Approvisionnement en vaccins COVID-19 : La démarche proactive de l'Afrique nécessite un soutien mondial
Malgré l'union des forces et la mise en commun des fonds pour l'acquisition de doses, l'objectif de vaccination de 30 % de la population en Afrique d'ici à la fin de l'année semble irréalisable.
Publié le 22 septembre 2021 dans
ISS Today
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La campagne de vaccination contre la COVID-19 en Afrique prend de l'ampleur dans presque tous les pays. Cela fait suite à un long combat pour obtenir des vaccins, et ce, pour diverses raisons, dont la thésaurisation par les pays riches et le manque de moyens financiers pour acheter de larges quantités. En outre, le continent a dû faire face à l'échec de l'initiative COVAX et la décision de l'Inde d'interrompre les exportations de vaccins du Serum Institute of India, en réponse à sa propre crise COVID-19.
Toutefois, les cargaisons de vaccins à destination de l'Afrique ont augmenté au cours des deux derniers mois. Le Maroc, l'Afrique du Sud, l'Égypte, le Nigeria et le Zimbabwe ont reçu le plus grand nombre de doses de vaccin sur le continent (voir figure 1). L'Érythrée reste réfractaire à tout programme de vaccination, et le Burundi n'a que récemment commencé à accepter des vaccins.
Figure 1 : Approvisionnement en vaccins en Afrique Source : CDC Afrique (Centre officiel de collaboration régional et rapports des États membres au 15/09/2021)(cliquez sur le carte pour agrandir l'image)
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Selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, seules 144,5 millions de doses avaient été fournies à travers l'Afrique et environ 111,3 millions avaient été administrées à la date du 9 août. Au cours de la dernière semaine d'août, le continent a administré 13 millions de vaccins, soit trois fois plus que la semaine précédente, ce qui s'explique par un approvisionnement accru en vaccins.
Bien qu'il s'agisse d'une amélioration, seuls 3 % environ de la population africaine (soit 1,3 milliard de personnes) ont été entièrement vaccinés, et seuls six pays ont inoculé au moins une dose à 30 % de leur population (voir figure 2). Ces chiffres présentent une différence frappante avec les 62 % à 91 % enregistrés dans la plupart des pays développés.
Figure 2 : Pourcentage de la population africaine ayant reçu au moins une dose Source : CDC Afrique (Centre officiel de collaboration régional et rapports des États membres au 15/09/2021)(cliquez sur le graph pour agrandir l'image)
Malgré ces progrès, l'écart de vaccination ne se réduit pas assez vite pour prévenir l'apparition de nouveaux variants et permettre la reprise économique après les répercussions désastreuses de la pandémie. Par ailleurs, si le rythme actuel se maintient, il est peu probable que l'Afrique atteigne l'objectif fixé par l'Organisation mondiale de la santé, à savoir une vaccination complète de 30 % de la population d'ici à la fin de l'année.
Un consensus mondial sur la manière de répondre aux besoins en vaccins des pays en développement est essentiel, et l'Afrique prend une position de plus en plus proactive à cet égard.
L'Union africaine (UA), sous l'égide de l'African Vaccine Acquisition Trust (AVAT) et les pays membres, se sont réunis en août 2020 pour centraliser les ressources et acheter des vaccins, à l’aide d’un financement de l'African Export-Import Bank. Dans le cadre de l'accord d'approvisionnement de mars 2021 visant à acheter 400 millions de doses du vaccin Johnson & Johnson/Janssen (J&J), les livraisons mensuelles à destination des pays africains ont été accélérées.
Une autre avancée concerne la production partielle du vaccin J&J par la société sud-africaine Aspen Pharmacare. Grâce au processus de « remplissage et de finition », la substance médicamenteuse provenant d'Europe est désormais mise en bouteille en Afrique du Sud et expédiée vers d'autres destinations africaines. Ce procédé améliore déjà les conditions d'accès et raccourcit la chaîne de distribution des vaccins. Cette démarche constitue également une meilleure alternative que de faire campagne pour que les pays riches soutiennent une dérogation à l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l'Organisation mondiale du commerce.
