l’ampleur et l’impact de chocs exogènes tels que la pandémie de COVID-19.

Cependant, l’Afrique du Sud, autrefois porteuse d’espoir, a gaspillé une grande partie de la bonne volonté nationale et internationale, en particulier sous Zuma, dont la présidence a été entachée de corruption, d’incompétence et d’inaction. Sous sa direction, l’État a été décimé et de nombreux biens publics ont été vendus ou détruits. Le gouvernement n’a donc eu d’autre choix que de se tourner vers le secteur privé, ce qui n’est pas une solution à long terme pour un pays présentant de tels niveaux de pauvreté et d’inégalités.

Les récents lauréats du prix Nobel d’économie Angus Deaton et Joseph Stiglitz, entre autres, tirent la sonnette d’alarme quant à la façon dont l’économie néolibérale a conduit au populisme et à l’accroissement des inégalités. L’Afrique du Sud va dans la même direction, en grande partie à cause d’un manque d’alternatives, et devra finalement se remettre d’effets délétères inévitables. Nous avons besoin d’un État fort et développementiste. Une grande partie des services qu’il fournit dans les régions les plus pauvres ne doit pas et ne peut pas être motivée par le profit.

Les Sud-Africains doivent s’unir et mettre de côté l’idéologie, la race et les autres divisions si nous voulons améliorer les conditions de vie. Nous devons construire un avenir qui rassemble tous les secteurs clés de la vie publique et de l’économie.

Un pays divisé, comme c’est le cas actuellement, se développe lentement. Le meilleur résultat de ces élections pour l’Afrique du Sud, une fois le calme revenu après le scrutin, sera donc un gouvernement d’unité nationale et, à l’instar d’autres économies à forte croissance, une focalisation sur la croissance économique et le développement. Nous devons rassembler toutes nos compétences, qui sont considérables, pour faire de l’Afrique du Sud la réussite qu’elle peut être.

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