COP29 : les pertes et dommages attendent toujours des décisions
Le financement des pertes et dommages n'est pas à la hauteur des effets des changements climatiques dans les pays vulnérables.
Publié le 21 novembre 2024 dans
ISS Today
Par
Dhesigen Naidoo
chercheur principale associé, Risque climatique, ISS Pretoria
Le changement climatique est à l'origine de nombreux obstacles au développement et crée un cercle vicieux de risques pour les pays vulnérables. Rien qu'en 2022, les pays en développement ont subi 109 milliards de dollars US de pertes et dommages. D'ici 2030, ils pourraient avoir besoin de 200 à 400 milliards de dollars par an.
L’importance de ces chiffres montre que l'architecture financière mondiale est inaccessible aux pays exposés aux changements climatiques. Les fonds pour le climat en Afrique ne représentent que 3 % du financement mondial. Ils sont principalement orientés vers des projets fragmentés et à petite échelle dans des pays à revenu intermédiaire, ce qui alourdit généralement le poids de la dette.
Le fonds pour les pertes et dommages, nouvellement créé, promet un accès direct et rapide qui élimine ou diminue les obstacles historiques et reconnaît les communautés, les peuples autochtones et les groupes vulnérables comme des acteurs prioritaires. Pour l'Afrique, ce fonds est un test qui révélera si le régime climatique prolongera ou brisera les injustices historiques.
Malgré l’urgence de leurs besoins, les pays qui prennent part à la Conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2024 (COP29) ne se sont pas mis d'accord sur l'assistance technique ou le financement. Aucune résolution n’a été prise sur les pertes et dommages et les décisions ont été reportées à la réunion de juin 2025 à Bonn.
Les « pertes et dommages » désignent les effets des changements climatiques lents et soudains qui échappent aux mesures d’adaptation et d’atténuation en raison de limites « dures » lorsque l'adaptation est impossible, ou de limites « douces » lorsque des options existent, mais ne sont pas disponibles.
Les pertes renvoient aux pertes économiques et non économiques permanentes comme la mort, la perte de la culture, de logements, de biodiversité, des moyens de subsistance ou la destruction d’écosystèmes. Les dommages renvoient aux impacts qui peuvent être restaurés, par exemple les biens, les infrastructures, l'agriculture ou les perturbations dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de l'eau.
Après des décennies de plaidoyer des pays vulnérables aux changements climatiques et de la société civile, 200 pays ont accepté de créer le fonds pour les pertes et dommages lors de la COP27. Les détails opérationnels du fonds ont été précisés à la COP28, notamment sur les aspects de l'hébergement, la gouvernance et les modalités de financement. L'Union européenne et 18 pays se sont engagés à verser 673 millions de dollars. Au moment de la COP29, le fonds disposait de 702 millions de dollars de promesses de dons.
Pour l'Afrique, le fonds pour les pertes et dommages est un test pour le régime climatique
Certains espéraient que les montants seraient décaissés avant la COP29. Néanmoins, des progrès ont été accomplis, notamment la finalisation des dispositions relatives à un fonds d'intermédiaires financiers hébergé par la Banque mondiale, le choix des Philippines en tant que pays hôte et la nomination d’Ibrahima Cheikh Diong comme directeur exécutif. Diong a co-organisé un événement de lancement et de promesses de dons le premier jour de la COP29. Seule la Suède s’est engagée à verser 19 millions de dollars.
Outre le financement des pertes et dommages, les pays en développement ont besoin d'une assistance technique pour comprendre les catastrophes climatiques et s’organiser en conséquence. Cependant, l’administration chargée des pertes et dommages ne parvient pas à suivre le rythme.
Lors de la COP19, le mécanisme international de Varsovie pour les pertes et dommages a été créé pour traiter les pertes et dommages de manière globale, intégrée et cohérente. À la COP25, le deuxième examen du mécanisme a conduit au lancement du réseau de Santiago pour prévenir, réduire et traiter les pertes et dommages. Le réseau relie les pays vulnérables aux fournisseurs d'assistance technique, aux connaissances et aux ressources.