Outre l'accord AVAT, de nombreuses nations africaines acquièrent des doses de manière bilatérale auprès de pays plus riches par le biais d'achats directs ou de dons, parfois en passant par le système de partage des vaccins COVAX.
Il ne devrait pas être aussi difficile d'acquérir des vaccins vitaux lors d'une pandémie qui nous touche tous
Les pays africains s'efforcent d'améliorer l'accès aux vaccins, tant au niveau collectif qu'individuel. Cependant, le partage et la distribution équitables de vaccins devraient constituer une priorité pour tous les pays. La pratique de la thésaurisation et du nationalisme en matière de vaccins pourrait avoir un impact négatif sur le cours de la pandémie de COVID-19 à travers le monde, mais surtout en Afrique et dans les nombreux pays en développement dont les citoyens n'ont pas accès aux vaccins.
Hormis la probabilité d'émergence de nouveaux variants, ce scénario ne présage rien de bon pour la reprise économique des pays africains, dont beaucoup sont confrontés à des perspectives économiques réduites à cause de la pandémie. Il est indispensable d'accélérer la fourniture et la distribution de vaccins à l'Afrique et aux pays du Sud.
La première étape consiste à créer un cadre mondial pour atténuer la concurrence déloyale dans l'achat et l'accès aux vaccins. Deuxièmement, le COVAX devrait être restructuré, en plaçant les pays africains en première ligne pour défendre les promesses de financement et les engagements des pays plus riches. Cela permettrait de modifier le système volontaire actuel et de réduire la dépendance de l'Afrique vis-à-vis des nations plus développées.
Les pays africains font preuve de résilience et de coopération en unissant leurs forces pour accroître l'approvisionnement en vaccins
Il y a suffisamment de doses de vaccin pour satisfaire aux besoins de tous les pays. Les États-Unis disposeront d'un excédent de 500 millions à un milliard de doses de vaccin d'ici à la fin de l'année, et le Canada détient des vaccins pour 2022 et 2023, avec la possibilité de les prolonger jusqu'en 2024. Chaque pays a le droit de protéger ses citoyens, mais il est contre-productif de constituer des réserves de doses alors que la majorité de la population mondiale n'a pas encore été vaccinée. Personne ne sera à l'abri de la COVID-19 tant que tout le monde ne sera pas vacciné.
Troisièmement, les politiques mondiales en matière de vaccins doivent être cohérentes. L'Union européenne (UE) ne reconnaît pas la version fabriquée en Inde du vaccin AstraZeneca (Covishield) pour les voyages (bien que certains pays de l'UE la reconnaissent désormais), mais a approuvé celle fabriquée au Royaume-Uni. Cette incohérence sape la confiance dans les vaccins dans les pays en développement. Elle entrave l'adoption du vaccin AstraZeneca, en particulier chez les personnes qui prévoient de voyager, alors que les autres vaccins ne sont toujours pas disponibles dans une grande partie de l'Afrique et d'autres régions en développement.
Quatrièmement, un soutien financier accru de la part d'institutions mondiales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international permettra aux pays africains d'acheter et de distribuer les vaccins COVID-19 de manière indépendante. Enfin, le continent a besoin de davantage de centres de vaccination et de campagnes de sensibilisation visant à dissiper les mythes sur les vaccins. Cela contribuerait à atteindre l'objectif de vaccination complète de 30 % de la population africaine d'ici à la fin 2021.
Un cadre mondial plus cohérent est primordial pour lutter efficacement contre la pandémie. Malgré les difficultés, l'Afrique fait preuve de résilience et de coopération en unissant ses ressources et ses forces pour accroître l'approvisionnement et la distribution des vaccins. Il ne devrait néanmoins pas être aussi ardu pour le continent ou toute autre région d'acquérir des vaccins vitaux lors d'une pandémie qui affecte chacun d'entre nous.
Stellah Kwasi, chercheuse, Futurs africains et innovation, ISS Pretoria
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Crédit photo: UNICEF/Frank Dejongh