Le troisième examen et le rapport annuel conjoint du mécanisme de Varsovie et du réseau de Santiago auraient dû avoir lieu lors de la COP29, mais ils ont été reportés à juin 2025. Lors de ces événements, les pays africains et les blocs tels que le G77+Chine, le groupe des négociateurs africains et les pays les moins avancés ont concentré leurs interventions sur la lenteur des progrès en matière de pertes et dommages.
La première semaine de la COP29 s’est achevée sans résolution sur les pertes et dommages
Ils ont souligné la nécessité d'une cohérence et d'une complémentarité entre le mécanisme de Varsovie, le réseau de Santiago et le fonds pour les pertes et dommages, que de nombreux pays ont du mal à comprendre et à exploiter au maximum. Ils ont également demandé un rapport annuel sur les lacunes concernant les pertes et dommages.
Les parties ont noté que les guides d'assistance technique du mécanisme de Varsovie n'avaient été rédigés qu'en anglais. De même, le réseau de Santiago n'est pas pleinement opérationnel et n'a reçu qu'une seule demande de soutien, celle du Vanuatu.
Les discussions sur les pertes et dommages coïncident avec les négociations sur le nouvel objectif collectif quantifié qui devrait remplacer l'objectif de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020, fixé il y a 15 ans, en 2009. Il vise à aider les pays en développement à atténuer les effets des changements climatiques et à s'y adapter. Le fonds pour les pertes et dommages pourrait y être incorporé en tant que sous-objectif spécifique, parallèlement à l'atténuation et à l'adaptation.
Peu de progrès ont été réalisés sur le nouvel objectif collectif quantifié au cours de la première semaine de la COP29. Lors de l'ouverture de la deuxième semaine, le secrétaire exécutif des Nations unies pour le changement climatique, Simon Stiell, a exhorté les parties à agir plus rapidement, déclarant que la phase technique était terminée et que seules les délibérations politiques devraient suivre.
Des mécanismes clairs pour un apport financier efficace et rapide constitueraient un résultat positif
La structure, la quantité et le cadre du nouvel objectif collectif quantifié restent inconnus. Les pays sont très éloignés les uns des autres sur des questions essentielles telles que l'élargissement de la base des contributeurs et l'inclusion de trois sous-objectifs distincts ou d'un seul objectif à plusieurs niveaux.
Les pays africains plaident pour un objectif de 1 300 milliards de dollars par an d'ici 2030, dont 220 milliards pour les pays les moins avancés, et veulent inclure les pertes et les dommages en tant que canal principal. Ils ont insisté pour que le texte respecte les principes d'équité et de « responsabilités communes, mais différenciées », qu'il constitue un objectif de finances publiques et intègre un accord de partage de la charge et un cadre de transparence.
La plupart des pays développés souhaitent élargir la base des contributeurs aux pays dont les économies se sont considérablement développées depuis 1992, tels que la Chine et les pays producteurs de pétrole. Ils envisagent le nouvel objectif collectif quantifié comme un objectif d'investissement mondial comprenant les contributions du secteur privé, et s'opposent à l'incorporation de « nouveaux principes » tels que le partage de la charge ou des pertes.
Les pays africains mettent également l’accent sur la qualité du financement. Ils veulent des financements nouveaux et supplémentaires, prévisibles, adéquats, sous forme de subventions et assortis de conditions préférentielles qui n'alourdissent pas le poids de la dette. Ils demandent instamment le renforcement des instruments de gestion du risque de change, des remises de dettes et des prêts en monnaie locale, et s'opposent aux prêts non concessionnels et aux crédits à l'exportation.
Il n'est pas certain que la COP29 permette d’avancer sur la question des pertes et dommages. Un résultat positif nécessite des mécanismes clairs pour une mise en œuvre efficace et opportune. Les pays africains ont besoin d'un accès rapide et de stratégies ciblées pour faire face à leurs vulnérabilités spécifiques. Il faut espérer que les dernières consultations de cette semaine permettront de lever les obstacles importants.
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